Peter Madsen, 46 ans, était il y a encore quelques semaines un inventeur aussi doué que fantasque qui suscitait curiosité et admiration au Danemark, où sa réputation de savant touche-à-tout n’était plus à faire. Mais depuis la disparition de la journaliste Kim Wall le 10 août à bord du Nautilus, le submersible qu’il a fabriqué de toutes pièces, l’infatigable travailleur désormais incarcéré, n’inspire plus que méfiance et suspicion. A tel point que la police danoise a exhumé de ses tiroirs plusieurs «cold cases», dont un concernant le meurtre d’une japonaise, afin de vérifier si le quadragénaire pourrait y être lié, de près ou de loin.
Au début de cette «affaire du Nautilus» pourtant, l’inventeur avait endossé le rôle de la victime sauvée des eaux par la marine militaire danoise, lorsque son embarcation de 40 tonnes avait coulé après un «problème de ballast», selon ses dires. Puis, le rescapé s’était mué en suspect à mesure que le mystère autour de la disparition de Kim Wall s’épaississait. La confirmation le mercredi 23 août du décès de la jeune femme, dont une partie du corps a été repêchée en mer, n’a fait que renforcer le sentiment d’antipathie, voire d’aversion à son encontre en terre scandinave. L’inventeur n’avait-il pas d’abord certifié qu’il avait déposé la jeune trentenaire sur la terre ferme après lui avoir accordé une interview? Avant, confronté à des éléments contradictoires de la police, de reconnaître l’avoir jetée par dessus bord après un «accident» survenu dans le Nautilus. Une volte-face qui a convaincu l’opinion publique danoise que son héros, présumé innocent, avait peut-être tenté de maquiller un crime en coulant lui-même son sous-marin.
Et voilà désormais que la police enquête pour tenter de déterminer si Peter Madsen ne pourrait pas être lié au meurtre d’une touriste japonaise en 1986. Le corps de cette dernière, âgée de 22 ans à l’époque, avait été retrouvé en mer, aux abords de Copenhague, décapité et amputé de ses membres, tout comme pour la journaliste suédoise. De troublantes similitudes. Suffisantes pour que les enquêteurs danois creusent cette piste, même si la comparaison pour l’heure semble s’arrêter là. «Il est certain que cette histoire du Nautilus ravive d’anciennes affaires, non élucidées. Plus précisément le cas de cette étudiante japonsaise retrouvée dans le port de Copenhague», a indiqué Jens Møller Jensen, le directeur de l’enquête sur la mort de Kim Wall lors d’une conférence de presse mercredi.
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Le torse de la jeune étudiante japonaise avait été retrouvé en octobre 1986. C’est un chauffeur de taxi qui avait fait la macabre découverte en prenant son déjeuner au bord de l’eau, apercevant un sac plastique noir flottant à la surface, rappelle le quotidien local BT. Plusieurs jours plus tard, un autre sac avait été retrouvé dans un chenal, contenant le reste des membres de la jeune femme, tandis que la tête avait été découverte dans les jours suivants. Il avait fallu dix jours aux plongeurs pour récupérer la totalité du corps de la victime. Mais c’est seulement 8 mois plus tard qu’elle avait pu être identifiée. Il s’agissait de Kazuku Toyonaga, âgée de 22 ans, qui effectuait un tour d’Europe de trois mois avec plusieurs camarades, entamé le 16 septembre 1986. Son dernier signe de vie reste une carte postale envoyée à son petit-ami depuis la Finlande, à Helsinki le le 4 octobre 1986. Elle serait morte étouffée, mais son meurtrier n’a jamais été retrouvé. Elle ne présentait aucun signe de violence et aucune substance n’avait été retrouvée dans le sang de la jeune femme.
Les enquêteurs vont donc tenter de savoir si Peter Madsen peut avoir un quelconque lien avec le décès de Kazuku Toyonaga. Même si pour certains observateurs, la ficelle est un peu grosse : le Danois n’avait que 15 ans en 1986, lorsque cette dernière a été tuée. Il fondait d’ailleurs à l’époque sa première entreprise, Danish Space Academy, pour acheter des pièces détachées dans l’espoir de construire une fusée et d’atteindre l’espace, son rêve de toujours. Peter Madsen cache-t-il un personnage plus sombre que ne le laisse penser son captivant costume de Géo Trouvetout scandinave? Décrit par certains proches comme un homme «atypique mais non violent», il ne «boit pas, ni ne se drogue», affirme son biographe, Thomas Djursing, au quotidien danois Jyllands-Posten. «Mais il est en colère contre Dieu et les hommes».
Ce qui est sûr, c’est qu’avant de se pencher sur la mort de la jeune japonaise, la police va surtout devoir déterminer comment est décédée la journaliste Kim Wall. L’eau salée est en effet un bon moyen de faire disparaître d’éventuelles traces de lutte ou d’ADN et les enquêteurs auront fort à faire pour découvrir la vérité. Dans cette optique, les recherches en mer se poursuivaient jeudi pour tenter de localiser les parties du corps manquantes de la journaliste.
Les enquêteurs souhaitent par ailleurs réentendre Peter Madsen. «Je n’ai pas l’intention de spéculer sur un mobile», a toutefois déclaré Jens Møller Jensen, se refusant à dire si l’autopsie avait pu mettre en évidence les stigmates d’une agression sexuelle. L’ingénieur autodidacte était initialement soupçonné d’«homicide involontaire par négligence», la thèse accidentelle n’étant pas définitivement écartée. Mais le parquet de Copenhague a annoncé ce jeudi vouloir poursuivre l’ingénieur pour «meurtre» et a jusqu’au 5 septembre pour demander une requalification des chefs de poursuite, date de la prochaine comparution devant un juge de Peter Madsen, qui clame toujours son innocence.
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