Les soldats russes campés depuis trois mois dans le sud et l’est de l’Ukraine commencent à imposer leur loi. Le rouble y circule de plus en plus, les nouveaux maîtres distribuent des passeports russes à pleines mains et les enfants de la région entament des cours de « désukrainisation ». Face aux occupants, l’armée drapée de jaune et de bleu peine à répliquer.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a reconnu mercredi, pour une rare fois, la domination des Russes au Donbass. Dans ce territoire au cœur du conflit, « l’ennemi est nettement supérieur, en équipement, en nombre de soldats », a-t-il concédé.
Le gouverneur ukrainien de la région, Serguiï Gaïdaï, a confirmé ces dires sur Telegram. « La mission est extrêmement difficile dans la région de Louhansk, après trois mois d’attaques et de bombardements permanents. Et maintenant, toutes les forces des Russes sont concentrées ici, et nous devons contenir cette horde. » Selon lui, de nombreuses infrastructures militaires ukrainiennes ont été détruites et, « lentement, nos gars se replient vers des positions plus fortifiées ».
Lors de ce 92e jour de guerre, l’armée russe a progressé lentement mais sûrement dans la région, encerclant notamment Severodonetsk, une ville de 100 000 habitants avant la guerre. Un scénario de siège, à l’image de celui de Marioupol, s’y profile. Serguiï Gaïdaï a publié sur Telegram un résumé de la situation : « Des combats extrêmement durs font rage aux abords de Severodonetsk, [les Russes] sont en train de détruire complètement la ville. »
Jeudi, l’offensive militaire russe avait atteint une « intensité maximale », a relevé en point de presse la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Ganna Malyar, avant d’ajouter qu’« une étape longue et extrêmement difficile nous attend ».
Sur le front méridional, Moscou referme son emprise sur les territoires conquis. Les habitants des régions de Zaporijjia et de Kherson peuvent ainsi demander un passeport russe par « une procédure simplifiée », a annoncé Moscou cette semaine. L’Ukraine a aussitôt dénoncé un octroi « forcé » de la nationalité russe qui démontre la volonté du Kremlin d’annexer ces territoires.
Jeudi, un responsable ukrainien de la ville de Marioupol a signalé que les enfants restés sur place allaient intégrer le système scolaire russe. « Tout l’été, les enfants auront des cours de langue et de littérature russes, d’histoire russe et des cours de mathématiques en russe. Le but principal est la désukrainisation et la préparation de la rentrée selon le curriculum russe », a affirmé Petro Andriouchtchenko, conseiller du maire. Il a cependant ajouté que les « occupants » russes n’avaient pour l’instant pas réussi à trouver suffisamment d’enseignants — « seulement 53 pour neuf écoles ». Il n’a pas précisé combien d’élèves étaient concernés.
Le ministère russe des Situations d’urgence a quant à lui diffusé cette semaine des images de camions flanqués d’écrans géants qui circulent dans cette ville portuaire. Appelées « complexes d’informations mobiles », ces télévisions sur roues donnent accès à la propagande de la télévision d’État à une population privée d’eau et d’électricité.
Toujours dans le sud du pays, la monnaie russe a commencé à circuler parmi les populations soumises. Les autorités prorusses de la région ukrainienne de Kherson ont fait cette semaine du rouble une devise officielle, parallèle à la hryvnia ukrainienne. L’administration a ajouté que la première agence d’une banque russe ouvrirait « très prochainement » à Kherson ; un passage complet à la monnaie russe a été évoqué.
Devant ces avancées russes, l’Europe affiche sa détermination à poursuivre le combat.
La cheffe de la diplomatie britannique a renouvelé jeudi sa volonté de voir l’Occident continuer à soutenir Kiev sans faiblir. « Il ne faut offrir aucun compromis ou apaisement à Poutine », a déclaré Liz Truss depuis Sarajevo, où elle a rencontré son homologue bosnienne. « Nous devons nous assurer que Poutine perd en Ukraine et que l’Ukraine gagne […], qu’une agression russe ne pourra plus jamais menacer la paix en Europe. Il faut plonger loin dans nos ressources sans relâchement, continuer à fournir à l’Ukraine les armes dont elle a besoin pour gagner et reprendre son intégrité territoriale et sa souveraineté. »
Le chancelier allemand, Olaf Scholz, a affiché le même jour la même détermination. « Poutine ne doit pas gagner sa guerre. Et j’en suis convaincu : il ne la gagnera pas », a-t-il proclamé lors d’un discours prononcé au Forum économique mondial de Davos, en Suisse.
La première ministre de la Finlande, Sanna Marin, a quant à elle dressé un portrait sombre de la suite des événements lors de sa visite de jeudi à Kiev. « Ce que la Russie a fait est un tournant pour toute la famille européenne et pour le monde entier. Nous voyons que l’ancien système est détruit et qu’il n’y a pas de retour en arrière aux anciennes relations », a déclaré Mme Marin au cours d’un point de presse tenu avec le premier ministre ukrainien.
« La confiance [envers la Russie] est perdue pour des générations. »
Avec l’Agence France-Presse
Un tribunal militaire de Kabardino-Balkarie, dans le sud de la Russie, a confirmé le licenciement de 115 militaires qui avaient contesté leur renvoi de l’armée dû à leur refus de participer à l’offensive en Ukraine. Cette affaire semble être le premier cas confirmé officiellement de soldats russes ayant refusé de prendre part à la campagne lancée par le régime de Vladimir Poutine le 24 février.
Selon un communiqué publié mercredi, le tribunal a conclu que les militaires avaient « arbitrairement refusé d’accomplir une mission officielle » et a rejeté leur appel. La cour dit avoir examiné les « documents nécessaires » et interrogé des responsables de la Garde nationale, une force de sécurité intérieure qui participe aussi aux opérations en Ukraine, mais qui est distincte de l’armée russe. L’audience s’est tenue à huis clos afin que ne soient pas révélés des « secrets militaires », a ajouté le tribunal, qui ne précise pas où étaient stationnés ces soldats en Russie.
Le service de presse du tribunal, cité par l’agence de presse Interfax, a indiqué jeudi que les intéressés étaient des membres de la Garde nationale qui avaient refusé de prendre part à « l’opération spéciale » de Moscou en Ukraine.

Agence France-Presse
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