Les transports publics dans le doute face à l’ouverture à la concurrence
Tencent, le discret numéro un chinois du numérique, obligé de se réinventer
« La prise de parole des victimes oblige à repenser l’exercice du pouvoir »
« Les économistes prétendent souvent à une expertise politique pour laquelle ils n’ont aucune qualification »
Le résumé vidéo de 2022, en sept minutes
Mort de Benoît XVI : le pape François rend hommage à son « noble » prédécesseur
Mort de Pelé : les secrets d’un surnom de légende
Pourquoi le champagne est-il cher ?
Spatial : la souveraineté européenne menacée
Yann Richard : « Le régime iranien peut encore durcir la répression »
En Algérie, la calamiteuse surenchère autoritaire du régime
« Nous vous demandons de surseoir au processus de privatisation pour l’ensemble des transports d’Ile-de-France » : la lettre de 250 élus franciliens à Elisabeth Borne
Pierfrancesco Favino, il était une fois une voix
« Quel livre aimez-vous le plus offrir ? » Seize écrivains dévoilent l’ouvrage qu’ils aiment le plus partager
« The Endless Summer », sur OCS : deux surfeurs à la recherche de la vague parfaite
Cinéma : la fréquentation rebondit en 2022, mais reste en recul par rapport à la période ayant précédé le Covid-19
Gabriela Hearst : « Notre responsabilité ? Etre vigilant et transparent sur la manière dont on produit des vêtements »
« Regain », le journal de campagne de Daphné Hézard
Lime de Tahiti, citron caviar, sudachi du Japon… au bonheur des agrumes
Les punaises de lit vous angoissent au quotidien ? Racontez-nous ce que vous faites pour éviter d’être (ré-)infesté·e
Services Le Monde
Services partenaires
Service Codes Promo
Suppléments partenaires
Temps de Lecture 20 min.
Réservé à nos abonnés
ReportageSurpris par l’attaque russe, plus de 4 millions d’Ukrainiens ont déjà fui leur pays. Les bagages préparés à la hâte des réfugiés croisés en Pologne disent la vie d’avant, la sidération, les regrets. Ils racontent aussi, à leur façon, le plus grand exode européen depuis la seconde guerre mondiale.
Son sac rouge est d’abord resté dix jours dans le coin de sa chambre, chez elle, en Ukraine. Loin de ses yeux. À l’intérieur, ses diplômes, un bulletin scolaire, une photo d’identité de sa mère, un tee-shirt et un soutien-gorge taille 70, plus une polaire, une serviette de toilette et une paire de chaussettes encore mariées par le fil de l’étiquette. « Un petit sac pour deux jours », commente Anna Furman, 52 ans, professeure de philologie romane à l’Université nationale de Dnipro, grande ville russophone du centre de l’Ukraine, sur les rives du Dniepr. Un sac de voyage, pas un sac d’exil.
« Je ne voulais pas partir. » Anna Furman procrastinait chez elle en regardant United News, un canal de télévision unique qui réunit toutes les chaînes d’information ukrainiennes depuis le 26 février, deux jours après l’offensive russe. Ruines de Kiev ou de Mykolaïv, siège de Marioupol, prise de Kherson, avant les charniers de Boutcha, c’était comme une télévision tout-horreur en continu.
De son neuvième étage, le dernier de l’immeuble, elle s’est mise à guetter les nuages d’une fumée noire ou le ronflement d’un avion russe. Dix fois, elle a pris son sac, raconte-t-elle dans l’ancien théâtre où des bénévoles d’associations l’hébergent, à Varsovie. « Dix fois je l’ai reposé. Cet immeuble, mon quartier, ma ville de Dnipro, c’est ma vie. Mon appartement, c’est ma patrie », une patrie de 37 mètres carrés dont elle s’est rarement éloignée.
Dnipro, ville juive d’un million d’habitants, a abrité quelques figures célèbres. C’est le berceau d’Ihor Kolomoïsky, le richissime homme d’affaires qui a mis en orbite Volodymyr Zelensky sur sa chaîne de télé, 1+1, du temps où les dirigeants européens tenaient le futur président pour une copie slave de l’Italien Beppe Grillo. Auparavant, la ville fut le berceau de la mère de Leonid Brejnev.
Anna Furman se souvient bien de l’ère soviétique. « Je suis née en 1969, et hors de l’Ukraine je ne connais que la Russie. Je raffole de ses poètes, Pouchkine, Mikhaïl Lermontov [un Caucasien mort à 26 ans] et, bien sûr, mon préféré jusqu’à la mort, Vladimir Vyssotski » – sa guitare, ses chansons rauques et sa mort prématurée, en 1980. Elle a voyagé jusqu’à Moscou pour se recueillir sur leurs tombes. « Maintenant, “russe” est devenu un gros mot. »
Quelques adresses notées sur des papiers et enroulées avec des élastiques autour de son portefeuille : perdue sur un trottoir de Varsovie, un fichu sur la tête, cette vieille dame arrivée seule d’Ukraine n’a pas de téléphone, c’est rare. WhatsApps est en effet le guide de tous les Ukrainiens qui passent la frontière. Ariane Chemin
Daria a emporté avec elle son cartable et une poupée. Elle a quitté la frontière biélorusse et transite à la gare centrale de Varsovie avec sa grande sœur, sa mère et sa grand-mère, malade, qui la surveille assise sur une valise. Ariane Chemin
« Les femmes sont très soignées en Ukraine, très maquillées. Pas question pour une vendeuse comme moi de ne pas avoir les ongles faits. » Arrivée de Zaporijia avec sa famille, Oksana a trouvé refuge dans un ancien théâtre de Varsovie aménagé pour les arrivants ukrainiens, rue Kasprzaka. Elle n’a pas l’intention de s’éloigner : elle veut « vite rentrer pour reconstruire le pays ». Ariane Chemin
Beaucoup d’Ukrainiens sont partis avec leurs animaux de compagnie, chiens, chats, hamsters ou encore ce perroquet. Ariane Chemin
Son passeport fait foi : Lina a quitté l’Ukraine le 7 mars. Etudiante en relations internationales à Kiev, elle aimerait gagner Londres mais n’a pas encore de visa, et patiente dans le centre pour réfugiés ouvert au rez-de- chaussée de la patinoire de Varsovie. Ariane Chemin
Lina a quitté Kiev sans trop d’affaires ni bijoux, hormis sa croix de baptême orthodoxe, qu’elle garde toujours sur elle, et qu’elle sort ce jour-là de son col roulé. Ariane Chemin
Sur les sacs de croquettes pour chiens, les enfants sourient. Ariane Chemin
Un petit Ukrainien et son doudou en partance pour Bruxelles, dans l’un des deux cars affrétés par l’association belge BEforUkraine dans le quartier de Wola, à Varsovie. Ariane Chemin
Toutes les poupées croisées ont des tresses blondes. Ariane Chemin
Les enfants jouent surtout sur leurs portables, mais on trouve parfois un puzzle sur les bagages. Ariane Chemin
Beaucoup de cages à chats et à chiens ont été fournies aux arrivants d’Ukraine pour leur permettre de poursuivre leur voyage. Ariane Chemin
Une bible pour enfants ukrainienne oubliée dans un petit snack à café et pierogi (beignets) à Medyka, l’un des huits points de passage entre l’Ukraine et la Pologne. Ariane Chemin
Une peluche posée sur un sac lors d’un départ de bus transportant des Ukrainiens dans le quartier de Wola, à Varsovie. Ariane Chemin
Dans le flot des sacs à dos qui passent la frontière de Medyka, à l’ouest de l’Ukraine et au sud de la Pologne. Ariane Chemin
Un nounours un peu fatigué sur un sac à dos, à la gare centrale de Varsovie. Ariane Chemin
115
Pendant une semaine, mi-mars, les sirènes ont hurlé autour d’elle. Toujours pas un regard sur le sac. Mais, le jour où elle apprend que « les frappes russes ont liquidé une usine de chaussures » toute proche de son immeuble, elle achète un billet en ligne pour Varsovie. « Depuis que ma mère est morte, je ne suis responsable que de moi-même. » Puis change d’avis. Tente le remboursement. Appelle la gare, où une voix rogue lui explique que le ticket n’est pas échangeable. Attrape son sac, jette dedans son chargeur de téléphone et ses deux passeports, « l’un pour l’Ukraine, l’autre pour l’ailleurs ».
Il vous reste 87.97% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.
Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois
Ce message s’affichera sur l’autre appareil.
Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.
Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).
Comment ne plus voir ce message ?
En cliquant sur « » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.
Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?
Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.
Y a-t-il d’autres limites ?
Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.
Vous ignorez qui est l’autre personne ?
Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.
Lecture restreinte
Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article
Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.
Accédez à tous les contenus du Monde en illimité.
Soutenez le journalisme d’investigation et une rédaction indépendante.
Consultez le journal numérique et ses suppléments, chaque jour avant 13h.
Newsletters du monde
Applications Mobiles
Abonnement
Suivez Le Monde