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Hélé Béji, écrivaine, fondatrice du Collège international de Tunis
Gare au lynchage d’un homme
Publié le 26 mai 2011 à 15h16, mis à jour le 27 mai 2011 à 09h35 Temps de Lecture 4 min.
Dominique Strauss-Kahn n'est sans doute pas un modèle de tempérance virile, mais la mise à mort à laquelle nous assistons n'est pas le meilleur hommage que la police des moeurs rende aux femmes, encore moins à la victime. Le viol est un crime, et toutes celles qui en ont été victimes doivent être protégées et défendues, sans exception, par toute la société. Mais, inversement, vouer un homme à la damnation avant d'avoir prouvé son délit rend doublement victime la femme outragée. L'acharnement des médias, obsédés par le féminisme antisexiste, condamne les protagonistes du drame à une exhibition qui les place l'un comme l'autre sous une lumière obscène.
A trop vouloir défendre notre sexe, on dégrade notre esprit. Les monstres de vertu développent parfois des âmes de tortionnaires. L'inculpation de M. Strauss-Kahn lui promet plus de soixante-dix ans de cachot. Presque autant que pour un génocide ! L'ogre Barbe-Bleue est coupable d'avoir “génocidé” sexuellement des milliers de femmes. Jadis, devant les charmes d'une femme, même le droit de cuissage était innocenté. C'était horrible. Et d'autant plus injuste que le blâme en retombait sur la femme, qui, accusée de provocation, expiait en pleurant sa faute au couvent. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Le diable, caché sous la beauté insolente des femmes, a changé de sexe, il n'est plus femelle, il est mâle, synonyme de satyre poilu, bouc difforme, bourreau des sexes.
Le couvent des hommes, c'est la prison pour délinquants, aux portes de laquelle les femmes offensées font claquer leur fouet de dompteuses sur l'échine de la bête ligotée. C'est inhumain. Allons-nous, chaque fois qu'un homme cède au péché, nous transformer en Erinyes (déesses grecques de la vengeance) sans pitié ? Quelles que soient les turpitudes de son sexe impétueux, cet homme, même s'il était coupable, n'a-t-il pas droit à la défense de sa dignité ? Nous est-il interdit de tressaillir à la vue de cette curée ? Même le Jugement dernier sera plus miséricordieux dans sa sentence.
La sexualité féminine est désormais l'objet d'un marchandage qui va bien au-delà de la prostitution. Le corps de la femme est de nouveau une forteresse intouchable, qui monnaie sa vertu en espèces sonnantes et trébuchantes. N'y a-t-il pas dans tout cela un peu des excès des prudes gendarmées des siècles puritains ?
Je ne la crois pas morale, ni noble, la pitié qu'on réserve aux seules créatures de son sexe. La race féminine, si elle ne sait plus compatir aux misères de la race masculine, me fait penser à l'insensibilité des Blancs à l'égard des Noirs, parce que leur peau n'est pas de même couleur. Une femme qui ne sait pas se mettre aussi dans la peau d'un homme a perdu le sens de sa propre humanité. La révolution féminine fut un modèle d'humanisme et d'intelligence. Au contraire de toutes les révolutions qui ne se soucièrent jamais des sévices infligés aux vaincus, les femmes surent s'émanciper du joug masculin sans violence, sans cruauté. Elles brisèrent leurs chaînes, mais elles sauvèrent l'humanité des liens. Leur libération n'a pas été une destruction de l'autre. Qui l'autre ? L'homme, le sexe fort. Elles l'ont maintenu dans ses droits, dans son intégrité, sa dignité.
Et, à travers lui, le genre humain tout entier. Le propre de la femme est le souci de l'altérité. Son génie lui a permis d'inscrire le féminisme dans l'horizon du genre humain tout entier, et pas dans la défense exclusive de son sexe.
Il est naturel que l'émotion des femmes bénéficie d'abord à la victime. Mais une femme est plus qu'une femme qui pleure sur elle-même, elle est un homme qui pense pour les autres. Si elle accepte sans révolte le supplice d'un réprouvé, elle perd ce qu'elle avait de meilleur contre l'injustice, sa force d'empathie. Elle s'était élevée par l'esprit, la voici rabaissée par l'instinct. Elle s'enferme dans sa condition sexuée, dans sa nature femelle, sur la scène où l'homme est un animal de foire.
J'ai honte que les femmes se servent de leur solidarité de victime pour être des bourreaux sans merci. J'ai honte que, à peine sorties de l'ombre du servage, elles soumettent l'homme à la lumière sordide d'une nouvelle Inquisition. J'ai honte que, en protégeant une femme, elle ne protège pas aussi l'homme de l'abjection publique du déshonneur. J'ai honte que, pour arracher une victime à l'humiliation, elles s'accordent le droit d'humilier sans remords.
J'ai honte que, en bénissant leur sexe, elles aient le goût de maudire l'autre. Le sexe masculin appartient à la condition humaine, et, quel que soit son crime, rien n'autorise la condition féminine à l'en exclure. J'ai honte pour les femmes quand un inculpé est pendu sans jugement au gibet d'une arène planétaire, fût-ce pour le droit des femmes. Aujourd'hui un homme, un pécheur, brûle sur un bûcher, et les femmes se taisent. Un homme est dans la fosse aux lapidations, et les pourfendeuses de la lapidation se taisent. Un homme expie le supplice de son sexe impénitent, et les femmes se taisent. Ce silence vengera-t-il les blessures de la victime ? Je ne sais pas, mais il rendra un son vil dans la trompette de notre victoire. La vertu de la femme ne se bâtit pas sur la déchéance de l'homme. C'est mal défendre la cause des femmes que de céder aux foules punitives.
Aux hommes maintenant, et non plus aux femmes, la culpabilité du désir, le crime d'Eros, les tourments de la chair, qui les condamnent à croupir sur la paille d'une geôle. Quelle que soit la légalité de ce procès, je ne puis m'empêcher d'en trouver l'exécution effroyable. Beaucoup d'hommes, dans l'histoire, ont pris la défense des femmes. Je n'aurai plus honte d'être une femme si les femmes acceptent, au nom de leur propre cause, au nom du souci réciproque des sexes, au nom d'une seule et même condition humaine, de défendre, à leur tour, un homme. p
Hélé Béji est aussi l'auteure d'”Islam Pride : derrière le voile” (Gallimard, 146 p., 9,50 €)
Hélé Béji, écrivaine, fondatrice du Collège international de Tunis
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