Écrit par Benoît Theunissen
Publié à 17:03 • Édité à 18:21
À l’occasion de la traditionnelle conférence annuelle organisée par le Bridge Forum Dialogue, la ministre des Finances, Yuriko Backes, a déploré un déficit d’investissement pour les entreprises européennes, justifiant ainsi l’achèvement de l’union bancaire et des marchés des capitaux. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne)
«Quel est l’avenir de l’union économique et monétaire?», s’est interrogé le Bridge Forum Dialogue. Finaliser le projet d’union bancaire et des capitaux, pour renforcer l’attrait de la zone euro pour les investisseurs, est une priorité. Doter l’ESM d’une capacité budgétaire centralisée en est une autre.
L’association Bridge Forum Dialogue, une plateforme de discussion entre les institutions européennes au Luxembourg et les acteurs locaux du monde financier, économique et politique a tenu, ce 4 octobre, sa conférence annuelle sur l’union économique et monétaire . «Juste après le lancement de l’euro en 1999, la BEI et la Banque centrale de Luxembourg, avec d’autres, ont aidé à établir le forum pour fournir un pont intellectuel entre les institutions européennes et la société civile», a justement rappelé le président de la Banque européenne d’investissement (BEI), Werner Hoyer , en introduction de la conférence.
Avec 11 États membres qui ont pris part au lancement de la monnaie unique, Werner Hoyer note que 19 pays participent désormais au projet. «Et le 1er janvier de l’année prochaine, leur nombre montera à 20 avec la participation de la Croatie», a rappelé le président de la BEI. «La preuve que ça marche, n’est-ce pas?»
Pour sa part, la ministre des Finances, Yuriko Backes (DP), a poursuivi sur ce constat: «Cela a été un succès absolu. L’euro a rendu la vie des citoyens beaucoup plus facile et plus prospère. L’euro a considérablement renforcé l’Europe, y compris sur la scène internationale.» Mais si la monnaie européenne est utilisée au quotidien par plus de 340 millions de personnes, «c’est quelque chose que certains d’entre nous tiennent pour acquis», a cependant relevé Yuriko Backes.
Werner Hoyer,  président,  Banque européenne d’investissement (BEI)
S’il y a une cinquantaine d’années, l’ancien Premier ministre luxembourgeois Pierre Werner estimait que l’union économique et monétaire serait «le couronnement de l’intégration européenne», comme rappelé par Yuriko Backes, les défis générés par la pandémie et la crise énergétique montrent que le processus est encore loin d’être achevé. À cet égard, la ministre des Finances a souligné que «la protection de finances publiques saines, le système financier et la coordination de nos politiques économiques sont tous liés et dépendent les uns des autres». Soit un rempart contre l’érosion de la confiance à la fois des citoyens et des investisseurs.
Yuriko Backes observe, en effet, un déficit d’investissement en Europe depuis la dernière crise financière. «Par rapport aux États-Unis et à l’Asie, les entreprises européennes ont connu une croissance plus lente et ont moins investi dans l’innovation.» Dans cette perspective, elle a insisté sur l’importance d’«un secteur financier paneuropéen fort pour soutenir précisément les entreprises qui ont besoin de financement». Ce à quoi «l’union des marchés des capitaux, en particulier, peut jouer un rôle très important en encourageant un large éventail de ressources financières pour les entreprises européennes et les investisseurs».
Yuriko Backes,  ministre des Finances
Mais pour la ministre, une union des marchés des capitaux favorisant des services financiers transfrontaliers ne peut exister si elle n’est pas fondée sur le principe de «règlementation intelligente». À ce titre, la ministre s’est montrée catégorique: «Abandonnons la surrèglementation!»
Également participant à la conférence, l’actuel directeur général du Mécanisme européen de stabilité (ESM) – dont le mandat se termine le 7 septembre – a, pour sa part, expliqué qu’il faut «finaliser l’union bancaire et achever l’union des marchés des capitaux» pour ainsi compléter le marché unique par un marché des services financiers. «Cela conduirait à une meilleure allocation des capitaux dans l’ensemble de l’UE, renforcerait le potentiel de croissance et augmenterait le partage des risques via les marchés. Cela réduirait la fragmentation et favoriserait la convergence au sein de la zone euro.»
Klaus Regling,  directeur général,  Mécanisme européen de stabilité (ESM)
Une zone euro fragmentée en 19 marchés des capitaux nationaux n’est pas attrayante pour les investisseurs internationaux et reste un obstacle au rôle de l’euro dans le système monétaire international, selon Klaus Regling. «Nous avons besoin d’une capacité budgétaire centrale pour la zone euro», a-t-il ajouté. Outre le renoncement aux leviers du taux de change et de la politique monétaire, les États membres devraient «compléter les réserves budgétaires nationales par une réserve budgétaire européenne», a déclaré Klaus Regling, précisant que l’ESM pourrait compléter sa boîte à outils et son infrastructure en ce sens.
À son tour, Jean-Claude Juncker , intervenant à la fois en tant qu’ancien président de la Commission européenne et ancien président de l’Eurogroupe, s’est exprimé en faveur d’une fonction budgétaire centralisée à l’échelle européenne: «Nous avons besoin que la capacité budgétaire soit structurée, définie, organisée et conçue de la manière la plus efficace possible.» L’ancien Premier ministre luxembourgeois a alors défendu le rôle que pourrait jouer l’ESM dans la future politique budgétaire européenne. «Nous devons insérer la capacité budgétaire à l’ESM.»
Jean-Claude Jucker,  ancien Premier ministre
Les bases du débat quant à la finalisation de l’union bancaire et des capitaux ainsi que de la création d’une compétence budgétaire centralisée sont désormais jetées. Encore faut-il que les membres de la zone euro parviennent à trouver un terrain d’entente, déjà que la nomination du prochain directeur général de l’ESM semble faire l’objet de profonds désaccords parmi les membres de l’Eurogroupe.