Une stratégie en 4-4-2. Deux Américains, deux Italiens, deux Allemands, un Canadien, un Japonais, un Chinois, un Indien et un Brésilien. Les deux femmes les plus puissantes du monde. Six siècles d’expérience à eux tous. N’en jetez plus, la coupe est pleine. Nous aussi, on part à Rio !
Par Marjorie Encelot
C’est Mervyn King, le premier, à avoir fait l’analogie entre la conduite de la politique monétaire et le football. Lui qui l’a comparée au célèbre n°10 argentin et ses deux buts contre l’Angleterre lors de la Coupe du Monde de 1986. Dans « sa théorie de Maradona » [mai 2005], l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre, fan du club d’Aston Villa et des Three Lions, reconnaît que « le grand footballeur argentin, Diego Maradona, n’a pas l’habitude d’être associé à la théorie de politique monétaire. Mais ses performances contre l’Angleterre à Mexico en juin, lorsqu’il a marqué deux fois, est une parfaite illustration de [sa] pensée. » Le premier but de Maradona, sa « main de dieu », est, selon Mervyn King, « un exercice digne de la vielle approche ‘mystérieuse et mystique’ en matière de banque centrale. Son action était inattendue, temporellement discordante et contre les règles. Il a eu de la chance de s’en sortir. »
Quant à son deuxième but, « lui, est un exemple du pouvoir des anticipations dans la théorie moderne des taux d’intérêt. Maradona a couru 60 yards depuis son camp en battant cinq joueurs avant de mettre la balle au fond des filets anglais. La chose la plus remarquable c’est que Maradona a pratiquement couru en ligne droite. Comment battre cinq joueurs en courant tout droit ? La réponse est que les défenseurs anglais ont réagi de façon à contrer ce qu’ils pensaient que Maradona ferait. Parce qu’ils pensaient que Maradona dribblerait vers la gauche ou la droite, il a pu aller tout droit. »
Philistins, passez votre chemin ! A l’occasion de la Coupe du Monde de football, l’idée nous est venue de monter une équipe un peu spéciale, composée de banquiers centraux – ces « monarques d’un empire invisible » [Le New York Times au sujet de Montaigu Norman, gouverneur de la Banque d’Angleterre de 1920 à 1944], les « seigneurs de la finance », selon Liaquat Ahamed – et de politiques qui se sont distingués au cours de ces douze derniers mois pour avoir fouetté la croissance et épouvanté les spéculateurs. Une vingtaine d’économistes et opérateurs de marché nous ont aidé à identifier les plus puissants, les obligatoires et les jeunes flamboyants.
Et comme, c’est vrai que, pour nous, le foot, c’est surtout devant la télé, Faruk Hadzibegic, ancien international yougoslave reconverti en entraîneur, défenseur lors du quart de finale contre l’Argentine de Diego Maradona à la Coupe du Monde 90, a accepté de nous aider. Lui qui a les yeux qui crient samba pour la première participation de la Bosnie, son pays d’origine, nous a rencardé sur les qualités de jeu inhérentes à chaque poste. Sa patte mise, voilà ce que ça donne ! Deux Américains, deux Italiens, deux Allemands, un Canadien, un Japonais, un Chinois, un Indien, un Brésilien. Les deux femmes les plus puissantes du monde. Six siècles d’expérience à eux tous.
Le conseil de Faruk Hadzibegic :

« Le milieu offensif doit avoir une lecture du jeu très développée , il doit toujours être en quête d’informations, où je suis, où sont mes coéquipiers. Il doit être bien dans la récupération des ballons, être à l’aise dans le dribble, et savoir trouver tout de suite des solutions vers l’avant. »
L’art de la feinte, Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, en connaît un rayon. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, à une très large majorité, les économistes et opérateurs de marché que nous avons interrogés ont placé le patron de la politique monétaire en zone euro au poste de milieu offensif. « Super Mario, sauveur de l’euro, ça vaut bien le n°10 », tranche un vendeur actions au sein d’un courtier américain basé à Paris. « Jusqu’à ce mois-ci, Draghi s’était surtout contenté d’utiliser la parole comme une arme de dissuasion massive et, si ça a marché, c’est grâce à sa réputation », recadre un trader londonien.
En septembre 2012, Mario Draghi a annoncé un programme d'Opérations monétaires sur titres (OMT, une mesure visant à des achats d’obligations souveraines conditionnés à une demande d’aide au Mécanisme européen de stabilité financière et à la mise en place de mesures d’austérité) pour calmer les marchés et leurs attaques contre les pays de la zone euro. L'effet d'annonce a suffi, l'OMT n'a jamais été activé. Les spéculateurs savaient que s’ils persistaient à renchérir l’emprunt pour les pays en difficultés, ça leur en coûterait.
L’Italien est un « génie tactique », pour Frederik Ducrozet, économiste spécialiste de la zone euro chez Crédit Agricole CIB. « La BCE est toujours en train de chercher un équilibre entre soutien et pression [elle renvoie les gouvernements à leurs responsabilités](Interview du 26 juin 2013).» Même l’économiste Michel Santi, ancien trader et auteur du livre L’Europe, chroniques d’un fiasco économique et politique, qui « ne trouve pas de politiques ni de banquiers centraux européens aux idées suffisamment progressistes » pour intégrer notre équipe type, émet une réserve : « A part peut-être un peu de Draghi ? »
Le conseil de Faruk Hadzibegic :

« Un attaquant doit être rapide et réaliste dans la finition. Il doit vraiment être efficace ! Sa vitesse lui permet de jouer dans la profondeur et il a besoin d’espace pour s’exprimer pleinement. »
Un autre Italien est également plébiscité. C’est Matteo Renzi, le nouveau président du Conseil italien, que notre panel voit parfaitement occuper le poste de Mario Balotelli, l’attaquant vedette de la Squadra Azzura. « C’est un excellent n°9, estime un trader basé à Londres.Il a le sens du but et ne se pose pas de question, il frappe. » Pour Pierre-Olivier Beffy, chef économiste chez Exane BNP Paribas, M. Renzi « attaque frontalement les réformes en Italie. » De la même manière, Bruno Cavalier, à la tête de la recherche économique chez Oddo Securities, souligne que « les réformes se font, elles ne s’annoncent pas. En France, les réformes s’annoncent mais ne se font pas. C’est du moins l’impression qu’on peut avoir six mois après le virage réformiste du gouvernement français. » Depuis que Matteo Renzi est à la tête du gouvernement italien, le 22 février, l’indice vedette de la Bourse de Milan, le FTSE Mib, a gagné 8%. Et puis, l’écart de taux entre les titres de dette français à 10 ans et ceux italiens n’ont jamais été aussi bas.
Le conseil de Faruk Hadzibegic :

« A la charnière centrale, il faut être puissant, avoir des qualités défensives indéniables, être capable de gagner un maximum de duel au sol ou en l’air. C’est la fondation. Il est en communication permanente avec le goal et la sentinelle.

Le gardien doit évidemment arrêter tout ce qu’il peut arrêter et doit donc être très efficace. Il doit aussi être très habile sur les centres, les relances, être bon dans les ‘un contre un’ et, par conséquent, être puissant. Il faut du courage parce que le risque de blessures est grand. »
C’est sans surprise que l’Allemagne a la faveur de nos consultants pour les postes de défenseur central et de gardien de but. Jens Weidmann, le très orthodoxe président de la Bundesbank, la très influente banque centrale allemande, dont le siège, un ancien bunker, est situé à Francfort, pour le premier. Et pour le second, la chancelière AngelaMerkel« et ses jarrets prussiens dans le rôle de l’épouvantail qui effraie les adversaires, selon un trader d’une grande banque française. « Le gardien de but est le dernier rempart. Celui qui, dans les périodes de tangage, est capable de ‘tenir la baraque’, pointe Philippe Waechter, le directeur de la recherche économique chez Natixis Asset Management. Lors de la crise de la dette souveraine, Merkel a tenu bon et a finalement permis à la zone euro de continuer. Il aurait été facile de baisser les bras face à tant d’adversité. Cela n’a pas été le cas. Ses options sont parfois discutables et critiquables.» A ce titre, Michel Santi reproche à l’Allemagne son « diktat de l’austérité qui, selon [lui], est un autogoal. » Les Allemands « ne se rendent pas service en voulant transformer toute l’Europe à leur image. La zone euro représente 60% de leurs exportations… Du coup, si les autres pays d’Europe arrêtaient de consommer pour se muer en machine à exporter, cela impliquerait une baisse des exportations allemandes. » Cela n’a pas empêché la chancelière, dans le sillage des mesures de soutien à l’économie annoncées début juin par la BCE, d’exhorter les pays européens à poursuivre les réformes puisque « nous pouvons constater au travers des dernières mesures que nous n'avons pas encore tout à fait surmonté la crise financière européenne. » Pour Marc Touati, économiste, président fondateur du cabinet ACDEFI, « c'est elle qui dispose des clés pour sauver la zone euro : elle a été offensive pour réformer et moderniser l'Allemagne. Maintenant, elle doit sauver la zone euro en acceptant que la BCE fasse de la planche à billets et que l'euro baisse vers son niveau d'équilibre à 1,15 dollar. Mais pour ce faire, il faut que les Français acceptent aussi de se réformer. »
Jens Weidmann, depuis trois ans à la tête de la Buba, est l’homme qui dit « non ». Non à la mutualisation des dettes via des euro-obligations. Non à plus de souplesse dans la rigueur budgétaire. Non à un sursis de deux ans à la France pour ramener le déficit public sous la barre des 3%. Non aux OMT. Et tant pis s’il est seul contre le reste du conseil des gouverneurs de la BCE (actuellement au nombre de 25), le plus souvent, c’est lui qui l’emporte, quand bien même il doit en appeler à la justice.
A la mi-juin, dans un discours prononcé à Dubrovnik, en Croatie, Jens Weidmann a exhorté les gouvernements de la zone euro à ne pas relâcher leurs efforts d’assainissement budgétaire. « En termes footballistiques, je dirais qu'on a sifflé la mi-temps mais que ce n'est pas le moment de se relâcher, a-t-il déclaré au soir de l’ouverture de la Coupe du Monde. Si par exemple la France était autorisée, pour la troisième fois, à reporter la correction de son déficit excessif, cela minerait gravement la crédibilité du nouveau Pacte de stabilité et de croissance. » Pour lui, la Commission européenne « doit s’en tenir à son rôle d’arbitre et ne pas essayer de déplacer les poteaux du but au milieu du match ». Jens Weidmann « est bien sûr le défenseur de l'équipe, mais attention, prévient Marc Touati, s'il devient trop agressif, il risque de prendre un carton rouge. »
Raghuram Rajan, le président de la Banque centrale indienne (BRI), sélectionné au poste de deuxième attaquant. Pêle-mêle, voici ce que disent nos consultants de lui : une « grosse expérience à l’international », « beaucoup d’audace », de la « lucidité » (son article Has Financial Development Made The World Riskier a prédit la crise de 2008 tout en lui valant les railleries de Larry Summers) et une « grande réactivité ». Quelques jours seulement après son arrivée à la tête de la BRI, en septembre 2013, M. Rajan, à la surprise générale, a relevé le principal taux directeur, le Repo, de 25 points de base, à 7,5%, pour enrayer la chute de la roupie, freiner l’inflation et ralentir les retraits massifs de capitaux (conséquence du tapering de la Fed) qui venaient aggraver le déficit -déjà record- des comptes courants, alors qu’en même temps l’Inde faisait face à un ralentissement de sa croissance économique. Le Repo a été porté à 7,75% en octobre et à 8% en janvier. Ce mois-ci, pour sa première décision de politique monétaire depuis l'arrivée au pouvoir du Premier ministre Narendra Modi, la BRI a maintenu son taux directeur inchangé, tout en abaissant son ratio SLR, le montant des dépôts que les banques doivent investir en obligations d'Etat, de 50 points de base à 22,5% afin de permettre l'injection de liquidités dans l'économie. Raghuram Rajan a déclaré que si la baisse de l’inflation « est plus rapide que prévu, il y aura de la place pour un assouplissement de cette politique. » Les objectifs sont une hausse des prix au détail sous les 8% d'ici janvier et 6% d'ici janvier 2016.
La Chine tient une place trop importante dans l’économie mondiale pour la mettre au ban de notre équipe. En 1980, le PIB de la Chine pesait 2,7% du PIB américain. Un peu plus de 30 ans plus tard, il en représente un tiers. Li Keqiang, qui a succédé à Wen Jiabao au poste de Premier ministre en mars 2013, est sélectionné au poste de milieu offensif malgré sa tendance à enfreindre les règles. « Même s’il connaît les règles, qu’il fait semblant de jouer avec, il ne les respecte pas », observe Jean-François di Meglio, président du think tank Asia Centre. Et ça marche puisqu’« il marque des buts. »
Effectivement, « tout le monde compte sur la Chine parce qu’on a l’impression que c’est là qu’il y a de la croissance, que si cette croissance s’arrête, on est tous très mal. Et puis c’est aussi grâce à l’interventionnisme chinois qu’un certain nombre de choses ont réussi à tenir debout. On a l’impression que l’économie chinoise est en train de se reconvertir d’une économie de l’exportation, de l’investissement, à une économie qui consomme plus à l’intérieur. Que ce ralentissement de la croissance à 7,5% – 7%, il est fait d’une pyramide des âges qui change. » Mais non, selon Jean-François di Meglio, là serait la tricherie. « En réalité, ce qu’il se passe, c’est qu’effectivement il y a une internationalisation des devises chinoises qui donne l’impression d’une intégration de la Chine dans le jeu monétaire international. Il y a 50% des échanges de la Chine qui sont maintenant libellés dans sa devise. Mais c’est une internationalisation qui ne ressemble à aucune autre établie. Habituellement, cette internationalisation va de paire avec une mise en convertibilité et une ouverture du compte de capital, ce qui n’est pas le cas. La devise chinoise est toujours non convertible, ça permet à la Chine de distribuer des tartes et de régler des comptes sans que ça fasse trop de vagues à l’extérieur. En ce moment, il y a une pression sur le crédit qui permet de tuer le système souterrain de crédit [shadow banking] et donc de créer une sorte de déflation parce qu’on a eu une bulle inflationniste qui a entretenu la croissance. La déflation, elle, va se manifester par un ralentissement fort de la croissance qui est interprété comme un changement de modèle. Ce n’est pas du tout un changement de modèle, c’est simplement un coup d’accordéon donné à la liquidité intérieure. Et le pompon, c’est qu’une fois qu’on a dicté ses règles, qu’on n’a pas totalement communiqué à l’extérieur, on se permet aussi de les égratigner puisqu’on dit qu’on est en période de semi-austérité à cause de cette réduction du crédit. Et quand cette réduction du crédit va trop vite et que la croissance ralentit trop, on redonne de l’oxygène et on refait un mini-stimulus, qui n’a rien à voir avec le stimulus des années 2008-2009, qui représentait 10% du PIB sur deux ans et qui était le plus gros stimulus mondial. La Chine joue avec deux ballons. »
Le défi pour Pékin est à la fois de limiter le recours au crédit tout en soutenant la croissance, qui est passé en avril par un nouvel abaissement du montant des réserves obligatoires (fonds que les banques rurales doivent mettre en réserve auprès de la banque centrale). Les mesures prises par les autorités pour lutter contre le shadow banking et reprendre en main le système financier ont durci les conditions d’accès au crédit pour les entreprises.
En Chine, l’endettement global (public et privé) représentait 213% du PIB l’an dernier (140% en 2007) selon l’agence Standard & Poor’s, celui des entreprises comptant pour l’essentiel de ce montant. L’endettement cumulé de celles-ci pourrait même atteindre 13.800 milliards de dollars d’ici à la fin de l’année, soit plus que celle des Etats-Unis !
« Le risque de credit corporate[émanant des entreprises] est très clairement le principal risque auquel la Chine doit faire face », pointe Yves Zlotowski, économiste en chef de l’assureur-crédit Coface. « On l’a vu, les faillites ne sont plus impossibles [les autorités chinoises ne viennent plus systématiquement au secours des sociétés en difficultés] », explique-t-il, citant également, pour expliquer les difficultés des firmes, le ralentissement économique chinois, « une situation financière plus tendue » et des surcapacités dans plusieurs secteurs, notamment dans le solaire, mais aussi dans la construction, le ciment, l’acier ou encore les chantiers navals. Pour autant, M. Zlotowski ne s’attend pas à une vague de faillite, qui viendrait encore heurter la croissance chinoise, estimant que « l’Etat ne laissera pas faire ».
Le conseil de Faruk Hadzibegic :

« Le milieu défensif, c’est le premier relanceur du jeu, il est l’équilibre de l’équipe. Dans notre jargon, on l’appelle la sentinelle. Au-delà de son rôle technique et tactique, la communication, c’est son arme. Il dirige la défense, la charnière centrale, indique qui doit partir à gauche, à droite. Et puis, il doit être juste dans ses relances, dès le premier ballon. »
Mark Carney, ce Canadien gouverneur de la Banque d’Angleterre depuis près d’un an en remplacement de Mervyn King, est doté d’une « grosse expérience, une très bonne réputation », selon Dorian Abadie, analyste de marché chez XTB. Il est sélectionné au poste de milieu défensif. A son arrivée à la tête de la BoE, contrairement à ce que certains opérateurs attendaient de lui, Mark Carney n’a pas mis en place de nouveaux achats d’actifs pour relancer l’économie alors en convalescence, mais a tout misé sur une communication plus fine, la forward guidance. Il a lié tout resserrement de sa politique à la baisse du chômage au-dessous de 7% afin de donner une meilleure visibilité – et ainsi insuffler de la confiance – aux marchés financiers, aux entreprises et aux ménages. Résultat : pour le Fonds monétaire international et l’OCDE, le Royaume-Uni sera, cette année, l’une des économies les plus dynamiques. Le FMI estime que sa croissance (attendue à 2,9% contre 2,8% pour les Etats-Unis) sera la plus forte du G7. Les signes de reprise économique se multiplient mais attention à la surchauffe immobilière ! La BoE pourrait relever ses taux (0,5% actuellement) cette année. Un calendrier auquel les opérateurs ne croient pas. Pas avant mars 2015, selon eux, d’après une récente enquête de Reuters menées auprès de 45 économistes.
Janet Yellen, milieu défensif et capitaine de l’équipe. Un numéro 7 à la façon de Deschamps champion du monde 98. Elle remplace Ben Bernanke, qui a passé huit ans à la tête de la Réserve fédérale américaine (Fed), la banque centrale du pays, depuis le 31 janvier. Janet Yellen a actuellement la charge de poursuivre le ralentissement des achats d’actifs par la Fed (tapering) et surtout de préparer les marchés financiers à une future hausse des taux, inévitable.
La deuxième femme la plus puissante du monde, derrière Angela Merkel selon Forbes, était, dans une première vie, économiste du travail, surtout connue dans le microcosme académique pour avoir écrit avec George Akerlof, son mari et co-lauréat du prix de la Banque royale de Suède, équivalent du Nobel de l’économie, un célèbre article intitulé Efficiency Wage Models of the Labor Market (1986) (les modèles du salaire d'efficience sur le marché du travail), dans lequel les auteurs mettaient en évidence une relation croissante entre le niveau de rémunération perçu par un salarié et son niveau de motivation dans l’entreprise. Par la suite, Janet Yellen est devenue présidente du Conseil économique sous la présidence Clinton, avant de prendre les rênes de la Fed de San Francisco et devenir enfin numéro deux de la Réserve fédérale.
Janet Yellen est aussi connue pour être méticuleuse, dotée d'une grosse envie de bien faire. Pour elle, qui a été bercée aux ravages de la Grande Dépression, les chômeurs « ne sont pas que des statistiques ». Alors elle ingurgite des chiffres, les décortique pour mieux les comprendre et ainsi tenter de prendre la meilleure des décisions, même quand ils vont à l'encontre des idées de son camp, celui des « colombes », qui défendent une politique monétaire accommodante. Ainsi, en 1996, face aux risques inflationnistes, elle militait en faveur d'une hausse du taux directeur. Son pragmatisme est généralement salué, de même que la justesse de ses analyses. D'après une étude récente du Wall Street Journal, de tous les responsables actuels de la Fed, elle est celle qui a établi les prévisions les plus justes entre 2009 et 2013. Dans une volonté de transparence (une qualité qui a dû séduire son mari, l'un des chantres de l'asymétrie d'information), elle est à l’origine de la politique de la forward guidance de la Fed, qui consiste, depuis janvier 2012, à annoncer des objectifs chiffrés d’inflation et surtout de chômage (actuellement fixé à 6,5%), déterminante clé de la politique monétaire actuelle.
L’Américain Stanley Fischer, en soutien de Janet Yellen, en défenseur central. Le nouveau vice-président de la Fed a participé à son premier conseil de politique monétaire après avoir passé huit ans à la tête de la Banque d’Israël (2005-2013). « C’est l’un des meilleurs banquiers centraux de sa génération, juge Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque. C’est un homme consensuel qui fait l’unanimité d’un point de vue académique. Il a été le professeur de Greenspan [président de la Fed de 1987 à 2006, célèbre pour son expression « exubérance irrationnelle » à propos de la bulle des valeurs Internet] et a traversé plusieurs gouvernements en Israël. C’est dire comment il sera comme un poisson dans l’eau aux Etats-Unis. Il a une grosse capacité d’adaptation et sait intervenir quand il faut (comme dans sa politique de soutien du shekel), il n’hésite pas à utiliser les armes en sa possession. Le seul problème, c’est qu’il n’a pas une grosse expérience des bulles spéculatives. » A l’inverse de Janet Yellen, qui pourra mettre son expérience à contribution. Cette complémentarité qui a fait dire à Mohamed El-Erian, l’ancien PDG depuis congédié et confondateur de Pimco, le plus gros gestionnaire d’obligations du monde, que la Fed avait à sa tête, une Dream Team.
Le conseil de Faruk Hadzibegic :

« Le poste d’arrière latéral réclame une grosse qualité physique, il doit être endurant dans sa moitié de terrain. Comme le défenseur central, il doit être doté de qualités défensives, il est responsable du dos de la charnière en cas de ballons profonds, mais, en plus, il doit faire preuve d’un apport offensif extrêmement important. Quand les attaquants sont pris par le marquage, il apporte une solution extérieure. »
Shinzo Abe, le Premier ministre japonais depuis la fin 2012 après un premier mandat en 2006-2007, en défenseur latéral gauche. Le Japon fait face depuis plus de 20 ans à un problème de déflation rampante. Pour la combattre, la Banque du Japon (BoJ) s’est lancée au début des années 2000 dans des mesures d’assouplissement quantitatif (QE), qui consiste à injecter de très grandes quantités de liquidités dans le système financier. Problème, cet argent n’a été que très partiellement transvasé dans l’économie réelle. « En retrouvant le pouvoir, le premier ministre Shinzo Abe avait pour objectif de remettre son pays sur le bon rail économique après une quinzaine d’années de croissance molle, se souvient Marc Touati. Très vite ainsi, le nouvel homme fort de l’Archipel présenta un plan combinant ‘trois flèches’ : les ‘Abenomics’.  La première flèche fut tirée en mars 2013 via la nomination de Haruhiko Kuroda au poste de gouverneur de la Banque du Japon qui, de fait, devint le bras armé du premier ministre. Ensemble, ils décidèrent d’une politique ultra-accommodante pour sortir du bourbier de la déflation et déprécier le Yen. La deuxième flèche consista en un soutien de l’activité domestique via la mise en place d’une politique de relance qui devrait se poursuivre jusqu’à 2020 et l’organisation des Jeux olympiques. » Le 13 juin, Shinzo Abe a armé sa troisième flèche : celle des réformes structurelles. Il a annoncé une baisse de l’impôt sur les sociétés, actuellement autour de 35% (le taux d’imposition diffère selon les régions, il est de 35,6% à Tokyo), soit le plus important au monde derrière les Etats-Unis. D'autres mesures devraient être annoncées, notamment sur les retraites et le marché du travail.
Alexandre Tombini, gouverneur de la Banque du Brésil (BCB) depuis janvier 2011, sélectionné en défenseur latéral gauche. « Les Brésiliens ne sont pas uniquement excellents en attaque. La Banque centrale du Brésil a été la première des pays émergents à resserrer sa politique monétaire l’année dernière, rappelle Pierre-Olivier Beffy. Dès le mois d’avril, il a remonté le taux directeur en anticipation de la hausse des taux obligataires américains pendant l’été et des turbulences sur le marché des changes. Résultat : le réal, la monnaie brésilienne, a connu une des plus belles performances relatives au sein des monnaies émergentes depuis 12 mois, les investisseurs étrangers ont repris confiance dans la devise brésilienne et, en prime, l’inflation non administrée, certes encore élevée, commence à décroître. Aujourd’hui, le rendement réel sur les marchés monétaires est de l’ordre de 5 %, un rendement très attractif qui va continuer à attirer les capitaux internationaux. »
Alexandre Tombini a fait passer le taux directeur de 7,5% à 10% au cours de l’année dernière. Le réal a tout de même chuté de 13% face au billet vert en 2013 (-15% pour la roupe indienne, -20% le rand sud-africain, -17% pour la lira turque. La réduction des achats d’actifs par la Fed a poussé les opérateurs, à la recherche de rendement, à rapatrier leurs investissements libellés en devises émergentes pour les placer aux Etats-Unis ou, le cas échéant, en Europe.
Sur le banc de touche :
– le président François Hollande pour ses réformes encore un peu trop chiches. Pour Marc Touati, « Hollande et Manuel Valls ne sont pas prêts physiquement. » Entendu par ailleurs cette semaine : « Il faut plusieurs remplaçants, parce que si Hollande rentre, c’est perdu. »
– le président de l’Eurogroupe, le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, attaquant privé de la titularisation compte tenu de ses bourdes à répétition. « C’est souvent lui qui lâche d'énormes bombes inattendues. Un vrai renard des surfaces », juge le trader hedge fund Alexandre Hubert.
Glenn Stevens, le gouverneur de la Banque centrale d’Australie, trop passif, mais dont les décisions – quand il y en a – influent fortement sur les cours des matières premières.
Les commentateurs sportifs :
Alan Greenspan et Jean-Claude Trichet, sur une idée d’Alexandre Baradez, analyste de marché chez IG. « Ces deux anciens présidents de banque centrale effectuent de temps en temps des sorties médiatiques pour donner leur opinion sur la situation économique et monétaire. Il est intéressant de voir le jugement de Jean-Claude Trichet (en 2013 et 2014), qui estime avoir été ‘ni plus souple, ni moins souple’ que son successeur à la tête de la BCE… Alors que dans un contexte de crise systémique, les taux sont restés quasiment inchangés entre mi-2009 et début 2011 et ont même augmenté en 2011 pendant que l’Europe était déjà frappée par la crise de la dette.
Il aura fallu attendre l’arrivée de Mario Draghi pour faire sensiblement baisser les taux en pleine crise, mettre en place 1.000 milliards de LTRO [les ‘Long Term Refinancing Operations’ sont des opérations de prêt de long terme à un taux avantageux pour les banques] ainsi que le programme OMT et lancer la supervision bancaire tout en adoptant un ton de communication beaucoup plus dissuasif. Et, inversement, Jean-Claude Trichet considère qu’il y a‘une possible menace déflationniste’actuellement (alors que Mario Draghi écarte pour l’instant ce risque), tout en se prononçant sur la résilience remarquable de la zone euro, la situation économique de la France et la politique monétaire à mener pour éviter la formation de nouvelles bulles…
Outre-Atlantique, l’ancien président de la Fed, Alan Greenspan, donne également régulièrement son avis dans les médias américains sur la politique monétaire, l’économie, les marchés financiers, tout en réfutant toujours l’implication de sa politique de taux bas dans la formation de la bulle du crédit. Il a également soutenu Ben Bernanke en 2012 lorsque celui-ci faisait l’objet d’attaques de la part du camp républicain sur la politique expansionniste menée par la Fed. »

Marjorie Encelot
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