4 février
Dans un peu moins d’un an et demi auront lieu les élections présidentielles turques, prévues en juin 2023. Le vainqueur, qui sera dès lors Président, sera aux premières loges pour fêter les 100 ans de la fondation de la République turque, proclamée le 29 octobre 1923 par Atatürk. Recep Tayyip Erdoğan, en poste depuis 2014, se prépare à cette échéance aussi lointaine sur le papier que proche dans les esprits. Mais quel candidat pour s’opposer à une réélection du Président en exercice ? Peut-être Ekrem İmamoğlu, actuel maire d’Istanbul mais déjà rival déclaré de Recep Erdoğan !
Il est toujours difficile de faire de la prospective, notamment en politique, et pour paraphraser Gaston Berger, père de la discipline, « demain est moins à découvrir qu’à inventer ». L’année qui vient de débuter va réserver son lot de surprises et cela d’autant plus que la situation épidémique reste encore incertaine. Si l’on souhaite prospecter, on peut se baser sur l’histoire politique franco-turque des 30 dernières années, un élément saute alors aux yeux : les mairies de Paris et d’Istanbul, toutes deux capitales économiques de leur pays respectif, ont permis à deux hommes, Jacques Chirac et Recep Tayyip Erdoğan, d’occuper la magistrature suprême de leur pays après leur mandat.
Un beau tremplin qu’offrent deux grandes villes, par leur taille et par leur histoire, au cœur du pouvoir et dont le mandat de maire permet d’être considéré comme en capacité de diriger un pays, si tant est que l’ambition et l’envie y survivent. Un poste stratégique, visible et qui permet à son titulaire d’avoir les moyens de ses ambitions à l’instar du Président turc qui a raflé la mairie d’Istanbul en 1994. Première marche d’un escalier le menant au pouvoir, Recep Erdoğan ayant ensuite exercé les fonctions de député, Premier ministre, et enfin Président de la République.
Dans ces conditions, la Mairie d’Istanbul pourrait, pour les élections de juin 2023, esquisser une éventuelle candidature de l’actuel édile de la plus grande ville du pays, Ekrem İmamoğlu. Cet homme de 51 ans, membre du parti CHP, « Parti républicain du peuple » (sociaux-démocrates), aux affaires depuis mars 2019, fait figure de possible candidat de l’opposition pour ce scrutin, qui s’annonce déjà crucial à plus d’un titre. S’opposant régulièrement à Recep Erdoğan, ce dernier l’accusant en retour de tous les maux, Ekrem İmamoğlu fait office de vraisemblable candidat face à son “meilleur ennemi” qui ne manque jamais une occasion de l’égratigner. Pour E. İmamoğlu, probablement en pensant à Tayyip Erdoğan dont le destin national fut acté par sa victoire en 1994 à la Mairie d’Istanbul, une possible candidature n’est pas à exclure. Originaires tous deux de la mer Noire, le parcours des deux hommes semblent se lier étroitement.
Cependant, au-delà des querelles de personnes ou des accointances supposées, il existe un canevas sur lequel İmamoğlu pourra capitaliser en attendant un destin plus national. En effet, 2022 est l’année de tous les dangers pour la Turquie avec une crise économique qui a mis un frein aux volontés d’expansion de Recep Tayyip Erdoğan ; l’économie turque traversant depuis plusieurs mois une inflation record ayant fait plonger dans les abîmes sa monnaie nationale, conséquences d’une perte de valeur de la Livre turque et d’une vision économique baroque, la politique économique du pays en devenant dès lors illisible et problématique, voire dangereuse pour l’avenir même de la Turquie. Cela notamment pour les classes moyennes et conservatrices, socle électoral du président turc qui se retrouvent touchées de plein-fouet par les va-et-vient incessants de leur monnaie. Les critiques à l’encontre du Reis, surnom donné à Recep Erdoğan par ses détracteurs, et de ses politiques ne cessent alors de s’accroître. Considérées comme le meilleur moyen de mettre fin à cette situation, les élections sont dès lors très attendues par la population, mais également par les voisins de la Turquie.
Au niveau européen, et même si beaucoup de choses peuvent se passer d’ici juin 2023, ces élections seront, quelque peu, une boussole indiquant l’avenir du pays. Dans un premier temps, pour la Turquie, il s’agira de savoir si le président sortant réussira à réunir de nouveau ses partisans, affermir sa base électorale et donc conserver une véritable popularité.
L’économie étant “le nerf de la guerre”, il faudra voir comment elle se portera en 2023. Pour l’opposition turque, une économie dégradée serait l’unique chance de pouvoir triompher face à l’indétrônable Recep Tayyip Erdoğan, qui a réussi à remporter l’ensemble des échéances depuis son arrivée au pouvoir en 2003. En cela, la victoire de R. Erdoğan face à Ekrem İmamoğlu pourrait permettre à celui-là de rafler la mise et d’obtenir une réelle et nouvelle légitimité. Toutefois, s’il est encore trop tôt pour pouvoir déterminer qui sera en capacité d’affronter Recep Tayyip Erdoğan et comment sera organisée l’opposition sempiternellement divisée sous tous les aspects (le maire d’Ankara, Mansur Yavaş, également élu en 2019 étant aussi dans la liste des possibles candidats), la candidature d’Ekrem İmamoğlu pourrait faire sens, 2023 étant également l’année qui verra Erdoğan fêter ses 20 ans au pouvoir.
Quoiqu’il arrive, l’élection turque sera scrutée avec attention par les chancelleries européenne, la Turquie étant un partenaire stratégique et incontournable. Entre relations aigres-douces avec la Turquie et nécessité pour l’UE de coopérer avec ce pays coûte que coûte, il en va de la stabilité européenne. Les résultats de l’élections seront donc attendues avec impatience et scrutés avec sollicitude. Le slogan de campagne d’İmamoğlu lors de la campagne électorale de 2019 était « Her Şey Çok Güzel Olacak » (« Tout ira bien »), reste à savoir si “tout ira bien” sur la route que la Turquie choisira d’emprunter en 2023.
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