Deux dromadaires sauvages dans les Olgas, en Australie centrale, en 2004. (Tim Wimborne/Photo Tim Wimborne. Reuters)
Question posée par ChameauSauvage le 07/01/2020
Bonjour,
Vous nous demandez de vérifier une information publiée ce mardi par la Voix du Nord, selon laquelle «des dirigeants autochtones dans les terres d’Anangu Pitjantjatjara Yankunytjatjara (AYP) ont donné l’ordre d’abattre 10 000 chameaux en cinq jours». La nouvelle, qui a choqué de nombreux internautes en raison des estimations communiquées d’un milliard d’animaux morts à cause des incendies de brousse, a également été traitée par de nombreux médias (dont Libé) grâce une dépêche de l’Agence France Presse qui note que «des snipers vont abattre depuis des hélicoptères 10 000 dromadaires sauvages en Australie, en raison de la menace que constituent pour les populations ces animaux qui, du fait de la sécheresse, s’approchent de plus en plus de certaines localités pour y trouver de l’eau».
Des snipers vont abattre depuis des hélicoptères 10.000 dromadaires sauvages en Australie, en raison de la menace que constituent pour les populations ces animaux qui, du fait de la sécheresse, s'approchent de plus en plus de certaines localités pour y trouver de l'eau #AFP
Pour vérifier cette information, CheckNews a cherché son origine dans des sources locales. Le premier média qui a évoqué cette chasse de 10 000 dromadaires (les «camels» montrés dans les articles australiens n’ont qu’une bosse) a été le site d’information The Australian, le 6 janvier. Dans son article, qui n’évoque à aucun moment les incendies qui touchent actuellement l’Australie, le reporter Ean Higgins annonce en exclusivité que «les dirigeants aborigènes d’Australie-Méridionale ont ordonné le premier abattage massif de chameaux sauvages qui font des ravages dans les communautés isolées, alors que la sécheresse les pousse à une quête d’eau désespérée. Des tireurs professionnels prendront l’air à partir de mercredi pour tuer jusqu’à 10 000 chameaux alors que le gouvernement fédéral fait face à de nouvelles demandes de créer un marché de crédits de carbone pour l’abattage afin de fournir un incitatif économique pour éliminer ces émetteurs de méthane».
Dans des communiqués publiés les 6 et 8 janvier, l’Anangu Pitjantjatjara Yankunytjatjara, une zone d’administration locale aborigène située dans l’extrême nord-ouest de l’Australie méridionale, a annoncé qu’«une opération majeure de contrôle des troupeaux de dromadaires sauvages» allait être menée de manière aérienne pendant cinq jours. L’administration justifie cette opération d’abattage menée en collaboration avec le 10 Deserts Project (une association de populations aborigènes des déserts australiens) par les conditions de sécheresse, les menaces qui pèsent sur les populations aborigènes et l’environnement (à cause du méthane qu’ils émettent naturellement), mais aussi le bien-être des animaux. Concernant le nombre de 10 000 dromadaires à abattre, l’AYP a relayé sur Facebook des articles de presse qui mettaient en avant cet objectif, sans le démentir.
Si cette nouvelle a choqué les internautes ou des personnalités (comme le journaliste végétarien et défenseur des animaux Hugo Clément), ces battues sont monnaie courante en Australie. En effet, l’animal introduit au XIXe siècle en Australie comme moyen de transport a proliféré de manière sauvage dans les zones désertiques du pays et est désormais considéré comme un nuisible. Régulièrement, des articles de presse évoquent des chasses aux dromadaires sauvages pour réguler leur densité. L’année dernière, à la même époque, la chaîne d’information australienne ABC rapportait que des «éleveurs des Goldfields, une région reculée du nord de l’Australie occidentale, disent avoir abattu au moins 2 500 chameaux au cours du mois dernier, affirmant que ces parasites sauvages prennent des”proportions de peste”». L’argument écologique est également ancien, puisque en 2011, le site d’information Slate.fr évoquait déjà le fait que le gouvernement australien proposait que «l’abattage des chameaux soit considéré comme une méthode officielle de lutte contre l’émission de gaz à effet de serre», en raison du méthane produit par ces bêtes. Cette raison est encore invoquée par l’APY aujourd’hui.
© Libé 2022
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