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Par Zbigniew Truchlewski | 31 décembre 2007 Nouvellement entrée dans l’UE, la Pologne est une vieille nation de l’Europe. Y penser c’est non seulement se référer à Chopin, Marie Curie-Sklodowska, Lech Walesa, Solidarnosc et Jean-Paul II, mais aussi à la vodka, aux partitions de la Pologne au XVIIIe siècle, au romantisme et au nationalisme parfois chauviniste, ainsi qu’au communisme et à la lustration. Mais parmi toutes ces références éparses, où se trouve la Pologne qui forme le tout de ces parties ?
Arrivées en Pologne au VIe de notre ère, les Slaves s’unissent en 840 sous la direction du roi Piast qui établit sa dynastie. Mieszko Ier, le premier roi réellement connu, fait adopter à la Pologne d’alors le christianisme comme religion officielle en 966, entre autre pour limiter les incursions germaniques : en plaçant la Pologne sous la protection du Pape, il entendait ainsi écarter la suzeraineté allemande. Son fils Boleslaw Ier le Vaillant agrandit le royaume de la Pologne au détriment du Saint-Empire Romain Germanique. Il devint le premier roi de Pologne en étant couronné par le Pape en 1025. À sa mort, le royaume de Pologne s’étendait des Carpathes, à l’Oder et au Dniestr.
La consolidation du territoire au Moyen-Âge
À partir de là, la Pologne connaît sous les Piast des difficultés intérieures comme extérieures. Les conquêtes de Boleslaw le Vaillant furent perdues par son fils, Mieszko II. Des années de chaos intérieur suivirent parce que Boleslaw II, son fils, fit assassiner l’archevêque de Cracovie et dut s’exiler. À la mort de son successeur, Boleslaw III, la Pologne fut partagée entre les quatre fils de celui-ci, ce qui ne manqua pas de fragmenter encore plus le territoire polonais bientôt en proie aux conflits des différents duchés indépendants.
Cela fut propice aux invasions dévastatrices des Mongols en 1240-41 et à la conquête des possessions baltes des Prussiens par les Chevaliers Teutoniques. Ce n’est que sous le règne de Kazimierz III (1333-1370) que la Pologne….
Les Jagellons, la deuxième dynastie de rois polonais, a été fondée par le grand-duc de Lithuanie, Jagellon qui épousa en 1384 Jadwiga, reine de Pologne et devint roi de Pologne sous le nom de Wladyslaw II Jagellon. C’est lui qui remporta en 1410 la bataille de Grunwald contre les Chevaliers Teutoniques, victoire prolongée ensuite par Kazimierz IV lors de la Guerre de Treize ans et la paix de Torun en 1466.
La Pologne devient alors une grande puissance européenne. Son union avec la Lithuanie, scellée en 1569 à Lublin, en fait un des plus grands royaumes d’Europe, à l’apogée de sa puissance et de son rayonnement culturel.
Décadence et démembrement
Les avancées de l’âge d’or polonais portaient pourtant en elles-mêmes les semences de la décadence : à partir de 1572, le roi est élu par la Diète où les nobles acquièrent peu à peu le liberum veto qui va peu à peu bloquer toute avancée politique. Ajouté aux confédérations et aux trop grands droits des particuliers à former des armées privées, cela corrompt tout pouvoir à l’interieur de la Pologne, bientôt paralysé (le pouvoir du Roi désormais élu, devient de plus en plus restreint) et menacé par les puissances extérieures.
Les guerres se suivent contre la Suède (1655-1660), la Russie, les Cosaques, le Brandenbourg ainsi que les Ottomans. La Russie prend acte de ce déclin profond de la Pologne et réussit, en 1764, à imposer son candidat au trône, Stanislaw II Auguste. Voyant que la Russie monte de plus en plus en puissance et craignant une guerre pan-européenne, l’Autriche et la Prusse proposent des démembrements de la Pologne, trois au total qui de 1772 à 1795, effacent lentement mais sûrement la Pologne de la carte pour 123 ans.
Renaissance polonaise après la Première Guerre mondiale
La Pologne réapparait en 1918 à la faveur de la chute de l’empire tsariste, de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie. Ses territoires, composés par le traité de Versailles, qui comprennent le « couloir de Gdansk », des territoires biélorusses et ukrainiens ainsi que la Haute-Silésie, sont pris entre l’Allemagne et la Russie, devenue URSS. Cette incertitude territoriale sera le fondement de la politique étrangère de l’entre-deux-guerres.
L’instabilité économique et politique de la jeune démocratie qui dérive bientôt vers un autoritarisme relatif montre une Pologne en crise permanente, incapable qui plus est de garantir tous les droits appelés aujourd’hui fondamentaux à ses minorités (Juifs, Biélorusses, Ukrainiens, Allemands, etc…). C’est dans ce contexte que la Pologne est envahie par l’Allemagne nazie et l’Union soviétique en septembre 1939.
La Pologne sous occupation soviétique et indépendance
Au début de la Seconde Guerre mondiale, la Pologne vit un nouveau partage, cette fois entre les totalitarismes nazi et soviétique. Commencent alors les déportations dans la zone soviétique – avec le résultat de Katyn en 1940, où furent massacrés de nombreux officiers de l’armée polonaise par les services du NKVD, et les représailles puis l’extermination dans la zone allemande, qui toucha surtout les Juifs polonais. C’est parce que la Pologne avait le plus de citoyens Juifs dans toute l’Europe que les Nazis décidèrent d’y mettre en place leur « solution finale ».
Vient le tournant de la guerre, où la balance penche en faveur des Alliés, suivit de la « libération » de la Pologne par l’URSS. La conférence de Potsdam après la défaite allemande fixe la frontière orientale de la Pologne, déplacé vers l’Ouest, ce qui est compensé par le transfert de terres allemandes à la Pologne. Ce changements de frontières a été fait au prix de nombreux transferts de populations, à l’est comme à l’ouest.
Les communistes prennent alors le pouvoir par leur « tactique du salami » en éliminant leurs adversaires politiques de l’extrême-droite de l’échiquier politique polonais jusque et y compris dans le parti communiste lui-même (en accusant certains communistes d’être des « nationalistes »). Ils mettent alors en place une soviétisation de la société et de l’Etat, une nationalisation des entreprises et une collectivisation des terres.
A mesure que la soviétisation progresse la société réagit soit en s’adaptant aux niches que laisse le pouvoir, soit par des contestations ouvertes du régime, comme en 1953, 56, 68, 70, 76, 80, auxquelles celui-ci répond d’abord par la force puis en « lâchant un peu de lest » jusqu’à la Loi Martiale de 1981. La mise en prison de nombre d’opposants et la délégalisation du syndicat Solidarnosc bloque la situation plus qu’il ne la résoud : le pouvoir ne retrouve plus une légitimité perdue depuis longtemps tout en arqueboutant une opposition à bout de force et pas forcément plus légitime (elle n’est pas élue démocratiquement), bien que représentative d’une protestation de la société rendue possible entre autres par la visite de Jean Paul II en 1979. Huit ans plus tard, à la faveur de la péréstroïka et de la glasnost de Gorbatchev les réformateurs de deux camps négocient une délicate sortie de régime, symbolisée par la table ronde, imitée rapidement par les autres pays du camp socialiste. La « démocratisation rampante » est à l’oeuvre, et les élections aidant, les communistes n’ont plus qu’à se retirer d’une manière pacifique du pouvoir.
La longue route vers l’intégration européenne
Une fois la Pologne indépendante, débute la longue régate vers l’Union européenne, humiliante pour certains, nécessaire pour d’autres, finie en 2004, cinq ans après l’entrée de la Pologne dans l’OTAN. Ces quinze années auront été vécues avec force émotions du côté polonais qui, en attendant l’Union européenne, ont connu des changements pour le moins radicaux au niveau aussi bien économique que social ou politique. D’où leur frustration relative lorsque l’élargissement passa inaperçu en Europe de l’Ouest alors que les Polonais s’attendaient à une « réunification européenne » et surtout lorsque le thème du plombier polonais fut utilisé lors de la campagne référendaire de 2005 en France.
Extrêmement pro-européens d’après les sondages, les Polonais n’ont pas toujours un gouvernement qui reflète leur opinion dans ce domaine comme d’octobre 2005 à octobre 2007 et font leur apprentissage des rouages complexes mais pas inefficaces de l’Union européenne. Ils sont les plus importants bénéficiaires du budget européen (témoin, les 63 milliards d’euros reçus pour la période de programmation 2007-2013 au titre des fonds structurels) et entendent bien marquer les orientations politiques de l’Union européenne, ne serait-ce que face à la Russie ou dans le domaine énergétique.