Des milliers de Hongrois ont été poussés par les banques à emprunter au-dessus de leurs moyens, en euros ou en francs suisses. Les pays du centre et de l’est de l’Europe connaissent le même drame.
Entre midi et 2, tout semble aller pour le mieux au Turmix-Bar. A 12 heures pile, les jeunes femmes qui travaillent dans les bureaux voisins viennent faire une pause dans ce café chic du centre de Budapest. Les unes commandent un muffin et un cappuccino, les autres un sandwich et une salade. Ce n’est qu’une fois que la foule s’est retirée que Suzanne Szody, la propriétaire, repense à ses maudits emprunts. Il y a près de cinq ans, Mme Szody a acheté un appartement de trois pièces pour elle et ses deux fils. Cette femme énergique aux cheveux teints en rouge a pour cela emprunté 8 millions de forints, ce qui faisait à l’époque 28 500 euros. Un an plus tard, elle a souscrit un autre emprunt, cette fois équivalent à 32 000 euros, pour racheter le Turmix-Bar. Il était libellé en francs suisses : les intérêts étaient nettement plus faibles dans cette monnaie imperméable aux crises qu’avec le forint hongrois, notoirement volatil.
Les banquiers ne lui ont pas précisé qu’un prêt en devises devenait plus cher quand la monnaie nationale se dévaluait. A l’automne 2008, la Hongrie est frappée par la crise financière : l’endettement du pays devient tellement inquiétant que l’Etat ne parvient à éviter la faillite qu’en obtenant de l’Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI) une ligne de crédit de 20 milliards d’euros. Le forint est dévalué, l’économie plonge dans une grave récession.
Une bouffée d’air frais
Dans l’immeuble de bureaux aux façades de verre qui abrite son café, Suzanne Szody a vu plusieurs centaines d’employés qui constituaient la majorité de sa clientèle plier bagage. Son chiffre d’affaires a baissé, son loyer, fixé en euros mais réglable en forints, augmenté. Les mensualités de ses remboursements sont passées de 132 000 à 208 000 forints (soit 425 euros à l’époque) – une augmentation de plus de 60 %.
Fin 2009, elle a pris un avocat pour demander à sa banque une prolongation du crédit et une baisse des mensualités. La banque n’a cédé qu’à l’automne 2010 – et de façon très limitée. “Depuis octobre 2010, je paie 80 000 forints par mois, confie Mme Szody. Mais, à partir d’octobre 2013, il faudra que je compense la baisse actuelle des mensualités en versant 320 000 forints (1 158 euros aujourd’hui) par mois. C’est complètement illusoire.” Si elle ne parvient pas à payer, elle risque bien sûr de perdre son café et son appartement, mais cela ne s’arrêtera peut-être pas là : ses emprunts sont garantis par l’appartement de sa mère. “J’ai reçu une bouffée d’air frais – mais pour deux ans seulement”, soupire Suzanne Szody.
La propriétaire du Turmix-Bar s’en sort malgré tout relativement bien. Sur les 10 millions de personnes que compte la population hongroise, plusieurs centaines de milliers n’arrivent plus à rembourser leur crédit immobilier, et la ten­dance est à la hausse. Selon l’Autorité hongroise de surveillance financière (HFSA), on comptait déjà, fin juin 2010, 105 000 crédits immobiliers en souffrance – c’est-à-dire avec au moins quatre-vingt-dix jours de retard de paiement. “Chacun de ces prêts touche trois ou quatre Hongrois. Il y a donc jusqu’à 400 000 personnes concernées”, explique Tibor Madari, un avocat qui représente les débiteurs auprès des banques ou devant les tribunaux – en général sans succès, reconnaît-il sobrement.
D’après la HFSA, des milliers de Hongrois ont déjà perdu leur logement en 2009 et 2010. Quelques jours avant Noël, Erzsébet Török-Szabo, qui dirige Sors-Tarsak [Compagnons d’infortune], une association d’aide aux surendettés, a invité les Budapestois devenus sans-abri à cause de la crise à un repas de Noël gratuit.
Malgré de fortes chutes de neige, un millier de personnes ont répondu présent. “On est loin d’avoir atteint le sommet”, prévient Mme Török-Szabo. La suspension des expulsions décidée par les autorités prendra fin le 30 avril. Les banques et autres organismes de crédit ont déjà lancé des milliers de nouvelles procédures de saisie et d’expulsion. “Et la vague suivante ne saurait tarder”, déclare Me Madari. Car, outre les crédits impayés depuis au moins quatre-vingt-dix jours, la HFSA recensait en septembre 2010 près de 260 000 crédits immobiliers en souffrance depuis moins de trois mois. “Le pire est encore à venir”, confirme Gábor Obláth, qui fut membre du Conseil du budget jusqu’à fin 2010 [cet organe indépendant, créé il y a deux ans pour surveiller la réduction du déficit, a été
Florian Hassel
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