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gay lesbienne
Hommes habillés en femmes participant à un défilé pendant un carnaval à Abidjan, Photo: Luc Gnago / Reuters
En ce chaud samedi soir, un espace événementiel habituellement réservé aux mariages et aux baptêmes a été envahi par des hommes parés de robes et d’extensions capillaires, car la communauté gay de Côte d’Ivoire célébrait la nuit la plus tapageuse de son calendrier social : le concours de beauté « Miss Woubi ».
L’événement, organisé pour la première fois en 2009, prend son nom d’un mot d’argot ivoirien se référant à la soi-disant partenaire “efféminé” dans une relation entre deux hommes – celui qui, comme ils disent, “joue le rôle de la femme” et s’habille parfois comme elle.
Cette année, treize candidats en compétition se disputent le titre, prenant d’assaut le tapis rouge en maillot de bain et tenues de soirée dans un événement qui a duré jusqu’à l’aube.
Mais alors que les actes sexuels de même sexe n’ont jamais été criminalisés ici, paradoxalement, il n’y a également aucune protection juridique spécifique pour les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres Ivoiriens, les rendant vulnérables aux forces de sécurité hostiles et, parfois, de foules en colère.
En conséquence, l’extravagance de l’identité « Woubi » est la plus souvent cachée et se vit discrètement dans un pays qui reste malgré tout très hétéronormé.
Miss Woubi est ouverte à toute la communauté, quelque soit son orientation sexuelle
Le concours de « Miss Woubi » est une tentative pour briser cette barrière et rassembler la communauté gay abidjanaise, au moins pour une soirée, confient les organisateurs.
«En général, lorsqu’il y a des soirées dans notre communauté, il est demandé à ce que les participants adhèrent à un certain code vestimentaire. et les personnes efféminées sont souvent indésirables “, dit Malika, une femme transgenre qui a participé en 2012 et qui est cette année la co-maîtresse de cérémonie. “Mais Miss Woubi est ouverte à toute la communauté, quelque soit son orientation sexuelle ou l’expression de son genre.”
La tenue d’ un tel événement en Afrique de l’ouest, même dans un pays relativement tolérant, reste une entreprise risquée. Bien que les photos soient officiellement interdites pendant la soirée, en 2012, le tabloïd « Allo Police » avait mis la main sur des photos de certains candidats, et les a publié sous le titre : «Les Pédés d’Abidjan ont élu leur Miss” (pédé étant un mot d’argot péjoratif pour désigner les homosexuels masculins).
La publicité non désirée a causé l’annulation de Miss Woubi en 2013, et plusieurs candidats cette année ont dit qu’ils étaient préoccupés par la sécurité en dépit de la présence de gardes à l’entrée.
Le concours n’est pas également sans controverse. Certaines minorités sexuelles ivoiriennes ont critiqué « Miss Woubi » pour être insuffisamment inclusive, en particulier en ce qui concerne les travestis, qui désigne ici les gens qui sont nés anatomiquement de sexe masculin, mais qui s’identifient et vivent comme des femmes sur une base régulière ou occasionnelle. (Très peu d’ Ivoiriens s’identifient comme «transgenre», mais il y a une population importante de travestis.)
Latiyah, un travesti qui était assis dans le public samedi soir, a déclaré que l’événement semblait conçu plutôt pour honorer les woubis qui se déguisent en femmes très rarement, plutôt que les travestis qui se sentent femmes dans leur vie quotidienne. Elle a attribué cela au fait que les hommes gays à Abidjan sont mieux organisés que les travestis, avec un plus grand soutien de donateurs extérieurs.
“Il y a beaucoup de travestis, mais nous ne nous connaissons pas les uns les autres», a déclaré Latiyah. «Nous avons besoin de créer notre propre association pour nous rassembler.”
Le déroulement du concours est fait de telle sorte à minimiser ces divisons, en mettant l’accent sur la représentation sexuelle de chacun. Pour commencer, les participants ont comparu devant un jury de quatre personnes habillés en « yossis » – les partenaires des woubis qui «jouent le rôle de l’homme» et portent ce que beaucoup de jeunes hommes locaux portent: jeans, baskets,…
Un candidat, favori de la foule et originaire de la ville voisine de Grand-Bassam, s’est présenté torse nu, fléchissant ses biceps tout en affaissant son short pour révéler son boxer baggy.
Lors du second tour de piste – qui présentait les candidats en vêtements «traditionnels» – les participants étaient cette fois habillés en femmes, tenant des canaris, dans des tenues en tissu violet et rouge inspiré par le groupe ethnique Malinké – affirmant subtilement le caractère africain affirmé de cette minorité sexuelle.
Il était près de 4 heures du matin au moment où, les tours de piste terminés, les organisateurs, en précipitant le reste du programme, annoncèrent le résultat. Hâtivement, et sans explication, les juges ont alors classé les finalistes et annoncé le gagnant : un coiffeur du quartier de Yopougon qui a participé sous le nom de “Paulina”.
Avant que Paulina ne puisse être couronnée « Miss Woubi 2016 », le vainqueur sortant, Cami, s’est adressé à l’auditoire une dernière fois. Étudiant de la commune de Yopougon, Cami a déploré que pendant son règne en tant que Miss Woubi il n’a pas été particulièrement visible dans la communauté gay d’Abidjan, ayant préféré se concentrer sur ses études. Néanmoins, il a pris un moment pour exprimer sa gratitude aux organisateurs du concours. Ce n’est que récemment qu’il s’est réconcilié avec son orientation sexuelle, lorsqu’il a choisi de concourir, at-il expliqué. Sa victoire, dit-il, lui a donné la force nécessaire pour lui redonner confiance.
«Je veux juste vous remercier», a conclu Cami, “pour m’avoir aidé à surmonter cette timidité en moi.”
Retrouvez l’article original sur le site The Guardian (en anglais)
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