Site d’information dédié à l’art contemporain « Mon état d’esprit a toujours été celui d’un peintre, confiait Jannis Kounellis au critique d’art britannique Martin Gayford en avril dernier, à l’occasion de son exposition à la Monnaie de Paris. C’est mon identité ; je ne pourrais l’abandonner même si je le voulais. En grec, qui est une langue de précision, le mot peintre se dit zōgraphos, ce qui désigne quelqu’un qui dessine la vie. »
Né au Pyrée, le port d’Athènes, en 1936, l’artiste a grandi au cœur d’une famille de marins, dans un pays malmené par la dictature (entre 1936 et 1941) et la Seconde Guerre mondiale, avant de sombrer dans la guerre civile jusqu’en 1949. Au sortir du lycée, il s’inscrit à des cours d’art qu’il décide de poursuivre aux Beaux-Arts de Rome, à compter de 1956. « Je suis parti en Italie car attiré par la peinture de maîtres anciens tel Masaccio. Son art n’était pas classique, mais humaniste. Or j’étais né dans le pays inventeur de l’humanisme. » Formé par Toti Scialoja, il s’intéresse aux pratiques développées par Alberto Burri ou Lucio Fontana, découvre celles de Jackson Pollock, de Franz Kline, et cherche comme ses aînés à repousser les limites de la peinture. Il a 24 ans et est encore étudiant lorsqu’il expose pour la première fois, à la Galleria La Tartaruga ; il y présente un ensemble de toiles en noir et blanc couvertes de lettres et de chiffres (L’alfabeto di Kounellis), prémices d’un vocabulaire qu’il entend tout entier voué au dialogue entre nature et culture, comme à l’échange avec le public. Peu à peu, son travail s’épanouit en trois dimensions ; ses matériaux, prélevés dans le quotidien, sont pour lui chargés de sens et d’histoire, intimes ou collectifs. Ses œuvres conversent systématiquement avec l’espace d’exposition et deviennent autant d’expériences à vivre pour le regardeur. Généralement sans titre, elles font appel à l’instantanéité des sensations et émotions.
Chaises, étagères, outils de cuisine, vêtements, mais aussi acier, charbon, bois, pierre, toile de jute, sont quelques-uns des éléments récurrents d’une pratique qui va faire de Jannis Kounellis l’un des précurseurs de l’Arte Povera. En 1967, Germano Celant l’invite d’ailleurs à la célèbre manifestation éponyme organisée à Gênes et marquant l’entrée dans l’histoire de l’art d’un groupe d’artistes italiens – parmi eux Alighiero Boetti, Mario Merz, Luciano Fabro ou encore Michelangelo Pistoletto – ayant adopté une attitude commune, visant à défier l’industrie culturelle et la société de consommation par l’emploi, entre autres, de matériaux humbles. En livrant aux regards l’existence aussi simple qu’évidente des choses, Jannis Kounellis tient à renvoyer chacun des matériaux utilisés à sa singularité, tout en faisant écho à l’Homme, son histoire et sa place dans la nature. « Je n’ai aucune envie de mener un travail sociologique, ça ne m’intéresse pas, précisait-il en janvier 2014 au magazine en ligne anglophone Ocula. Je suis un vieil humaniste et pour moi, l’homme est à la fois le centre de toute chose et une frontière ouverte. S’écarter de cette réalité a pour conséquence de faire perdre toute vision du futur. » Or, « l’artiste a toujours été un visionnaire », poursuivait-il. Et de rappeler que de tout temps, à travers la planète, divers systèmes dictatoriaux n’ont cessé de vouloir ôter aux artistes leur indépendance et leur liberté, « en tentant de leur imposer une direction politique, une notion propagandiste de l’image ». « Pour moi, l’artiste est celui qui invente du nouveau, et affirme ainsi sa liberté. »
Image d’ouverture : Sans titre (installation dans les cuisines du château de Chaumont-sur-Loire), 2008 © Jannis Kounellis, photo Stéphane Franzese courtesy Domaine de Chaumont-sur-Loire – Jannis Kounellis © Photo Manolis Baboussis – Vue de l’exposition Brut(e), en 2016 à la Monnaie de Paris © Jannis Kounellis, photo Manolis Baboussis courtesy Monnaie de Paris
Retrouvez Jannis Kounellis sur le site Gallery Locator.
20 décembre 2022
16 décembre 2022
14 décembre 2022
9 décembre 2022
1 décembre 2022
28 novembre 2022
23 novembre 2022
21 novembre 2022
08 décembre 202223 janvier 2023
Entre ce que l’on voit et son évocation, entre le mirage et la réalité, entre la lumière et l’ombre, les tableaux de la série The Crossing sont une recherche plastique puissante et une recherche poétique de ce qui lie Bao Vuong à son pays perdu. Les monochromes noirs de l’artiste sont au départ la projection du traumatisme de l’exil de sa famille, des nuits en haute mer vécues par d’innombrables boat people, la même vision que connaissent des milliers de migrants à travers les siècles et chaque jour encore. S’inspirant des terreurs et des tristesses qu’accompagnent l’exil, Bao Vuong utilise de grandes masses de peinture noire qu’il sculpte, dessine minutieusement chaque vague comme une litanie, un mantra. En nous déplaçant face aux toiles du peintre, nous vivons une expérience visuelle et introspective. Les reflets sur ces reliefs noirs nous rappellent à notre lumière intérieure, celle même qui nous guide dans les moments les plus sombres de nos vies et nous pousse à avancer. Pour cette nouvelle exposition « Horizons », il a rajouté la matière d’encens. Dans ses tableaux sous forme de cendre, l’encens figurent les nuages qui parfois cachent la lumière des astres. Dans le rituel des ancêtres – tradition encore bien présente dans tous les foyers vietnamiens – la fumée des encens est le véhicule entre les vivants et les défunts, un lien entre les hommes et l’au-delà. Sur les tableaux, la cendre d’encens est le reste palpable de cet acte sacré, la trace de nombreuses prières, la trace du souhait d’un lendemain meilleur ; mais elle est aussi la trace de ceux qui sont partis pour toujours et ne reviendront plus. Visuel > Bao Vuong, The crossing 115, 2022.
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09 novembre 202225 février 2023
Arno Rafael Minkkinen (né le 4 juin 1945 à Helsinki en Finlande) est un photographe finlando-américain. Son œuvre, reconnue partout dans le monde, est entièrement consacrée à l’autoportrait, sur fond d’engagement militant en faveur d’une meilleure place de l’homme dans la nature. Celle qu’il s’assigne à lui-même se veut souvent discrète, fondue, évocatrice de cet Eden perdu dans lequel l’humanité commença son aventure ontologique. Habitant le monde, son monde, en poète, l’artiste considère son intervention dans le paysage comme un prolongement naturel de son corps, faisant ainsi citation de la partie par rapport au tout. Cette tautologie amène à découvrir comment ce corps humain, le sien, s’intègre parfaitement dans la nature dont il est partie prenante, mais aussi tributaire. Il n’hésite pas, en effet, à se mettre même en danger, à repousser les limites du possible et du tolérable par une forte contrainte corporelle liée à des pratiques de respiration, de contorsion, de résistance au froid et à la chaleur, cette posture ascétique, proche de celle du fakir, allant même parfois jusqu’à la disparition. C’est toujours seul que l’artiste se photographie au moyen d’un déclencheur, sans retouche ultérieure, ni intervention extérieure. Visuel > Arno Rafael Minkkinen, Stranda, 2007, Norway, photographie, 147 x 194 cm.
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26 novembre 202215 janvier 2023
Anthony D Green présente huit nouvelles œuvres, entre peintures et bas-reliefs, qui témoignent de sa fascination pour la représentation, en même temps qu’elle la dépasse. La photographie commerciale a longtemps été considérée comme l’instrument de séduction et de coercition du capitalisme, manipulant nos désirs manifestes et subliminaux et les réifiant en images de masse. En réalité, cette critique a été si répandue qu’elle a fini par être absorbée dans la culture de consommation ; la subversion, l’ironie et la perturbation sont toutes devenues partie intégrante de la boîte à outils du commerçant avisé. Ainsi, la représentation des entreprises et nos moyens de résister à son attrait ont fusionné – et le détournement est devenu un autre visage de la production esthétique chimérique. Aujourd’hui, alors que l’industrie est passée d’un modèle issu de cadres créatifs et de vastes campagnes à une publicité ciblée par algorithme et à des consommateurs atomisés, il semble que le besoin d’images contraignantes ait diminué, et que le besoin de contraindre de manière imaginative soit tout à fait superflu. Pourquoi manipuler quand il suffit d’un coup de pouce bien placé pour vous faire rentrer dans un cycle de consommation déjà tracé ? Détourés avec la clarté aliénante d’une infographie, les assemblages d’Anthony D Green présentent un tableau familier : des images sans prétention guidées par les principes médiatiques de neutralité du marché, des marques si génériques qu’elles en deviennent presque élémentaires, et les ouvertures élégamment encastrées, les losanges grossiers et les courbes souples du design des produits de base ; une norme esthétique qui a commencé avec les smartphones et les ordinateurs portables et qui a maintenant été appliquée à tout, des humidificateurs d’air aux cuiseurs de riz. Comme dans le monde des logos d’entreprise, la géométrie est réchauffée et arrondie en forme de pilule – un motif saillant, hermétique et profilé pour la consommation. Visuel > Anthony D Green, Coffee Machine, 2022. MDF, peinture en aérosol, peinture acrylique, papier imprimé. Courtesy the artist and Art : Concept, Paris. Photo : Romain Darnaud.
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02 décembre 202226 février 2023
Déployée sur trois lieux (Mucem, Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur et la chapelle de la Vieille Charité), l’exposition « Ghada Amer » est la première rétrospective de l’artiste franco-américano-égyptienne en France. Elle réunit ses différents modes d’expression plastique depuis ses débuts jusqu’à ses créations les plus récentes. La broderie, la peinture, la céramique, le bronze et la création de jardins sont au cœur de son art. Entre Orient et Occident, l’artiste interroge d’une culture à l’autre les représentations, les rapports de domination, les processus d’assimilation, d’opposition ou de traduction. Elle est aujourd’hui une voix majeure des enjeux post-coloniaux et féministes de la création contemporaine. Deployé sur les 280m2 du premier plateau, le parcours présenté au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur met en lumière l’engagement résolument féministe de Ghada Amer. Pour elle, la question de la femme transcende celle de l’appartenance culturelle ou religieuse. Elle s’est emparée du médium traditionnellement féminin, la broderie. Entre hommage et revendication, ses toiles entrent en dialogue avec les « maîtres » d’une histoire de l’art trop longtemps dominée par les hommes. Elles se développent sous le signe d’une puissance créatrice jubilatoire et d’un intérêt nouveau pour le portrait. Visuel > Ghada Amer, Portrait Of The Revolutionary Woman [portrait de la femme révolutionnaire], 2017 Grès cérame avec incrustations de porcelaine et barbotine de porcelaine Collection privée, Munich (Allemagne) © Ghada Amer, photo : Christopher Burke Studios.
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01 décembre 202204 février 2023
Par son travail d’estampes brodées «Les Âmes animales», Lara Blanchard souhaite célébrer le «Vivant» et tout ce qui le compose. Elle explore les liens immuables entre l’Homme et l’Animal à travers la création de thérianthropes, créatures humaine/ animale auxquelles elle ajoute des éléments naturalistes. En complément, avec Ad Lucem, création de masques, parures et animaux oniriques mêlant céramique, feutrage, assemblage, elle laisse place à ce qu’elle nomme «le magique universel». Inspirée du monde naturel, organique et animal, elle s’inscrit en « passeur », laissant ce qui se sait pour ce qui se ressent. Un état primaire en ce sens qu’il était au commencement, peut-être un ressenti plus animal ? Un lien immuable à la nature et au vivant. Selon l’artiste, « Nous sommes les ancêtres d’un monde à venir… ». Visuel > Affiche de l’exposition.
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10 décembre 202212 février 2023
Peintre, graveur et poète, Gérard Titus-Carmel mêle depuis cinquante ans la peinture, le dessin, la poésie et la pensée. Pour lui, en effet, “peindre, c’est joindre le geste à la parole” . L’exposition “Forestières & autres arpents” propose un cheminement au sein des vingt dernières années d’une création foisonnante, depuis la série des “Forêts” jusqu’aux “Plans de coupe” , en passant par les massifs de livres ornés. Gérard Titus-Carmel offre au regard les variations du végétal comme une rencontre “brutale et lumineuse” , celle d’une force vivante, qui interroge la conscience de notre présence au monde. Gérard Titus-Carmel se dit peindre non pas ce qu’il voit mais ce qu’il rêve. Une exposition où se mêlent peinture et poésie… Visuel > ©Gérard Titus-Carmel.
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En Espagne, le Musée Guggenheim Bilbao se pare de lumière tel un sapin de Noël … Continuer la lecture de « Le Guggenheim Bilbao tout en lumière »
Sturmfrei, festival littéraire et performatif survolté, lance sa deuxième édition et investit pour ce faire … Continuer la lecture de « Sturmfrei, festival de poésie, de performances et de fête »
Pour sa sixième édition, Fictions Documentaires, festival de la photographie sociale Carcassonne, propose une programmation … Continuer la lecture de « Se saisir d’un fait de société à Carcassonne »
Affiner les aptitudes de nos sens, étendre le champ de nos perceptions en explorant les … Continuer la lecture de « Les n+n Corsino font danser l’IA avec le public »
La galerie Templon à Paris, rue du Grenier Saint-Lazare, clôt l’année avec une exposition du … Continuer la lecture de « Pierre et Gilles annoncent « Les couleurs du temps » depuis 1976 »
Il ne reste que deux jours pour découvrir le travail édifiant mené par Aris Messinis … Continuer la lecture de « La guerre en Ukraine dans l’œil d’Aris Messinis »
CPPAP 0324 W 91303
ISSN 2777 – 4961
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