On en parle
Il est la face cachée des pièces de monnaie. Rencontre avec Joaquin Jimenez, graveur général de la Monnaie de Paris.

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Article publié dans le magazine Anjou&vous de septembre 2022
À la pointe ouest de l’île de la Cité, près du Pont Neuf, les Immortels de l’Académie française se réunissent depuis bientôt quatre siècles, au 23 quai de Conti. En matière d’âge, la vénérable institution parisienne fait pourtant pâle figure à côté de sa presque voisine ; au 11, l’œil s’arrête sur la plus ancienne entreprise française : la Monnaie de Paris. Fondée au 9e siècle, elle ne traite pas les évolutions du dictionnaire, mais permet à toutes et tous de payer, chaque matin, sa baguette de pain, son café ou son journal.
« La monnaie, c’est un produit régalien, un médium d’histoire, d’art et de culture. Il faut en être conscient. Créer une pièce, ça n’est pas anodin : elle va se retrouver dans la poche de tous les Français. » Ton sûr, regard noir et profondeur du discours, Joaquin Jimenez en impose. Et pour cause : depuis juillet 2020, il est le Graveur général des Monnaies, 27e du nom ; un titre qui n’avait plus été activé depuis 2001.
Depuis son atelier parisien, la vue sur la Seine est imprenable. « Quand je mets les mains dans la rivière, je mets les mains dans la mer », commente ce Ligérien de naissance, qui a grandi à deux pas de l’église Saint-Nicolas à Saumur et réside aujourd’hui encore à Angers. Père ébéniste, castillan d’origine ; mère tourangelle, d’une famille de teinturiers, Joaquin Jimenez a évolué dans un réel « terreau artistique, mais dur ». Il en ressort une exigence de tous les instants et une projection permanente sur le travail à venir. « Je suis content quand on réalise une pièce, mais ça ne reste qu’une étape dans ma vie professionnelle et artistique. Ce qui m’intéresse, à l’instar d’un peintre ou d’un sculpteur, c’est de faire la prochaine ».
Pièce de 10 francs Coq et Marianne (1986), pièces de 1 et 2 euros L’arbre étoilé (1999), puis sous une version modernisée, L’arbre de vie (2022)… Joaquin Jimenez s’inscrit dans la généalogie « d’un métier d’art avec un savoir faire incroyable. » Les portraits en plâtre de ses deux prédécesseurs veillent sur sa table de travail. L’un d’eux, Émile Rousseau, l’avait prévenu: « C’est parce que tu fais les choses différemment que tu seras un jour assis dans mon siège ».
Formé à l’école des lettres et des beaux-arts, Joaquin Jimenez aborde la gravure par un autre biais. « Lecteur compulsif », curieux de tout, l’artiste entend raconter des histoires, donner du sens à chacune des pièces de monnaie qu’il façonne. « La Monnaie de Paris est une entreprise complètement contemporaine, qui bénéficie des techniques dernier cri. Mais ce ne sont que des outils », prévient-il. « L’essentiel, c’est la manière de faire les choses dans le dessin et la matière ». Confiant dans l’avenir du cash, « un vecteur fondamental de lien social », Joaquin Jimenez est conscient qu’il est « plus proche de la fin de carrière que du début. Je donne tout ce que je sais, avec l’exigence que les mômes aient la tête bien faite et une curiosité intellectuelle sans limite. C’est un devoir que de pérenniser ces savoir faire. Et un plaisir, car je reçois autant que je donne. Finalement, je veux être obsolète, car je suis persuadé que le monde des mômes ne sera pas moins bien. »

N°19
Novembre 2022

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