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Une étude du Muséum d’histoire naturelle s’inquiète des conséquences de la consommation de cuisses de grenouilles d’importation, qui menace les espèces sauvages en Indonésie.
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La consommation de cuisses de grenouilles en France menace la biodiversité
Contrairement aux étiquettes, c’est la grenouille « mangeuse de crabe » (Fejervarya cancrivora), qui est l’espèce principale trouvée par les scientifiques du Museum d’histoire naturelle dans les sacs de cuisses de grenouilles congelées vendues en France.
Wikipedia
D’où viennent les grenouilles que mangent les Français ? Annemarie Ohler, spécialiste ès-batraciens au Muséum d’histoire naturelle depuis 25 ans, a décidé d’appliquer les tests ADN habituellement utilisés pour distinguer les différentes espèces de batraciens, aux cuisses de grenouilles congelées vendus dans les supermarchés et les épiceries exotiques en France.
Les résultats obtenus par la chercheuse sont riches d’enseignement sur l’origine de ces grenouilles, mais aussi sur les menaces qui pèsent sur les batraciens dans le monde.
Premier constat, les espèces de grenouilles bon marché vendues le plus souvent congelées dans les rayons des magasins hexagonaux sont toutes des espèces tropicales. Peu surprenant lorsqu’on sait que les espèces de grenouilles françaises, menacées de disparition, sont protégées depuis 1979.
Pour la très grande majorité d’entre elles, les cuisses vendues en France sont importées d’Indonésie, où elles sont prélevées dans leur milieu naturel. Chaque année, plusieurs milliers de tonnes sont importées de ce pays vers l’Europe, où les « froggies » sont quasiment les seuls à les apprécier.
Il existe bien des élevages en France, mais ces grenouilles sont beaucoup plus chères et vendues principalement aux grands restaurants, explique la chercheuse. « Ce qui menace la ressource, c’est que les grenouilles congelées soient aussi bon marché. »
Deuxième résultat obtenu grâce à la méthode moléculaire dite du « barcoding » – qui permet d’identifier les espèces à partir d’une courte séquence de leur ADN – : dans plus de 99 % des cas, l’espèce vendue ne correspond pas à celle indiquée sur les étiquettes.
Plutôt que la Rana macrodon, la chercheuse a ainsi trouvé principalement des Fejervarya cancrivora dans les près de 200 sachets analysés. Pour les non initiés, dur de faire la différence, a fortiori quand il ne reste que les cuisses écorchées de l’animal. Mais pour les biologistes, ces deux espèces sont dans la classification « aussi éloignées que la vache et le mouton », indique le Museum d’histoire naturel sur son site.
Ce constat s’explique par l’ignorance des importateurs. Mais aussi probablement par les tensions sur la ressource. Une hypothèse renforcée par un autre enseignement tiré de l’étude : les grenouilles importées sont plus de plus en plus petites.
« Il faudrait pouvoir obtenir des crédits pour mener des recherches à grande échelle sur l’impact de ces prélèvements en pleine nature en Indonésie, et éventuellement ajouter les espèces aujourd’hui importées sur la liste Cites des espèces protégées, indique Annemarie Ohler. Mais précisément parce que ces espèces ne sont pas sur la liste, nous n’obtenons pas de crédits. On se mord la queue. »
Sur les 7000 espèces d’amphibiens recensées, 25 à 30 % sont menacées, rappelle la scientifique. Et pour 20 % d’entre elles, il n’existe pas assez de données pour évaluer la situation. Certaines espèces disparaissent donc avant même que l’on les découvre, déplore Annemarie Ohler.
En conclusion, la biologiste conseille de ne simplement pas manger d’espèces sauvages et de vérifier la provenance de ce que l’on mange, en privilégiant les grenouilles d’élevage en provenance de Turquie, de France ou du Vietnam. « À six milliards d’humains sur la planète, nous n’avons plus les moyens de nous comporter comme des chasseurs-cueilleurs, indique la chercheuse, d’origine autrichienne. Moi personnellement, aux cuisses de grenouille, je préfère le poulet ! »
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