Ce sera le 20 e pays membre de l'Union européenne à adopter la monnaie unique. Moins de dix ans après son entrée dans l'Union européenne, la Croatie devrait compter en euro au premier janvier 2023. Sa demande d'adhésion, validée mercredi par la Commission europénne, devrait être acceptée définitivement en juillet par les ministres des Finances.
Par Catherine Chatignoux
Adieu la kuna, bienvenue à l'euro. Après deux années passées à tester la solidité de ses liens avec la monnaie européenne, « la Croatie est prête à adopter l'euro au premier janvier 2023 », a annoncé mercredi la Commission européenne à l'issue de son dernier rapport de convergence qui a évalué les progrès des sept Etats membres de l'Union européenne légalement tenus de rejoindre la monnaie unique mais pas forcément tous désireux de le faire ou mûrs sur le plan économique et financier.
« La Croatie remplit les quatre critères de convergence nominaux et sa législation est pleinement compatible avec les exigences du traité et des statuts du système européen de banques centrales et de la BCE », indique le document . En clair, cela signifie que les prix croates sont restés relativement sages ces deux dernières années, que ses finances publiques ne se sont pas dégradées, que son taux de change avec l'euro a bien résisté tandis que ses taux d'intérêts ont évolué en ligne avec les pays les plus performants de la zone euro.
L'entrée de ce pays de 4 millions d'âmes dans le club de moins en moins restreint de l'euro n'est pas une révolution. Il a été autorisé en juillet 2020 à participer au mécanisme de taux de change (MCE II), ouvrant une période test de sa capacité à supporter sans dévaluer le cours pivot de sa monnaie par rapport à l'euro. Le cours central de la kuna a été fixé à 7,53450 kuna pour 1 euro.
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Ces liens avec l'euro sont beaucoup plus anciens puisque depuis sa création en 1994, la monnaie croate a utilisé l'euro, et avant lui le Deutschmark, comme devise de référence et la politique de la Banque centrale croate a consisté à maintenir le taux de change de la kuna avec la monnaie européenne dans une fourchette étroite.
« Pour un petit pays très ouvert comme la Croatie, dont l'économie est déjà très imbriquée dans le marché européen, l'enjeu d'une adhésion à l'euro est assez faible. explique Olivier de Boysson, chef économiste des pays émergents à la Société générale. Après les années d'hyperinflation de l'après-guerre, l'ancrage dans une grande zone monétaire l'a emporté sur les considérations d'indépendance monétaire. »
Un degré supplémentaire d'intégration à l'Union européenne peut aussi apporter à ce pays peu industrialisé et très dépendant du tourisme une plus grande sécurité économique et financière. « La zone euro constitue un rempart contre le risque de crise financière, ce qui est important dans le contexte actuel, souligne Christopher Dembik, directeur Recherche et Stratégie chez Saxo Bank. En cas de grande tension, la BCE peut déployer sa politique de rachat de dette souveraine. C'est aussi un rempart contre la Chine qui montre un appétit croissant pour les entreprises croates. »
Pour le vice-président de la Commission européenne Valdis Dombrovskis, l'arrivée d'un nouveau membre « montre également que l'euro reste une monnaie internationale attractive et performante ». Il était grand temps. La dernière adhésion, celle de la Lithuanie, remonte à 2015 et à part la Bulgarie, entrée en 2020 aux côtés de la Croatie dans le mécanisme de taux de change, les gouvernements ne se précipitent pas pour demander leur carte du club.
La Pologne et la Hongrie, les plus grosses pointures en Europe de l'Est répètent à longueur d'années qu'elles ne veulent pas de l'euro. Elles préfèrent garder « le meilleur des deux mondes», selon Christopher Dembik, en particulier la possibilité de dévaluer leur monnaie si nécessaire et de garder la haute main sur la supervision de leurs banques. Quant à la Bulgarie, la plus enthousiaste à rejoindre l'euro depuis l'arrivée du nouveau gouvernement, elle « ne remplit pas les conditions pour l'adoption de l'euro », indique sèchement le rapport de convergence.
Les ministres des Finances devraient donner début juillet l'ultime feu vert à l'adhésion de la Croatie après discussion au sein de l'Eurogroupe et l'avis de la BCE et du Parlement européen. Comme l'a dit Paolo Gentiloni, le commissaire chargé des questions économiques, « la zone euro accueillera en cette année de célébration du 20e anniversaire de l'avènement de l'euro son 20e membre ».
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Catherine Chatignoux
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