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Parmi les nombreuses unions monétaires qui ont émaillé l’histoire, celle de l’Autriche-Hongrie est souvent considérée comme une des plus proches sur le plan institutionnel de l’actuelle zone euro. Car derrière le terme « Autriche-Hongrie » se cache une fédération a minima de deux États largement autonomes issus du « Compromis de 1867 » destiné à apaiser la volonté indépendantiste de Hongrois qu’il avait fallu, en 1848, écraser dans le sang.
Cet accord institutionnel transforme l’Empire d’Autriche créé en 1806 en une « Double Monarchie » regroupant sous le pouvoir personnel du monarque un Empire d’Autriche et un Royaume de Hongrie. Les deux Etats disposent de leurs propres constitutions, de leurs propres parlements et gouvernements, de leurs propres budgets et de leurs propres administrations.
Les structures fédérales sont très limitées : outre la monarchie, seules les politiques étrangères, douanières et militaires sont communes. Elles sont financées par les droits de douane et une contribution des deux entités fédérées (à hauteur de 70% pour l’Autriche et 30% pour la Hongrie). Lors de l’occupation (1878) puis de l’annexion (1908) de la Bosnie-Herzégovine, cette région sera administrée par les deux États conjointement.
La monnaie est également un élément commun. Peu après l’unification des possessions des Habsbourg dans l’Empire d’Autriche en 1806, une banque d’émission avait été créée pour unifier les différentes monnaies en circulation.
En 1867, la Hongrie avait obtenu le droit de fonder sa propre banque centrale. Mais Budapest n’utilise pas ce droit et préfère conserver le système monétaire uni autrichien. Encore rurale et peu développée, l’économie hongroise a besoin d’investisseurs étrangers, notamment venant d’une Autriche plus industrialisée.
En 1878, la Banque nationale d’Autriche devient donc Banque Nationale d’Autriche-Hongrie (ÖUNB), seule habilitée à émettre des florins.
La Hongrie a rapidement profité de cette union monétaire. Les marchés y voient une solidarité naturelle avec l’Autriche et prêtent à des taux bas à Budapest qui lance à la fin des années 1860 une série de grands travaux et s’endette considérablement. Mais la crise boursière viennoise de 1873 place le Royaume au bord de la banqueroute et ne doit son salut qu’à l’intervention de la banque centrale et à une restructuration de sa dette. Voilà qui n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé dans la zone euro lorsque les pays périphériques ont bénéficié sur les marchés d’une unification des taux entre 1999 et 2008.
La Hongrie va rapidement se discipliner. Elle a besoin d’investir, mais désormais les prêteurs demandent des garanties en or à leurs créances. Budapest réorganise son économie et ses finances et devient, à la fin du siècle, un état modèle sur le plan financier.
Au point qu’en 1899, la Hongrie voit sa part dans le capital de la Banque centrale passer de 30% à 50%, même si sa contribution au budget « fédéral » ne change pas. La discipline de marché a fonctionné et, en 1892, une nouvelle monnaie est lancée, la Couronne, basée comme le franc français, sur l’or et l’argent. Elle remplace un florin très dépendant du papier-monnaie à cours forcé. La Banque centrale austro-hongroise s’impose une couverture de 40% d’or pour les émissions de billets.
Et elle accepte sans difficulté de changer le papier en or. Sans jamais adopter formellement l’étalon-or, l’Autriche-Hongrie entre alors dans le grand ensemble international du système-or qui devient dominant à partir de 1900 et lui assure une grande stabilité monétaire.
On comprend que le cas austro-hongrois fasse rêver les partisans de l’euro. L’union monétaire semble avoir permis de développer la Hongrie en évitant les excès. Le tout avec une superstructure minimale, fondée principalement sur une banque centrale. Mais la réalité politique de cette union monétaire est fragile.
Cet ensemble – qui ne comporte que deux membres, ce qui le distingue de la zone euro – dissimule une mosaïque nationale et ethnique de peuples dont le désir de « vivre ensemble » est loin d’être évident à l’époque où émergent les idées nationales. Le Compromis de 1867 refuse toute autonomie aux peuples slaves de l’Empire dont le sentiment national s’accroît au cours du 19e siècle et qui ne se contentent pas de quelques députés au parlement de Vienne (celui de Budapest est dominé par les magnats hongrois).
Les seuls vrais « liants » de cette union monétaire, ce sont le souverain et l’armée. Viennent à disparaître l’un ou l’autre, ou les deux, et la fiction austro-hongroise sera balayée. C’est ce qui se passe en 1918.
>>> Demain : pourquoi l’union n’a pas survécu (2/8)
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>>> Lire aussi : L’économie mondiale en 1914 (1/5), un monde de croissance et de progrès
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