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Professeure d’économie à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, Olena Havrylchyk esquisse l’avenir de la monnaie alors que la dernière décennie a été marquée par l’avènement des devises virtuelles.
Propos recueillis par
Temps de Lecture 6 min.
Olena Havrylchyk, d’origine ukrainienne, se rappelle ses parents, dans les années qui ont suivi la chute de l’empire soviétique, se dépêchant de dépenser leur salaire le plus vite possible après le jour de la paie, pour éviter la dépréciation due à l’hyperinflation. Ainsi sensibilisée aux questions monétaires, désormais professeure d’économie à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, elle mène des travaux sur les nouvelles technologies dans la finance, la fintech, et les cryptomonnaies.
Technologiquement, on peut très bien envisager la disparition du liquide et la création de nouvelles infrastructures de paiement privées, du type diem, la monnaie que voulait lancer Facebook (ex-libra). Mais la monnaie est une construction sociale. Oui, l’argent liquide disparaîtra un jour mais cette disparition n’arrivera pas tout de suite et pas en même temps dans tous les pays.
D’ailleurs, malgré la baisse des paiements en liquide, la part des dollars en billets dans la masse monétaire gravite autour de 10 % depuis les années 1950, à un niveau stable. Pour l’euro, le nombre de billets en circulation a doublé depuis son lancement en 2002 et s’élève aussi à 10 % de la masse monétaire. Cela s’explique notamment par le fait que les dollars et les euros en billets sont utilisés dans beaucoup de pays en développement dont ce n’est pas la monnaie officielle. En revanche, les billets ne représentent plus que 1 % de la masse monétaire de la couronne suédoise, ce qui permet de donner un aperçu de l’avenir.
Tout d’abord, cela ne pose pas que des problèmes. Dans son livre provocateur The Curse of Cash [« la malédiction de l’argent liquide », Princeton University Press, 2016, non traduit], l’économiste américain Kenneth Rogoff fait un plaidoyer contre le cash qui, grâce à l’anonymat, favorise l’évasion fiscale et la criminalité. Mais il est vrai que la Suède sert de laboratoire. Les sondages montrent que la baisse de l’argent liquide y est perçue négativement par la majorité des personnes âgées, mais aussi par les gens qui habitent dans les zones rurales. D’ailleurs, les autorités ont réagi : une nouvelle loi oblige la Riksbank, la banque centrale de Suède, ainsi que les banques privées, à fournir une infrastructure pour permettre aux gens d’accéder à l’argent liquide.
De même que la monnaie, les cryptomonnaies sont des constructions sociales. La domination du bitcoin sur ce marché n’est pas due à sa meilleure technologie, bien au contraire, mais exclusivement à sa force narrative et à sa communauté. Le bitcoin a permis la création d’une infrastructure de paiement sans tiers de confiance, le rôle qui est traditionnellement joué par les banques, PayPal ou Visa. Intellectuellement, la solution proposée est fascinante mais, en pratique, l’absence d’un tiers de confiance impose des limites techniques : une transaction sur la blockchain est extrêmement énergivore et consomme autant d’électricité que le chauffage d’un appartement pendant un mois d’hiver.
Jusqu’à récemment, les données de paiement étaient protégées par le secret bancaire, pour le meilleur ou pour le pire, et étaient à peine utilisées par les banques.
« Nous nous dirigeons vers un “capitalisme de surveillance”, gouverné par les données »
Mais nous sommes en train de nous diriger vers un « capitalisme de surveillance », gouverné de plus en plus par les données. Les données de paiement sont particulièrement précieuses pour observer et prévoir les comportements. Si elles savent ce que les gens dépensent, les banques et les fintech pourraient améliorer leur modèle de prévision du risque de défaut des emprunteurs ; Facebook et Google pourraient mieux cibler leur publicité, y compris la publicité politique ; les Etats autoritaires pourraient mieux surveiller les dissidents. En tant que société, nous devons nous poser la question : quelle utilisation des données des paiements voulons-nous et par qui ?
Dans l’économie moderne, l’essentiel de la création monétaire est fait par les banques privées (quand elles émettent un prêt), mais les banques centrales créent aussi de la monnaie sous la forme des pièces et des billets ainsi que des réserves bancaires. La baisse de l’utilisation de l’argent liquide signifie que, en tant que particuliers, nous avons moins accès à cette monnaie créée par les banques centrales. L’idée est donc de fournir une version électronique de l’argent liquide. Mais la technologie qu’elles utiliseraient n’aurait rien à voir avec la technologie du bitcoin : il y aurait un tiers de confiance, en l’occurrence les banques centrales. La question du coût énergétique ne se posera pas.
Il est trop tôt pour le savoir mais mon impression est que, à court terme, les banques centrales vont choisir une approche prudente et donner aux banques privées la gestion de leur nouvelle monnaie numérique. Elles veulent éviter de les concurrencer et il y aura probablement une limite sur la quantité de monnaie numérique que les individus pourront détenir. Dans la vie quotidienne, les gens ne verront pas de grands changements.
« La monnaie numérique des banques centrales facilitera la distribution directe d’argent aux ménages »
A long terme, les conséquences peuvent être bien plus importantes. Si le grand public possède des comptes auprès d’une banque centrale, on peut imaginer que sa monnaie numérique va, par exemple, grandement faciliter la monnaie hélicoptère, c’est-à-dire la distribution directe d’argent aux ménages. Pareil pour les taux d’intérêt négatifs : les banques centrales pourraient imposer plus facilement des taux négatifs aux épargnants si la monnaie liquide disparaissait, ce qui permettrait de rendre l’impact de leur politique beaucoup plus direct – alors qu’actuellement, les banques commerciales gardent leurs taux d’intérêt autour de zéro, limitant ainsi l’impact des banques centrales.
La Chine a interdit l’activité du minage des bitcoins et les plates-formes d’échange de cryptomonnaies. Au moment de cette décision, elle était responsable de 75 % du minage des bitcoins ! La raison officielle était son impact environnemental. En vérité, selon moi, il s’agissait de lutter contre l’utilisation des bitcoins dans le contournement du contrôle des capitaux. L’expérience chinoise est intéressante parce qu’elle montre que l’activité de minage est très flexible : l’interdiction des énergies fossiles dans le minage ne bouleversera pas le fonctionnement du bitcoin.
Cet article fait partie d’un dossier réalisé dans le cadre de l’événement « Vingt ans après l’euro, quel avenir pour les monnaies ? » organisé le 10 février 2022 par Le Monde en partenariat avec la Monnaie de Paris.
Eric Albert
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