Vestige colonial pour les uns, instrument de stabilité pour les autres, le franc CFA reste la monnaie de 15 pays d’Afrique, avec un soutien de la France. Mais 74 ans après sa création, ce système fait toujours l’objet de multiples critiques et cherche à évoluer.
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Le Franc CFA, une monnaie toujours sujette à débats
Adopté par 15 états africains, le franc CFA est arrimé à la monnaie européenne par une parité fixe (655 francs pour un euro).
Philippe Lissac / GODONG/picture-alliance / Godong
Ce jeudi 28 mars, les 15 ministres de l’économie de la zone franc CFA seront réunis à Niamey, au Niger, en présence du français Bruno Le Maire. L’événement est rituel : tous les six mois, se tient une réunion semblable, au printemps dans une capitale africaine, puis en octobre à Paris. Cependant, cette année, la rencontre sera un peu plus observée.
En janvier, en effet, le vice-président du Conseil italien Luigi Di Maio, membre du Mouvement cinq étoiles (M5S), a vivement attaqué le franc CFA, accusé d’être une monnaie qui « appauvrit l’Afrique » et pousse donc les migrants au départ, tout en permettant à la France de « financer une partie de sa dette ». Cette sortie a déclenché une mini-crise. La France a aussitôt convoqué l’ambassadeur italien.
Depuis, la fièvre est retombée. Mais ces propos ont réveillé les opposants au franc CFA qui sont nombreux en Afrique. Des manifestations contre cette monnaie s’y déroulent régulièrement. On lui reproche son caractère « néocolonial » et « infantilisant ».
À Bercy, on tente de dissiper les nombreux mythes sur cette monnaie. Et on estime que le système conserve de nombreux avantages. Adopté par 15 états africains, le franc CFA est arrimé à la monnaie européenne par une parité fixe (655 francs pour un euro). La France est son garant. Paris s’engage à assurer la convertibilité de façon illimitée. Les pays de la zone franc mettent en commun leurs réserves de change et en déposent 50 % sur un compte d’opération, logé à Paris. Et c’est ce compte qui paye les importations.
« Le grand avantage pour un investisseur étranger est donc d’être à l’abri du risque de change. Il sait qu’il pourra récupérer ses dividendes », assure un des artisans du système, basé à Bercy. Pour ses promoteurs, le franc CFA est source de stabilité, limite l’inflation et facilite les échanges régionaux. Et la politique monétaire « reste dans les mains des Africains », fait-on valoir à Paris, puisque les taux d’intérêt restent largement fixés par les banques centrales, à Dakar pour l’Afrique de l’ouest et Yaoundé pour l’Afrique centrale.
De plus, les réserves de change déposées en France sont rémunérées à un taux supérieur à celui pratiqué par la Banque centrale européenne. Le système ne rapporte donc pas à la France, contrairement aux multiples rumeurs qui courent en Afrique. Il lui coûte, en purs termes financiers, même si Paris reste attaché au franc CFA pour préserver son lien privilégié avec les pays membres.
Et à ceux qui estiment que le franc CFA freine le développement, Paris répond que les pays ayant quitté la zone franc, comme la Mauritanie ou Madagascar, n’ont pas connu ensuite un boom économique…
À Bercy, on se dit ouvert à une évolution du système. Or les chefs d’État africains en parlent régulièrement. Les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont ainsi un projet de monnaie commune, qui viendrait donc remplacer le franc CFA en Afrique de l’ouest. Une feuille de route prévoit son lancement en 2020.
« Monnaie forte, qui permet d’importer facilement des voitures et des smartphones, le franc CFA profite surtout aux élites urbaines, qui peuvent vivre au-dessus de leur moyen aux dépens des plus pauvres, les habitants des campagnes qui sont pourtant les vrais producteurs de richesse, souligne Kako Nubupko, ancien ministre de la prospective du Togo, l’un de ses adversaires résolus. De plus, c’est une assurance tout risque que Paris offre aux dirigeants africains. Le taux de change fixe les met à l’abri d’une chute de la monnaie, qui serait un indicateur de leur mauvaise gouvernance. »
Loin des projets de nouvelle monnaie, certains envisagent plutôt une évolution du franc CFA pour effacer son principal défaut : son origine coloniale. Cela passerait par un changement de nom, par le transfert du compte d’opération auprès de la Banque centrale européenne, voire par l’instauration d’un taux de change flottant. Mais pour cela, il faudrait que les 15 chefs d’État de la zone se mettent d’accord. Or il y a aujourd’hui d’autres urgences.
Actuellement, l’écart se creuse entre une Afrique de l’ouest en phase de croissance et une Afrique centrale plus en difficultés. Plusieurs pays, dont le Cameroun, la Centrafrique, le Gabon et le Tchad ont dû demander le soutien du FMI. Pour eux, l’urgence est là, ce qui renvoie à plus tard les projets de réforme de la zone franc.
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Créé en 1945, le franc CFA a une parité fixe par rapport à l’euro (1 € = 655 CFA). Cette monnaie n’a connu qu’une dévaluation, en 1994, quand sa valeur a été brutalement divisée par deux, ce qui reste un traumatisme pour les habitants des pays concernés. À sa création en 1945, elle valait 1,7 franc français.
La zone franc regroupe en fait trois devises : le franc d’Afrique de l’ouest (8 pays), celui d’Afrique centrale (6 pays) et celui des Comores.
Plusieurs pays ont quitté ou rejoint la zone franc depuis sa création. Le Mali, sorti en 1962 et a finalement décidé de revenir en 1984.
La politique monétaire de chaque devise est pilotée par une banque centrale : la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Dakar, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) à Yaoundé, la Banque centrale des Comores (BCC) à Moroni.
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