Par Tidiani Sidibe
Tidiani Sidibe est cadre de Banque du Mali.
Des billets de différentes monnaies en Afrique. © jbdodane/Flickr
Le débat sur la pertinence des accords de coopération monétaire avec la France a été remis en selle par l’ancien Premier ministre malien, Moussa Mara, le 23 juillet lors d’une émission radio ; et par le président tchadien, Idriss Déby Itno, lors du 55e anniversaire de son pays, le 11 août. Ce dernier a jeté un gros pavé dans la mare de la zone franc en arguant que cette monnaie ne nous permettait pas de se développer. De nombreuses critiques considèrent en effet que le franc CFA, arrimé à un euro fort, freine la compétitivité de nos exportations de matières premières, cotées en dollars ou livres sterling sur les principales places financières de New York ou Londres.
Cependant, le rapport BCEAO 2012 relatif à la compétitivité des économies de l’UEMOA montre une amélioration de la compétitivité globale des économies des pays membres à cause d’une baisse de 3% du taux de change effectif réel dont l’évolution est très souvent utilisée pour apprécier la compétitivité d’une économie : « L’Union continue de conserver l’essentiel des acquis du changement de parité intervenu en janvier 1994. Le taux de change effectif réel en 2012 ne s’est pas écarté significativement de son niveau d’équilibre, traduisant un bon niveau de la parité du franc CFA par rapport aux monnaies des pays partenaires. Cette situation traduit l’absence de sous-évaluation ou de surévaluation du franc CFA, » détaille le rapport.
Les réserves de change de la BCEAO en nombre de mois d’importations de biens et services était de 4,9 à fin 2014. Est-ce un matelas suffisant pour mettre un terme à notre coopération monétaire ? Les réserves globales (BCEAO et BEAC) avoisinent les 11 milliards d’euros à la même période. Ce montant correspond au résultat net d’une grande société française (Total ou BNP Paribas) !
Les lourdes pertes de placement (25 millions d’euros en 2008 pendant la crise financière) et les détournements de fonds au Bureau extérieur de Paris de la BEAC (30 millions d’euros entre 2004 et 2008) jettent le doute sur l’hypothèse d’une indépendance monétaire et pose un véritable problème de maturité monétaire. Celle-ci s’acquière progressivement par la force du travail et du progrès en liaison avec le respect des principes de bonne gouvernance.
Le cas malien
Le Mali dispose d’une douloureuse expérience monétaire de 22 ans (1962-1984). Sa sortie et son retour dans le giron de l’UEMOA était la conséquence de l’échec d’une politique monétaire expansionniste ayant aboutie à la dévaluation en 1967 du franc malien suivie d’un coup d’État une année après. A ce titre, l’économiste français Jacques Rueff disait : « Croyez-moi, aujourd’hui comme hier, le sort de l’homme se joue sur la monnaie. » En substance, cette assertion nous illustre l’extrême sensibilité des questions monétaires. Bien que la monnaie puisse être considérée comme un instrument de développement, le ciblage d’inflation reste, par expérience, la stratégie de politique monétaire dominante.
Le Mali a plutôt besoin de paix, de sécurité, de stabilité politique et sociale. Une monnaie doit d’abord s’asseoir sur ces bases et ensuite sur une économie pouvant garantir la valeur de cette monnaie. Le Mali est, aussi engagé avec la Cedeao dans un projet de monnaie commune « ECU », et une sortie de la zone franc ne ferait que l’isoler davantage et ouvrirait la voie de l’inconnu.
Nous devons plutôt mettre en place une économie de transformation de nos matières premières en améliorant le climat des affaires pour créer davantage de valeur ajoutée et lutter, par conséquent, contre le chômage massif de nos jeunes désemparés.
Quant aux critiques qui prétendent que l’abandon de la parité répondrait à une quête de souveraineté, que dire de l’accord de coopération militaire signé le 16 juillet 2014 entre le Mali et la France sous le gouvernement Moussa Mara ? Ou d’autres coopérations militaires, comme entre la France et le Tchad, par exemple.
Au final, la coopération monétaire est basée, bon an mal an, sur des bénéfices mutuels. Ce n’est pas un jeu à somme nulle : la France gagne, on perd ou vice versa mais dans un partenariat. La question de la renégociation viendra, naturellement, plus tard.
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