Challenges Société
Par AFP le 27.02.2017 à 10h59 Lecture 4 min.
Réponse aux migrants, aux trafiquants ou parfois à des groupes ennemis, les murs aux frontières reflètent le plus souvent "une vulnérabilité de la société" qui les érige, estime Elisabeth Vallet, directrice de l'observatoire de géopolitique à l'Université du Québec à Montréal (UQAM).
Pratiquement inexistants à la fin de la Seconde guerre mondiale en 1945, le nombre de murs est passé à 11 jusqu'à la chute du mur de Berlin en 1989, "pour arriver aujourd'hui au nombre de 70" avec "un premier coup d'accélérateur après les attaques du 11 septembre" aux États-Unis, puis un "deuxième coup d'accélérateur avec le Printemps arabe" dès 2011.
Un tiers d'entre eux ont été "construits pour mettre un terme à un conflit (Chypre, les deux Corée, Inde et Pakistan), explique Elisabeth Vallet dans un entretien à l'AFP.
Plus récemment, "trois types de murs différents sont apparus, dont la majorité (sont) des murs anti-migrations, des murs anti-trafics et des murs anti-terroristes".
La construction d'un mur ou d'une clôture donne au pouvoir politique "une réponse clé en mains" face "à une perception de vulnérabilité comme aux États-Unis, en Bulgarie, en Grèce ou en Hongrie", où "la pression migratoire est en train, soit de changer la nature de l'identité d'une société, soit d'exercer une pression économique" en donnant la perception d'un risque sur l'emploi, selon Mme Vallet.
– Le mur n'empêche jamais de passer –
Dans une "démarche électoraliste", l'argument d'un mur apporte des réponses "à des questions identitaires" et permet à un démagogue, avec "un discours caricatural et populiste" de renforcer le "caractère étranger" du voisin.
"Les murs représentent une fracture importante entre les riches et les pauvres, une fracture Nord-Sud" même si parfois des pays du Sud veulent s'isoler de leurs voisins comme par exemple l'Arabie saoudite, poursuit Elisabeth Vallet en notant que "la religion est rarement un facteur" à l'origine d'une construction frontalière.
Mais finalement, ajoute-t-elle en s'appuyant sur les données de la police américaine des frontières, "le mur sert à dissuader et à ralentir, mais n'empêche jamais de passer".
Car "le niveau de désespérance" des migrants est tel qu'une barrière ne les décourage pas de "prendre leur nouveau-né sous le bras et de monter à bord d'un bateau en pleine Méditerranée en sachant que le risque qu'ils meurent est élevé".
"Il ne faut pas sous-estimer la perception d'insécurité qui va pousser une femme (…) à prendre le risque de migrer en sachant, non pas qu'elle peut être agressée, mais qu'elle va l'être", ajoute Mme Vallet.
– Investir dans la paix –
Les gouvernements seraient mieux inspirés de travailler à régler les facteurs à l'origine des flux migratoires plutôt que de dépenser plus d'argent dans la construction de murs qui, dit-elle, "contribuent à accentuer un phénomène inéluctable qui est celui des grandes migrations".
"Il faut investir de l'argent dans des missions de paix, dans la sécurisation des zones. Des corridors humanitaires en Syrie auraient peut-être évité à la Hongrie de construire ces murs", estime cette universitaire.
Si l'argent que ces murs coûtent "était investi dans des missions de paix (…), ou par exemple pour gérer les changements climatiques qui génèrent de l'insécurité alimentaire et des migrations", alors "le cours de l'histoire" pourrait être modifié.
Il en a ainsi coûté entre un et huit millions de dollars américains pour chaque kilomètre de clôture érigée entre le Mexique et les États-Unis, rappelle la professeur de l'UQAM.
Mais là où le président Donald Trump veut compléter le mur avec le Mexique sur 2.000 km, dans "des zones plus désertiques où les terres appartiennent à des privés qu'il va falloir exproprier, le coût peut monter à 21 millions par km".
Si l'investissement dans des murs vise à terme à freiner les flux de migrants, la volonté affichée peut aussi "pousser des personnes qui n'avaient pas pris la décision de migrer" à le faire tant que la construction n'est pas achevée, conclut-elle.

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