L’éducation est-elle une science exacte ? Pourra-t-on demain diagnostiquer la dose d’exercices à donner à un enfant pour progresser en maths et en français, comme un médecin délivre une ordonnance ? C’est le débat qui agite la planète scolaire, tourneboulée par l’installation, ce mercredi, par le ministre de l’Education, d’un nouveau conseil scientifique, chargé d’évaluer, à l’aune des recherches, la meilleure manière d’enseigner.
Ce « comité des sages » surprend par sa composition : il est dominé par les neuroscientifiques (6 sur 21 membres). A sa tête, le pape français de la discipline, Stanislas Dehaene, 52 ans, titulaire de la chaire de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France. Il est la figure de proue d’un mouvement de fond. Dans les classes, de plus en plus de profs, formés sur le tas, s’intéressent au fonctionnement du cerveau, en quête de clés pour mieux faire apprendre.
LIRE AUSSI
> Relaxation, quiz, défis… Des lycéens utilisent les neurosciences pour apprendre
Démarche passionnante, mais controversée, tant certains craignent que cet engouement ne serve d’alibi pour balayer d’autres recherches, celles des sociologues, dont les résultats déprimants sur les inégalités scolaires et sociales seraient opportunément mis sous le tapis. La première mission confiée au nouveau conseil scientifique concernera les méthodes de lecture. Explosif…
Jean-Luc Berthier, professeur et proviseur émérite
« Il semble impensable qu’un médecin soigne sans connaître le corps humain. Aujourd’hui, pourtant, les professeurs enseignent sans connaître le cerveau… C’est ce qu’il faut changer : l’école doit tenir compte des avancées de la science », martèle Jean-Luc Berthier. Cet ancien professeur et proviseur multiplie les interventions dans les établissements pour porter, avec une vingtaine d’autres formateurs, la bonne parole de la neuro-éducation. Il mène actuellement une expérimentation auprès de 200 classes, soit 5 000 élèves.
Certes, convient-il, « ce ne sont pas les sciences cognitives qui feront la révolution pédagogique, car cette science avance à pas lents, et tout un travail de mise en application de ses résultats reste à faire. Néanmoins, on sait désormais que la capacité à faire attention se construit et s’apprend, jusqu’à l’âge de 15 à 18 ans environ. Ensuite, c’est trop tard. Il faut en tenir compte. L’école a un rôle majeur à jouer pour apprendre aux enfants à se concentrer, à mémoriser. Pour cela, il faut changer la façon de faire classe : évaluer autrement, en finir avec les cours magistraux, planifier la mémoire. Celle-ci a besoin d’être réactivée. Les enfants qui vivent dans des milieux favorisés bénéficient de cette réactivation à la maison. Mais ceux qui grandissent dans des univers plus éloignés de la culture scolaire ont grand besoin de ces répétitions. »
Roland Goigoux, spécialiste de l’apprentissage de la lecture
« On est devant un phénomène de séduction », met en garde Roland Goigoux, professeur à l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), et spécialiste de l’apprentissage de la lecture. Selon lui, les neurosciences sont « un continent à explorer. C’est enthousiasmant, passionnant, mais je m’interroge. Par exemple, on sait désormais pourquoi les enfants confondent le d et le b quand ils apprennent à lire : la science a montré que les aires visuelles du cerveau fonctionnent en miroir. Mais est-ce que cela change quelque chose dans la manière de traiter cette difficulté en classe ? Non. »
Comme les autres signataires d’un appel lancé début décembre par le syndicat d’enseignants Snuipp, Roland Goigoux craint que l’intérêt démontré du ministre de l’Education pour les neurosciences ne laisse de côté d’autres pans utiles de la recherche, notamment la sociologie et les sciences de l’éducation. « Ne mettons pas tous nos oeufs dans le même panier ! La psychologie cognitive permet un discours très optimiste, qui donne l’illusion qu’on pourrait résoudre par des solutions techniques des problèmes qui sont aussi sociaux. Le problème au fond n’est pas la science elle-même mais ce qu’on lui fait dire. Certaines productions pédagogiques, soi-disant basées sur les neurosciences, sont à la limite du charlatanisme. »
Guide Shopping Le Parisien
Jeux Gratuits
Mots fléchés
Mots coupés
Mots croisés
Mots mêlés
Kakuro
Sudoku
Codes promo
Services
Profitez des avantages de l’offre numérique
© Le Parisien

source

Catégorisé:

Étiqueté dans :