L’euro a brièvement touché la parité exacte avec le dollar mardi, un niveau plus vu depuis l’année de sa mise en circulation, la devise unique souffrant des risques d’une coupure des approvisionnements russes en gaz pour l’Union européenne.
Mais les investisseurs semblaient hésiter à franchir nettement ce cap symbolique et l’euro se stabilisait face au billet vert à 1,005 0 dollar vers 14H30 GMT, en hausse de 0,10%.
Un répit qui ne devrait pas durer: plusieurs analystes s’attendent à ce que l’euro passe sous le cap de un dollar, ce qui n’a plus été vu depuis décembre 2002, quand les interrogations sur la toute nouvelle monnaie unique pesaient sur son cours.
Le marché s’inquiète d’une crise énergétique majeure sur le Vieux continent, doutant du rétablissement par la Russie des flux de gaz après une interruption pour maintenance sur le gazoduc Nord Stream 1. Cette situation accentue les craintes de récession en Europe.
L’énergie en provenance de Russie «est au cœur de la tourmente en Europe» et l’annonce par le Canada samedi qu’il restituerait à l’Allemagne des turbines destinées au gazoduc Nord Stream pour atténuer la crise énergétique avec la Russie «est sans impact positif», commente Jeffrey Halley, analyste chez Oanda.
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Lundi, le géant russe de l’énergie Gazprom a entamé dix jours de maintenance sur le gazoduc Nord Stream 1. L’Allemagne et d’autres pays européens attendent de voir si la livraison de gaz sera rétablie.
«La question clé est de savoir si le gaz reviendra après le 21 juillet. Les marchés semblent avoir déjà pris leur décision», note M. Halley.
Pour Mark Haefele, analyste chez UBS, un arrêt des livraisons russes de gaz en Europe «causerait une récession dans toute la zone euro avec trois trimestres consécutifs de contraction de l’économie».
La Banque centrale européenne (BCE) aura donc du mal à resserrer sa politique monétaire pour lutter contre l’inflation galopante sans aggraver la situation économique.
La Réserve fédérale américaine (Fed) a plus de marge de manœuvre pour poursuivre ses hausses des taux, les chiffres de l’emploi publiés vendredi ayant montré que l’économie des États-Unis résiste pour l’instant mieux.
Valeurs refuges recherchées
Mercredi, les données sur l’inflation en France, en Allemagne et aux États-Unis pourraient nourrir les inquiétudes des investisseurs sur une divergence des économies des deux côtés de l’Atlantique.
«Si l’inflation américaine est plus forte que le marché ne le prévoit, cela pourrait profiter au dollar», les investisseurs pariant que la Fed va devoir agir encore plus vite pour remonter ses taux, estime Fawad Razaqzada, analyste chez Forex.com.
«Les investisseurs peinent à franchir le cap symbolique de la parité» et à faire tomber l’euro sous ce niveau, estime Walid Koudmani, analyste chez XTB.
«Ce rythme lent prouve qu’il s’agit d’un mouvement dans la durée de vente de l’euro et d’achat du dollar, et pas une manipulation du marché», ajoute M. Razaqzada.
L’euro est aussi en difficulté face au franc suisse, également une valeur refuge: il a reculé à 0,983 6 franc suisse, un plus bas depuis 2015.
Le dollar brille également face aux autres monnaies considérées comme vulnérables au risque: la livre sterling a plongé jusqu’à 1,180 7 dollar, un niveau plus atteint depuis mars 2020, quand le début de la pandémie de la COVID-19 en Europe, en pleines négociations sur le Brexit, avait fait reculer la devise britannique à son plus bas niveau depuis 1985.
Voici les grandes dates du cours de l’euro, qui a touché mardi la parité avec le dollar américain pour la première fois en près de 20 ans, emporté par les tensions sur l’énergie en Europe et la force du billet vert.
L’euro, monnaie officielle de 19 pays de l’Union européenne et de 340 millions d’Européens, retrouve ses niveaux de fin 2002, l’année de sa mise en circulation.
Le 31 décembre 1998, à la veille du lancement de l’euro, prévu par le traité de Maastricht, les taux de conversion définitifs sont dévoilés en grande pompe à Bruxelles: il faudra 1,955 83 deutschemarks allemand, 6,559 57 francs français ou encore 1 936,27 lires italiennes pour un euro.
Le taux indicatif face au billet vert est de 1,166 8 dollar, mais après la première journée d’échanges le 4 janvier, il monte à 1,183 7 dollar.
La vigueur de la monnaie unique ne dure pas: alors que l’économie des États-Unis est en plein boom, l’euro glisse sous le seuil de 1 dollar en janvier 2000, et sombre à un plus bas historique à 0,823 0 dollar fin octobre.
L’euro commence enfin à être utilisé par les habitants de onze pays au 1er janvier. Les perspectives économiques de la zone euro et des États-Unis convergent, et l’euro évolue autour de la parité, avant de franchir le cap de un dollar pour de bon à la fin de l’année, et ne plus repasser sous ce niveau avant 2022.
La crise des subprimes coupe l’appétit des investisseurs pour le billet vert, qui voit son prix dégringoler en 2007. Alors que la banque centrale américaine (Fed) inonde le marché de liquidités pour renflouer Wall Street, l’euro atteint un plus haut historique en juillet 2008, à 1,603 8 dollar.
Dès novembre 2008, la zone euro rentre toutefois dans une période de récession et, en 2010, la crise de la dette européenne débute.
En mai, la zone euro et le FMI volent au secours de la Grèce avec 110 milliards d’euros d’aide. En juin, la monnaie unique flanche à 1,187 7 dollar.
En juillet 2012, le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi affirme que l’institution est «prête à faire tout ce qui sera nécessaire pour préserver l’euro», permettant à la devise de remonter.
Mais si le programme de Mario Draghi rassure les investisseurs sur l’avenir de la devise, la zone euro peine à renouer avec une croissance robuste et la BCE maintient une politique ultra-souple.
Alors que l’économie européenne peine à se relancer et que l’inflation reste basse, la BCE accueille sans broncher la chute de l’euro, qui favorise les entreprises exportatrices. En 2014, l’euro glisse sous 1,2 dollar.
En 2015, un nouveau cycle de mesures d’assouplissement monétaire fait flancher l’euro à 1,05 dollar en mars.
En 2016, plusieurs événements politiques inquiètent les marchés: le vote en juin du Brexit, signe de la montée d’un sentiment anti-UE en Europe, puis l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche, qui pousse les cambistes vers le dollar, valeur refuge. L’euro est alors proche de la parité face au billet vert, à 1,034 1 dollar en janvier 2017.
Cette année-là, l’élection d’Emmanuel Macron à la présidentielle française rassure dans une certaine mesure les marchés sur l’avenir de la zone euro. En février 2018, la devise unique remonte à 1,255 5 dollar.
Dans un premier temps, la pandémie de COVID-19 pousse la Fed et le gouvernement américain à soutenir l’économie des États-Unis coûte que coûte, et fait baisser le dollar.
Mais la Fed commence en 2021 à signaler qu’elle compte resserrer sa politique monétaire. Elle débute la remontée de ses taux en 2022, alors qu’en Europe, la guerre qui fait rage en Ukraine empêche la BCE d’agir aussi vite pour contrer l’inflation.
Le couple euro-dollar flirte de nouveau avec la parité début juillet, alors que le manque d’approvisionnement en gaz de l’Europe inquiète et mardi, l’euro atteint le seuil de un dollar, un retour de près de 20 ans en arrière, au temps où les Européens découvraient pour la première fois les pièces et les billets de leur monnaie commune.
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