L’homme d’affaires Arkady Rotenberg, décoré par Vladimir Poutine, à Sébastopol, le 18 mars 2020. (Alexander Nemenov/AFP)
A chaque crise diplomatique son lot de sanctions économiques. Pour répondre à l’offensive de Moscou qui a reconnu lundi soir l’indépendance des régions séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine, Londres a décidé de frapper les proches du Kremlin au porte-monnaie. A l’issue d’une réunion de crise à Downing Street ce mardi, Boris Johnson a annoncé que les mesures de rétorsion britanniques viseraient les «intérêts économiques russes qui soutiennent la machine de guerre russe».
Cette première salve de mesures de rétorsion s’applique à trois milliardaires proches de Vladimir Poutine. Leurs actifs au Royaume-Uni seront gelés et ils ne pourront plus se rendre sur le territoire britannique.
Parmi les sanctionnés, on retrouve Guennadi Timtchenko, fondateur de l’immense société de trading pétrolier Gunvor et propriétaire de plusieurs groupes dans l’énergie et les transports. Sa fortune personnelle est estimée à près de 24 milliards de dollars, selon le magazine Forbes. Ce qui en fait à l’heure actuelle le 78e homme le plus riche au monde.
Même si leurs liens sont peu évoqués publiquement, Timtchenko serait très proche de Poutine, l’un des rares à avoir l’oreille du chef du Kremlin. Considéré comme l’un des oligarques les plus influents de Russie, il avait déjà été sanctionné en 2014 par le département du trésor américain à la suite de l’invasion de la Crimée. Si, à l’époque, il avait été contraint de céder ses parts dans plusieurs de ses sociétés, Guennadi Timtchenko ne semble pas avoir particulièrement pâti de la situation, ses affaires continuant de très bien se porter en Russie. Il est par ailleurs toujours coprésident du Conseil économique de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe (CCIFR), faisant le lien entre des entreprises du CAC 40 et le Kremlin.
Les autres hommes d’affaires russes sanctionnés sont les Rotenberg, oligarques très proches du chef du Kremlin depuis leur enfance. Arkadi Rotenberg, son frère Boris Rotenberg et Vladimir Poutine s’entraînaient ensemble au judo petit. Cette amitié de longue date a valu aux frangins et à leurs héritiers de juteux contrats avec le gouvernement, notamment pour l’exploitation du gaz russe et dans le cadre des chantiers des Jeux olympiques de Sotchi.
Les hommes sont si liés qu’Arkadi Rotenberg n’a pas hésité par le passé à couvrir le locataire du Kremlin dans certaines affaires embarrassantes, se sachant redevable de sa fortune. Il a notamment assuré être le propriétaire de l’ultra-luxueux palais au bord de la mer Noire, révélé par Alexeï Navalny, qui appartiendrait en vérité à Vladimir Poutine. Un symbole de la corruption qui gangrène la Russie, selon l’opposition.
En parallèle, cinq banques russes vont aussi être touchées par ces sanctions. Jamais avare d’une bravade, Boris Johnson s’est montré confiant sur l’impact des sanctions décidées : «N’ayez pas de doutes sur le fait que si des entreprises russes sont empêchées de lever du capital sur les marchés financiers britanniques, cela va commencer à faire mal.»
Ces déclarations interviennent alors que les autorités britanniques se sont vues reprocher leur inaction face aux flux d’argent russe, soupçonné de parfois provenir de la corruption, d’activités criminelles et d’être utilisé à des fins d’influence. Des oligarques russes disposent en effet d’importants avoirs et propriétés dans les quartiers huppés de la capitale britannique, parfois surnommée «Londongrad».
L’ONG Transparency International estime à 1,5 milliard de livres (1,8 milliard d’euros) la valeur des biens immobiliers détenus au Royaume-Uni par des Russes accusés de corruption ou liés au Kremlin, dont les deux tiers dans des paradis fiscaux dépendant de la Couronne britannique, comme les Iles Vierges Britanniques et l’Ile de Man.
Beaucoup craignent de fait que ces sanctions soient moins efficaces qu’annoncées, les entités visées ayant pu mettre leur argent à l’abri grâce au laisser-aller britannique dans des paradis fiscaux ou des propriétés britanniques via des intermédiaires. Sous pression, le gouvernement avait déjà annoncé la semaine dernière l’arrêt immédiat de la délivrance des «visas en or» réservés aux riches investisseurs, utilisés en premier lieu selon la presse britannique par des hommes d’affaires russes et chinois.
© Libé 2022
© Libé 2022

source

Catégorisé:

Étiqueté dans :

,