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Pour son sixième voyage en Amérique latine, qui le conduira au Chili et au Pérou, le chef de l’église catholique et ancien archevêque de Buenos Aires évite encore une fois son pays natal. Parce que François pèse sur la politique locale et divise l’opinion.
De notre correspondant à Buenos Aires,
Le pape François arrive ce lundi 15 janvier au Chili, dans le cadre d’une tournée sud-américaine qui le conduira ensuite au Pérou. C’est la vingt-quatrième sortie internationale de l’ancien archevêque de Buenos Aires depuis son élection surprise en mars 2013, et son sixième voyage en Amérique latine en tant que chef de l’église catholique. À peine élu, en juillet 2013, il s’était rendu au Brésil. Deux ans plus tard, en juillet 2015, il a visité l’Équateur, la Bolivie et le Paraguay 2015. En septembre de la même année, il est allé à Cuba, dans un voyage qui a également inclus les États-Unis, puisqu’il s’agissait d’appuyer le dégel entre les deux pays auquel il avait pris part. En février 2016, on le retrouve au Mexique, et en septembre 2017 en Colombie, pour confirmer son soutien aux accords de paix entre le gouvernement et la guérilla auxquels il avait également participé.
François aura parcouru la majorité des pays hispanophones d’Amérique du Sud
À son retour du Pérou, le 22 janvier, François aura donc visité, en moins de quatre ans de pontificat, les deux plus importants pays latino-américains, Brésil et Mexique, par ailleurs majoritairement catholiques. Et il aura aussi parcouru la majorité des pays hispanophones d’Amérique du Sud, à l’exception du Venezuela, de l’Uruguay et de… l’Argentine, son pays natal. On comprend qu’il ne se soit pas rendu au Venezuela : dans les circonstances actuelles, sa venue y aggraverait sans doute les tensions entre les autorités et l’opposition.
Mais qu’en est-il de l’Argentine, troisième grand pays de l’Amérique latine, également catholique en majorité, que Jorge Bergoglio, alors au point de prendre sa retraite en tant qu’archevêque, avait quitté en mars 2013 en disant « Je reviens dans un mois, j’ai hâte de vous retrouver ! » ? Depuis, François envoie tous les ans un message aux Argentins en disant qu’il regrette de n’avoir pu encore leur rendre visite et qu’il espère pouvoir le faire l’année suivante. Mais les années passent sans que « le père Jorge », comme on le connaissait ici, ne trouve le temps de revenir à la maison, ce qui en déçoit beaucoup et irrite même certains. Manifestement, entre le pape et son pays, il y a un problème, dont pâtit sans doute l’Uruguay, voisin le plus proche : en effet, on imagine mal que François soit reçu à Montevideo en évitant Buenos Aires, sur l’autre rive du Río de la Plata, à 30 minutes à vol d’oiseau.
Un pape qui divise les Argentins
Le problème en question pourrait se résumer ainsi : alors que François faisait l’unanimité en Argentine lors de son élection, aujourd’hui, il divise les Argentins. Nombre de ses compatriotes le critiquent, surtout dans l’électorat du gouvernement actuel. Et parmi ceux qui disent le soutenir ou se réclament de lui, beaucoup le font par calcul politique. Les uns et les autres le présentent comme un sympathisant du péronisme, aujourd’hui dans l’opposition, donc comme un adversaire du président de centre droit Mauricio Macri, élu en novembre 2015.
Qu’en est-il en réalité ? Il est vrai que François pèse sur la vie politique argentine, qu’il suit de près, et beaucoup plus qu’il ne le faisait du temps où il était archevêque de Buenos Aires. Par des messages qu’il adresse à ses compatriotes ou par des déclarations de son successeur à l’archevêché ou encore en recevant au Vatican syndicalistes, dirigeants sociaux, hommes et femmes politiques de son pays. Distant, sinon froid lors de ses rencontres officielles avec Macri, on l’a vu détendu et souriant avec des opposants de tout bord, notamment péronistes. Dont certains, à leur retour de Rome, s’empressent de dire que le pape les soutient dans leurs critiques à l’égard de la politique du gouvernement.
Un message qui porte plus
Pour beaucoup, l’affaire est entendue : François a renoué avec le péronisme dont ce jésuite était proche dans sa jeunesse. De fait, sa doctrine sociale, aujourd’hui déployée mondialement, s’inspire du péronisme, en ce sens où elle rejette la lutte des classes tout en mettant les pauvres et les exclus au centre de l’action. Archevêque, il donnait la priorité au travail des prêtres dans les quartiers défavorisés, où on le voyait d’ailleurs souvent. Mais ceux qui parlent aujourd’hui d’un « pape péroniste » oublient que, parallèlement, il avait des relations très tendues avec la présidente Cristina Kirchner, qui pouvait se sentir visée par certaines de ses homélies. Le message de Bergoglio n’a pas vraiment changé. La différence c’est qu’aujourd’hui il porte plus et que certains, dont Kirchner, mais aussi des dirigeants sociaux qui ont pourtant de bons rapports avec le gouvernement, l’utilisent politiquement.
Sans doute François a été imprudent en ne prenant pas plus de distance avec la vie politique de son pays. Il ne l’a pas voulu, et le résultat est que, dans ces conditions, un voyage en Argentine serait celui de tous les dangers : moins de fidèles qu’ailleurs pour l’accueillir, des foules politisées pour l’acclamer, des critiques d’une partie de la société. Reste qu’il a promis de venir et que le gouvernement considère que ce serait un affront s’il ne le faisait pas avant la fin du mandat de Macri, en décembre 2019. Pour que cela soit possible, il faudra que le pape lève certaines ambiguïtés afin que sa visite échappe aux clivages politiques locaux. Ce n’est pas gagné d’avance.
Chili, Pérou… gros plan sur le 6e voyage de François en Amérique latine
François retrouve le continent latino-américain pour une semaine. Au Chili, il y aura deux étapes : Temuco à 700 km au sud de la capitale et Iquique le grand port du Nord qui sont deux points névralgiques. Temuco est la capitale du pays Mapuche, une région pauvre où la population indigène veut faire valoir ses droits à la terre au moyen d’actions parfois violentes. A Iquique, ville portuaire, où les Haïtiens notamment viennent chercher une vie meilleure, le pape devrait reprendre  les propos qu’il tient aux Européens sur l’accueil des migrants.
Au Chili, François arrive dans un pays où le catholicisme – comme ailleurs en Amérique latine – subit une nette érosion et où un scandale de pédophilie (l’affaire  Karadima)  a jeté un trouble durable chez les fidèles. Au Pérou, C’est l’étape de Puerto Maldonado, ville située au cœur de la forêt  amazonienne, dans une région dévastée par l’extraction sauvage de l’or qui sera le temps fort de son voyage. Un voyage qui prépare le grand synode sur l’Amazonie en octobre 2019 à Rome .
 
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