Durant la seule semaine dernière, le rouble a dégringolé de 10% face au dollar. (Photo Natalia Kolesnikova. AFP)
Ses avoirs en dollars frôlent les 450 milliards de dollars, soit près de 25% d’une année de production. Et pourtant, elle jette l’éponge. Elle, c’est la Banque centrale russe. Elle n’échangera plus ses réserves en billets verts contre sa propre monnaie, le rouble, histoire de ralentir la chute de cette devise. Hier, après une semaine de dégringolade de la valeur de sa monnaie face au dollar (-10%), la Banque centrale a annoncé qu’elle laissait le rouble évoluer librement sur le marché des changes, réservant désormais ses coûteuses interventions aux situations qui menacent la «stabilité financière». Une décision a priori surprenante, alors même que les Russes assistent jour après jour à l’effondrement de leur monnaie. Retour sur les raisons de cette crise des changes.
Pourquoi la valeur du rouble s’effondre-t-elle ?
Certes, la devise russe rebondissait légèrement lundi contre le dollar, à 45,29 roubles. Mais elle est loin des niveaux de 2013, lorsqu’il fallait débourser 35 roubles pour un dollar. En cause : le risque de guerre en Ukraine, qui alimente le climat de défiance des investisseurs étrangers à l’égard de la Russie. Et notamment les menaces de rétorsions contre Moscou, qui les obligent à réviser à la baisse leurs anticipations de business. Résultat, ils prennent la poudre d’escampette, les fuites de capitaux attendus en 2014 s’élevant à 128 milliards de dollars (103 milliards d’euros). De quoi pousser à la baisse le rouble et redonner des couleurs au dollar. Mais la crainte d’une dégradation géopolitique n’explique pas tout. En réalité, la chute du rouble est antérieure à la crise ukrainienne. Les analystes parlent de «causes multifactorielles». Et la première d’entre elles a un nom : hydrocarbures. «La Russie souffre de la malédiction des matière s premières plus que de tout autre chose», estime une analyste financière. En clair, le modèle de développement économique de la Russie repose essentiellement sur les recettes d’exportation du gaz et du pétrole. Or, ces recettes d’hydrocarbures, notamment par le biais des exportations, alimentent la moitié du budget de l’Etat central. «Si, en 2007, un baril à 30 dollars pouvait équilibrer le budget de l’Etat, celui-ci devrait être de 110 dollars aujourd’hui.» Sur la plupart des places financières, les investisseurs réalisent aujourd’hui qu’un baril à 85 dollars ne pourra que creuser le déficit budgétaire.
Que peuvent faire les autorités russes ?
Jusqu’ici, la Banque centrale russe a utilisé deux armes relativement conventionnelles. La première, une remontée à 9,5% du taux d’intérêt. «En théorie, l’arme des taux devrait freiner l’inflation. Mais elle risque de faire plus de mal que de bien, estime l’économiste Jacques Sapir. Cette hausse des taux va en fait pénaliser l’investissement des entreprises. Or, la Russie souffre justement d’un sous-investissement.» Les produits importés représentant plus du tiers du panier de la ménagère, la chute de la devise va rapidement se faire sentir dans les magasins. Reste, pour soutenir le rouble, l’arme des réserves de change. Mais les autorités monétaires ont eu beau vendre 80 milliards de dollars depuis le début de l’année, rien n’y a fait. La monnaie russe a poursuivi sa chute sans la moindre pause.
Quelles conséquences ?
Pour la Russie, tout dépend. Si la chute du rouble devait se poursuivre, le pays pourrait être confronté à une inflation galopante, en raison d’un renchérissement des importations. Le tout au moment même où l’économie est à deux doigts d’entrer en récession, selon les prévisions pour 2015. En revanche, la chute du rouble rend plus compétitifs les produits made in Russia exportés vers le reste du monde. Mais, là encore, tout dépendra de la politique monétaire de la Banque centrale. A trop remonter les taux d’intérêts pour juguler l’inflation, elle prend le risque de plomber l’investissement et donc la capacité de l’industrie russe à se diversifier pour sortir d’une économie trop dépendante des matières premières. Quant aux pays qui souffrent déjà de cette crise russe, ce sont ceux dont les exportations vers la Russie pèsent lourdement sur leur économie. Notamment les pays baltes, la Hongrie, le Kazakhstan, la Pologne, la Finlande… Et surtout l’Allemagne. Conscients du danger, les industriels outre-Rhin ont d’ailleurs déjà le moral au plus bas.
© Libé 2022
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