Le FMI et la Banque mondiale recommandent régulièrement une plus grande souplesse du régime de change.
Pourtant, au Maroc, le marché parallèle, indicateur de “mésalignement” du dirham, reste marginal.
Une dépréciation de la valeur de la monnaie induirait une perte de pouvoir d’achat.
Le sujet est récurrent. A chaque visite d’un responsable du FMI ou de la Banque mondiale, le Maroc se voit inviter à introduire de la flexibilité dans son système de change. Récemment encore, cette question a de nouveau été soulevée par des responsables de ces deux institutions, de passage au Maroc. Question : le Maroc est-il prêt à passer d’un système où la valeur du dirham est adossée à un panier constitué de monnaies (l’euro et le dollar) représentatives de l’essentiel des échanges commerciaux du pays, à un autre plus souple ? A priori, si les institutions de Bretton Woods y insistent tant, c’est que de leur point de vue le pays a les moyens d’y aller. Le FMI et la Banque mondiale connaissent parfaitement la situation économique du pays sur laquelle, du reste, ils publient régulièrement des rapports. La Banque centrale, principal concerné par le sujet, n’est pas très loquace lorsque la question de la parité du dirham est posée. Il est vrai cependant qu’il y a là un domaine éminemment technique, guère propice au discours, et généralement réservé aux seuls initiés.
De quoi s’agit-il en fin de compte ? Tout simplement de faire en sorte que la parité du dirham reflète, peu ou prou, la réalité des fondamentaux de l’économie nationale. Cela laisserait à penser que ce n’est pas le cas aujourd’hui, et d’ailleurs des opérateurs économiques, notamment ceux qui opèrent à l’international, ne manquent pas de le dire lorsque la problématique de la compétitivité à l’export vient à être posée. C’est aussi ce qu’a déclaré la semaine dernière un responsable de la Banque mondiale qui participait au forum public-privé sur l’ouverture économique du Maroc, organisé par le ministère des finances.
Pour dire les choses autrement, il faudrait, estiment les partisans d’une refonte de la parité du dirham, que la monnaie nationale soit dépréciée pour obtenir un avantage-prix à l’exportation. Ce serait en particulier…un remède contre le déficit commercial qui est devenu structurel et qui a généré à sa suite un déficit de la balance courante et donc des problèmes de financement de l’économie.
En théorie, cette présentation se tient. Mais en théorie seulement. Car chacun sait que les difficultés du secteur exportateur, en réalité, tiennent davantage à leur faible intensité technologique qu’à la seule variable prix. Si l’on met de côté un nombre restreint des «Métiers mondiaux du Maroc», le reste des exportations, ce sont des produits naturels et des produits à fort contenu en main-d’œuvre. Un flottement du dirham, qui se traduirait par une dépréciation, pourrait impacter les exportations, mais à la marge. Serait-ce suffisant pour compenser les «surcoûts» qu’un tel aménagement induirait sur les importations et le service de la dette extérieure ? Rien n’est moins sûr. Aujourd’hui, la demande intérieure, qui est la principale variable de la croissance économique, est satisfaite dans une très grande mesure par les importations. A fin 2013, le taux de pénétration des biens et services s’établissait à 41%. Sur la période 2008-2013, le taux de pénétration était de 41,4%, contre une moyenne de 35,4% entre 2002 et 2007, selon les indications du ministère des finances. Le déficit du compte courant de la balance des paiements, qui se poursuit depuis 2008, atteignant même 10% du PIB en 2012 avant de refluer à 7,5% en 2013, est le résultat précisément de l’accélération du rythme des importations.
La dette extérieure, elle, s’établit à fin 2013 à quelque 300 milliards de DH, en tenant compte de la dette garantie et de la dette privée non garantie (de toute façon, ce sont des engagements à honorer par des devises, qu’ils soient ou non garantis par l’Etat).
Le niveau des réserves de change permet-il de faire face à la fois aux besoins de l’économie en biens et services et aux échéances de la dette extérieure ? Au 2 mai 2014, les réserves internationales nettes, selon Bank Al Maghrib (BAM) s’établissaient à 163,2 milliards de DH, en hausse de 13,4% par rapport à la même date de 2013, couvrant 4 mois et une semaine d’importations de biens et services.
La dépréciation d’une monnaie ne garantit pas  la compétitivité
L’idée qu’il faudrait laisser flotter un peu (ou beaucoup) le dirham suppose que cette monnaie est surévaluée. Pourtant, le marché parallèle, qui est un des indicateurs permettant précisément de mesurer le «mésalignement» du dirham par rapport à son point d’équilibre, est insignifiant au Maroc. Si le dirham était à ce point déconnecté par rapport aux devises auxquelles il est rattaché, on verrait se développer un marché parallèle des changes extrêmement florissant, comme cela peut être observé ailleurs.
Voici ce qu’a écrit le FMI en février 2010 :  «Il ressort de l’analyse des services du FMI (…) que le taux de change [du dirham, NDLR] est généralement conforme à ses fondamentaux». Les choses ont-ils changé depuis ? Evidemment que oui. Notamment une plus grande détérioration des comptes extérieurs, avec un déficit courant de 10% du PIB en 2012. En théorie, lorsque le compte courant est déficitaire, comme c’est le cas depuis cinq ans, il y a une dépréciation de la monnaie. Ce qui implique de facto que le dirham, en restant à sa valeur actuelle (à l’intérieur d’une bande qui fluctue entre un minimum et un maximum) est artificiellement surévalué. Dans quelle proportion ? Et puis, la situation du solde du compte courant, suffit-elle à enclencher une refonte du système de change ? Dans quelle mesure une manipulation du taux de change permettrait-elle d’améliorer les flux de capitaux étrangers ? Autant de questions auxquelles il n’y a pas de réponses univoques. Ce qui est à peu près sûr, par contre, c’est qu’une dépréciation de la valeur du dirham, suite à l’introduction d’une dose plus ou moins forte de flexibilité dans le système ou, pire, à l’adoption d’un régime de flottement, se traduirait par une perte de pouvoir d’achat pour les ménages. Ce serait alors le début d’un cycle de revendications à n’en plus finir pour améliorer les salaires. Sous cette hypothèse, ce que gagneraient les entreprises en termes de compétitivité prix découlant du système de change pourrait être annulé par les augmentations salariales qu’elles seraient amenées à concéder.
Evidemment, dans des économies mûres, une monnaie pas trop forte permet d’améliorer les exportations et donc les revenus pour le pays. C’est ce que recherchent certains pays européens comme la France qui se plaint constamment de la parité actuelle de l’euro.
Sauf que ces pays ont développé une offre exportable en quantité et en qualité et apparemment seul l’élément prix les handicape ; quoique l’Allemagne, avec le même euro, arrive à dégager un excédent commercial très élevé.
A contrario, la Chine maintient volontairement sa monnaie, le yuan, à un niveau faible par rapport au dollar et à l’euro, ce qui lui permet de vendre à la planète entière. Mais est-ce que les performances de la Chine à  l’export résultent seulement de sa politique de change? Certainement pas.
De la même manière d’ailleurs que l’Allemagne, malgré un euro fort, reste toujours compétitive à l’export. Ces deux exemples extrêmes montrent bien que la parité de la monnaie n’est peut-être pas le seul élément explicatif de la réussite d’une économie.
En tout cas, la course à la dévaluation pour améliorer les exportations ne peut pas marcher éternellement. Car tout le monde y pense et chacun peut la pratiquer ; et alors toutes les monnaies seraient dévaluées, ce qui reviendrait à ce que, en bout de course, toutes seraient équilibrées…
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