C’est un airbag qui peut s’avérer utile pour certains fonds de placement ou ETF . C’est aussi l’un des domaines en pleine expansion. Attention toutefois aux solutions prohibitives
Les termes peuvent être techniques, abscons, formulés dans un anglais financier. C’est pourtant un service «identique à un airbag mais pour les fonds de placements et les fonds indiciels cotés appelés ETF», observe Markus Kramer, membre de l’équipe de couverture des risques de change chez Credit Suisse.
Un service utile? Supposons que vous avez des actions ou des obligations japonaises dont le cours monte. Malheureusement la monnaie dans laquelle ces titres sont cotés se déprécie par rapport au franc. Le rendement final est décevant. Vous gagnez par exemple 100 sur les actions. La monnaie locale vous fait perdre 50. Le gain final se limite à 50. Mais si vous avez acheté une protection qui vous coûte 3, à l’image des fonds ou ETF «currency hedged», votre gain sera de 97 et non de 50. Est-ce une pratique fréquente? Quel est le coût réel de cet «airbag» financier? Quelles versions possibles sont disponibles? Quelles monnaies peuvent-elles être couvertes?
«Cette solution d’investissement est en nette augmentation», explique Gaëtan Delculée, responsable des ETF pour la Suisse au sein de Lyxor. En Europe, les produits «currency hedged» représentent 5,9% des encours du marché des ETF, soit 24,4 milliards d’euros, selon cet expert. Sur ce montant, iShares se taille la part du lion. «Nous avons 21 ETF avec protection de change en Europe, soit 12,1 milliards d’euros», indique Sven Württemberger, directeur adjoint de iShares en Suisse.
C’est une pratique de plus en plus utilisée. «Dans un contexte de dévaluations compétitives et d’activisme des banques centrales, la demande de protection contre les risques de change est en nette augmentation», explique Markus Kramer. «La décision de la BNS d’abolir le plancher à 1,20 contre le franc a renforcé la demande», ajoute-t-il. L’épargnant dont la monnaie de référence est le franc suisse, une monnaie structurellement en hausse, peut souhaiter se couvrir lorsqu’il investit dans un fonds en devise. C’est ce qui pousse les sociétés de gestion à offrir la possibilité aux investisseurs d’investir dans leurs fonds sans supporter le risque lié à la devise. Si elle ouvre une classe en francs suisses pour un fonds de placement, elle élargit le cercle des investisseurs potentiels, indique Adrian Pichoud, chef économiste de Syz Asset Management.
Le coût de cette assurance du risque de change dépend fortement des monnaies choisies. Il est nettement plus faible sur les devises principales, telles que l’euro, le dollar et la livre sterling, que sur des monnaies exotiques. Le coût correspond à la différence entre les taux d’intérêt à court terme de deux monnaies considérées. Par exemple, il s’élève actuellement à environ 0,9% pour couvrir une exposition en dollar (-0,75% de taux à trois mois sur le franc et + 0,15% sur le dollar), selon Adrien Pichoud.
L’investisseur en obligations peut être amené à acheter des titres gouvernementaux à 10 ans américains en raison d’un rendement supérieur de 2% à celui des obligations de la Confédération. La protection du risque lié au dollar lui retire 0,9% du coupon perçu, mais laisse un rendement attractif, selon l’expert. Par contre, «sur les obligations de l’état allemand, l’écart est entièrement consommé par le coût de la protection», selon l’économiste de SYZ AM. L’investisseur doit savoir que la protection s’exerce sur la valorisation du portefeuille considéré et non sur des éventuels paris monétaires pris au sein du fonds. Un fonds en actions «Monde» ou en obligations «internationales» aura fréquemment le dollar comme monnaie de référence, même s’il n’est pas seulement composé de titres américains.
Le coût de la protection peut être exorbitant sur les monnaies des pays émergents, indique Gaëtan Delculée. Pour l’instant, Lyxor propose une couverture franc/yen et franc/euro sur des indices d’actions japonaises et sur actions européennes (Eurostoxx50).
La protection coûte actuellement 8% à 3 mois (sur base annuelle) pour la monnaie sud-africaine, 4,3% sur la mexicaine, 3,4% sur le dollar australien, indique Credit Suisse.
«Le coût de la protection dépend des conditions de marché, mais il est indépendant du nombre de transactions réalisées par le gérant du fonds», précise Adrien Pichoud.
L’opération permet à l’investisseur de choisir les risques qu’il désire supporter. Il tient par exemple à prendre un risque sur les actions technologiques américaines mais refuse de supporter le risque du dollar, selon l’économiste genevois. Avec la protection, on annule l’impact des fluctuations qui pourraient intervenir durant le temps de son exposition à un risque de change, indique-t-il.
Techniquement, l’opération est simple, selon l’économiste. La banque de gestion qui veut couvrir le risque du dollar pour son fonds vend à terme le dollar au cours d’aujourd’hui. Elle fixe maintenant leprix auquel l’échange s’effectue à terme, généralement à trois mois, selon l’économiste genevois. «Cette opération est mécanique et ne comporte aucune spéculation», précise-t-il. Comme la transaction de couverture fait intervenir des contrats à terme, donc des dérivés, l’investisseur supporte toutefois un risque de contre-partie sur cette partie-là de son fonds.
Toutefois, «la différence des frais de gestion entre un ETF «currency hedged» et un autre sans protection n’est que de 5 points de base, sur base annuelle _le hedging se fait toutefois sur base mensuelle-», selon Sven Württemberger. «Notre objectif n’est pas de gagner de l’argent sur les courtages liés aux effets de change», indique iShares.
Les caisses de pension et les banques privées sont de plus en plus attirées par ce type de produits, selon nos interlocuteurs. Les investisseurs professionnels pratiquent une version encore plus sophistiquée, la couverture dynamique du risque de change. Ils décident par exemple, selon leur propension au risque et de leur profil de risque, de varier leur niveau de protection et de ne couvrir que 50 ou 80% du risque en fonction du marché, fait valoir Markus Kramer.
De plus, pour ces professionnels, selon Credit Suisse, des solutions dites d’ «overlay» existent. Elles permettent de gérer la protection de façon centralisée et non pas sur chaque produit détenu par l’investissement.
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