Le géant gazier russe Gazprom a coupé ses exportations de gaz vers la Bulgarie et la Pologne ce mercredi, obligeant ces deux pays de l’Union européenne fortement dépendants à trouver des solutions alternatives.
Le géant gazier russe Gazprom a stoppé ses exportations de gaz naturel vers la Bulgarie et la Pologne mercredi 27 avril 2022.
afp.com/Yuri Kadobnov
La Russie met ses menaces à exécution. Depuis ce mercredi 27 avril, la Pologne et la Bulgarie ne peuvent plus se procurer de gaz russe. Le gazier polonais PGNiG a confirmé “l’arrêt complet de l’approvisionnement en gaz naturel fourni par Gazprom dans le cadre du contrat Yamal”. La veille, le groupe gazier russe avait en effet averti les autorités polonaise et bulgare de son intention d’interrompre ses livraisons de gaz auprès de ces deux pays membres de l’Otan et de l’Union européenne (UE).
Cette rupture de contrat intervient au 63e jour de l’invasion russe en Ukraine alors que plusieurs représentants occidentaux s’inquiètent du risque d’extension du conflit hors d’Ukraine après une série d’explosions attribuées par Kiev à Moscou dans la région moldave séparatiste de Transnistrie. Les mesures économiques prises jusqu’à présent par les dirigeants occidentaux ne sont visiblement pas parvenues à arrêter Vladimir Poutine dans son entreprise militaire. Or, ce dernier compte bien également user de l’arme économique pour faire pression sur les pays occidentaux.
Vladimir Poutine avait été clair le 31 mars : tous “pays inamicaux” ne se pliant pas à l’exigence du Kremlin de payer ses factures en roubles à partir du mois d’avril verront leur approvisionnement en gaz russe stoppé. Si la Bulgarie se contentait de dénoncer cette mesure de paiement, la Pologne a quant à elle toujours refusé de se plier à cette menace qui a pour but principal de soutenir la monnaie russe en pleine dégringolade face aux sanctions internationales instaurées depuis le début du conflit. Le dirigeant du Kremlin augmente ainsi directement la pression sur les pays de l’ex-Pacte de Varsovie mais également sur les pays européens qui ne se sont pas encore mis d’accord sur les sanctions à mener sur le gaz russe.
Depuis le début de l’invasion, lancée le 24 février, la Pologne se montre particulièrement virulente vis-à-vis de la Russie, appelant les autres pays de l’UE à durcir les sanctions à son égard. Le pays, limitrophe à l’Ukraine, n’a pas hésité à accueillir les centaines de milliers de réfugiés ukrainiens fuyant les bombardements. Sur les 5,3 millions de personnes ayant quitté l’Ukraine, près de 2 922 978 se trouvaient en Pologne au 25 avril. Le pays est également très engagé dans la livraison d’armes à Kiev et est aujourd’hui une plaque tournante de ces livraisons. Mardi 26 avril, Varsovie avait par ailleurs sanctionné près de 50 oligarques et compagnies russes, dont Gazprom, effectuant des affaires en Pologne. La mesure, distincte des sanctions prises en coordination avec les autres pays de l’Union européenne, consiste en un gel des avoirs et une interdiction d’entrer sur le territoire polonais. Rien d’étonnant donc à ce que le pays se retrouve dans le viseur du Kremlin.
D’après les données d’Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne, la Pologne et la Bulgarie, comme la Slovaquie, la Hongrie ou encore la Finlande, se fournissent essentiellement en hydrocarbures russes. La part du gaz russe dans les importations hors UE de gaz représente en effet entre 75% et 100% pour la Bulgarie, contre 50% à 75% pour la Pologne – seuls des intervalles de données sont communiqués pour ne pas révéler des chiffres confidentiels, précise Eurostat.
Les représentants des deux pays ont toutefois affirmé que la rupture de contrat avec Gazprom ne poserait pas de problème à leur population, précisant qu’ils s’étaient préparés à obtenir le gaz manquant par d’autres sources. “La Pologne dispose des réserves de gaz et des sources d’approvisionnement nécessaires pour protéger notre sécurité – nous sommes effectivement indépendants de la Russie depuis des années. Nos entrepôts sont remplis à 76%. Il n’y aura pas de pénurie de gaz dans les foyers polonais”, a assuré la ministre polonaise du Climat, Anna Moskwa, sur Twitter.
La Pologne avait en effet annoncé dès 2019 ne pas prolonger au-delà de 2022 son contrat avec le géant russe Gazprom. D’ici début 2023, le pays sera entre autres approvisionné par la Norvège via le projet de gazoduc sous-marin Baltic Pipe.
Les dirigeants européens n’ont pas attendu que le Kremlin mette ses menaces à exécution pour travailler sur l’épineux dossier de la dépendance au gaz russe, mis en lumière par la guerre en Ukraine. En 2021, les 155 milliards de mètres cubes importés de Russie ont en effet représenté 40% de la consommation européenne de gaz. Or, rien ne dit que Vladimir Poutine ne coupera pas les vannes d’autres pays occidentaux si le conflit continu de s’enliser.
La présidente de la commission européenne, Ursula von der Leyen, a donc rapidement fait part de son indignation face au coup de pression du Kremlin : “L’annonce de Gazprom est une nouvelle tentative de la Russie de nous faire du chantage au gaz. C’est injustifié et inacceptable. Et cela montre une fois de plus le manque de fiabilité de la Russie en tant que fournisseur de gaz”, a-t-elle souligné ce mercredi dans un communiqué.
Gazprom's announcement is another attempt by Russia to blackmail us with gas.
We are prepared for this scenario. We are mapping out our coordinated EU response.
Europeans can trust that we stand united and in solidarity with the Member States impacted.
La dirigeante européenne précise également que l’UE s’était préparée à un tel scénario et que les Etats membres ont mis en place “des plans d’urgence” à cet effet. “Nous nous sommes efforcés de garantir des livraisons alternatives et les meilleurs niveaux de stockage possibles dans toute l’UE”, souligne-t-elle.
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