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ISTANBUL : La Banque centrale turque a une nouvelle fois surpris les marchés jeudi en abaissant son principal taux directeur de 14% à 13%, en dépit d’une inflation qui frôle les 80% et peu d’espoirs d’une décélération à court terme.
La décision a aussitôt fait reculer la livre turque, qui perdait près de 1% face au dollar peu avant 12H00 GMT, à près 18,1 livres pour un billet vert.
La Banque centrale a justifié sa décision en citant les “incertitudes sur la croissance mondiale et les risques géopolitiques” .
Elle avait toutefois maintenu son taux stable ces sept derniers mois, après que le président turc Recep Tayyip Erdogan l’eût contraint à l’abaisser de 19% à 14% entre août et décembre.
A rebours des théories économiques classiques, le président turc estime que les taux d’intérêt élevés favorisent l’inflation.
Mais sa politique monétaire très décriée a fait fondre la livre turque de 44% face au dollar en 2021.
La monnaie a encore perdu de plus de 25% face au billet vert depuis le 1er janvier, malgré des interventions de la banque centrale et l’annonce fin juin d’une mesure de soutien à la livre turque.
Conséquence de cet effondrement, l’inflation a atteint 79,6% sur un an en juillet, selon les chiffres officiels, au plus haut depuis vingt-quatre ans à onze mois d’une élection présidentielle que les sondages annoncent très disputée.
Début juin, le président turc — prenant une fois de plus le contrepied des économistes — avait dit vouloir abaisser de nouveau les taux d’intérêt.
«Insensé»
“Insensé: avec une inflation à 80% et toujours en hausse, la Banque centrale turque abaisse ses taux”, a réagi jeudi sur Twitter Timothy Ash, analyste au cabinet BlueAsset Management et spécialiste de l’économie turque.
“La Banque centrale de Turquie durcit sa lutte contre l’orthodoxie économique”, ironise Jason Tuvey, du cabinet londonien Capital Economics, pour qui “cette décision totalement inattendue (…) pourrait être le déclencheur d’une nouvelle crise monétaire”.
La Banque centrale turque a revu la semaine passée à la hausse ses prévisions d’inflation pour la fin de l’année, estimant qu’elle se situerait à 70,6%.
Mais l’opposition et des économistes indépendants accusent l’Office national des statistiques (Tüik) de sous-estimer de plus de moitié son ampleur.
Pour les Turcs, l’envolée des prix devient difficilement soutenable — malgré deux hausses du salaire minimum depuis le 1er janvier –, le pays étant très dépendant des importations, notamment pour les matières premières et l’énergie.
La Turquie connaît une inflation à deux chiffres presque sans discontinuer depuis début 2017, mais la hausse des prix à la consommation n’avait jamais atteint un tel niveau depuis l’arrivée au pouvoir en 2002 du Parti de la justice et du développement (AKP) du président Erdogan.
Au pouvoir depuis 2003, d’abord comme Premier ministre puis comme président, M. Erdogan espère être réélu lors de la prochaine élection présidentielle, prévue pour la mi-juin 2023.
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NEW YORK : La reconstitution des réserves stratégiques américaines de pétrole (SPR) ne démarrera «probablement» pas avant la fin de la prochaine année budgétaire, soit fin septembre 2023, a indiqué jeudi à l’AFP le département de l’Energie (DOE).
Cette communication intervenait après la publication d’une information de l’agence Bloomberg, selon laquelle le gouvernement américain envisageait de racheter du pétrole sur le marché une fois le cours du baril de West Texas Intermediate (WTI), variété de référence américaine, tombé sous 80 dollars.
Il se situait jeudi à 85,10 dollars pour le contrat à terme le plus échangé, avec livraison en octobre.
Selon le ministère de l’Energie, ces assertions «sont inexactes», selon la déclaration transmise par une porte-parole du département de l’Energie.
Le DOE prévoit que la reconstitution des réserves ne commencera que dans «un avenir lointain, probablement après l’année budgétaire 2023», qui s’achève fin septembre 2023.
Depuis début septembre 2021, le président américain Joe Biden a décidé de puiser largement dans les réserves stratégiques pour tenter de soulager les cours du pétrole.
A date, ce sont quelque 187 millions de barils qui ont été extraits des immenses cavernes de sel du Texas et de Louisiane dans lesquelles sont entreposées les SPR.
Elles affichent désormais leur plus faible niveau depuis près de 38 ans (octobre 1984).
Le gouvernement Biden avait initialement fixé à fin octobre la fin du programme.
La semaine dernière, la Maison Blanche a indiqué qu’elle n’envisageait pas de continuer à puiser massivement dans les réserves stratégiques après cette date.
La communication contredisait des déclarations à l’agence Reuters de la secrétaire à l’Énergie, Jennifer Granholm, qui avait évoqué une possible poursuite du programme.
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RIYAD: Metito, l’une des principales sociétés de développement de l’eau au Moyen-Orient, est en train de construire la plus grande usine de dessalement du monde dans la région d’Al-Jubail, en Arabie saoudite.
S’adressant à Arab News en marge de la Conférence internationale sur l’avenir du dessalement qui s’est tenue à Riyad, le directeur général de Metito, Fady Juez, déclare que l’usine de dessalement d’Al-Jubail devrait produire un million de mètres cubes par jour et sera la plus grande au monde.
Le projet a été récompensé par la Saline Water Conversion Corp. (SWCC), la plus grande entité de dessalement d’eau au monde, poursuit M. Juez.
Fondée en 1958, la société Metito est l’un des principaux fournisseurs de solutions intelligentes en matière de gestion de l’eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
L’entreprise a été l’une des premières à introduire dans la région la technologie de l’osmose inverse, soit le traitement de l’eau par pression.
Selon Fady Juez, Metito a été la première entreprise arabe de traitement de l’eau à mettre en place le dessalement par osmose inverse en 1972, au moment où la technologie était uniquement connue aux États-Unis.
«L’Arabie saoudite est l’un des premiers pays au monde à investir dans de grandes usines de dessalement par osmose inverse pour les projets d’infrastructure», ajoute-t-il.
La société est très présente au Royaume grâce à ses partenariats avec la SWCC et Neom.
«Nous avons construit une usine de dessalement d’eau avec une capacité de production de 125 000 mètres cubes par jour à Neom pour alimenter les phases initiales de la ville. C’est la première grande usine de dessalement alimentée à 25 % par l’énergie solaire», précise M. Juez.
Metito a été en charge de l’ingénierie, de l’approvisionnement et de la mise en place du projet, réalisant un record de 50 000 mètres cubes par jour en six mois.
L’usine a fonctionné pendant un an et demi à capacité partielle et depuis six mois à pleine capacité.
De plus, l’entreprise construit une grande station d’épuration détenue et financée à 100 % par Metito dans la ville de Dammam.
«Nous construisons la première et la plus grande station d’épuration indépendante de la ville de Dammam. Il s’agit d’une station avec une capacité de traitement de 200 000 mètres cubes par jour. Nous sommes les propriétaires de l’usine et les principaux investisseurs. Elle devrait commencer à fonctionner bientôt», rapporte Fady Juez.
L’Autorité des travaux publics du Qatar a récemment sélectionné un consortium dirigé par Metito pour le contrat de développement d’une usine de traitement des eaux usées pour un montant de 1 milliard de dollars (1 dollar = 1 euro) dans la région de Wakrah et d’Al-Wukair. Le consortium comprend la société qatarie Al-Attiya Motors & Trading Co. et la société koweïtienne Gulf Investment Corp.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com
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PARIS: Bloc, alliance, partenariat ? Le rapprochement entre la Chine et la Russie jeudi à Samarcande en Ouzbékistan met en scène l’avènement d’une alternative à l’Occident, mais ses contours et ses ressorts restent incertains, compte tenu des différences stratégiques entre Pékin et Moscou.
Convergence idéologique, intérêts économiques, militaires, volonté de dépasser l’ordre multilatéral finissant érigé par un Occident dont les valeurs les menacent: les président chinois Xi Jinping et russe Vladimir Poutine partagent beaucoup de vues. Mais ils ne sont pas alliés, chacun jouant dans une catégorie différente et ayant ses propres intérêts bien compris, soulignent des experts.
“Ce n’est pas un bloc mais un vrai partenariat, déséquilibré et hétérogène”, estime le chercheur Cyrille Bret, de l’Institut Jacques Delors à Paris.
Pour autant, il ne s’agit pas uniquement d'”un mariage d’intérêt” analyse la chercheuse Alice Ekman, analyste responsable de l’Asie à l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne (EUISS). “Il existe beaucoup de points de convergences” entre eux.
“La Chine a une lecture assez convergente avec celle de la Russie sur les tensions avec les Etats-Unis, avec l’Otan, et ce qu’il considère +l’Occident+ au sens large”, estime Mme Ekman. “Ce n’est pas un bloc bien défini, mais on est clairement dans une polarisation du monde”.
“Il n’y a pas de ciment idéologique entre les deux pays, mais une vision commune des relations internationales, de +désoccidentalisation+ du monde”, pour M. Bret.
Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Securité en Europe (IPSE), qui préfère pour sa part parler de “bloc élastique”, souligne “la réalité stratégique de ce rapprochement”, illustrée par des exercices militaires conjoints qui se multiplient.
Les deux pays collaborent aussi dans les domaines énergétiques, spatial, et coordonnent leurs actions dans les instances internationales existantes.
Au final, pour M. Dupuy, une configuration se met en place à travers plusieurs organisations, dont l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS, cadre de la réunion Xi-Poutine de jeudi, ndlr), confirmant “une +orientalisation+ des relations internationales”.
Cela “va d’ailleurs sans doute s’exprimer de manière plus unitaire lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies”, alors qu’au sommet de l’OCS à Samarcande étaient conviés les dirigeants du Belarus, d’Iran, d’Inde, du Pakistan et de plusieurs pays d’Asie centrale qui ont pu partager leurs vues avec Xi Jinping et Vladimir Poutine à quelques jours de la réunion des dirigeants mondiaux à New-York.
Pas d’alliés mais des partenaires
Mais Pékin et Moscou ne sont pas sur un pied d’égalité, très loin de là.
“La Russie va à Canossa en se rapprochant de cette organisation créée par la Chine, initialement pour limiter l’action russe en Asie centrale. Cela montre à quel point Poutine a besoin de la Chine”, estime M. Dupuy.
Isolée et sanctionnée à l’Ouest, “la Russie doit faire un pivot vers l’est et elle n’a pas mille possibilités”, résume M. Bret.
“La Chine est plus forte que la Russie. Et ses intérêts sont plus globaux et plus divers. L’objectif de Pékin est de préserver son entente avec la Russie au niveau stratégique, pour contrer le pouvoir américain”, juge Evan Feigenbaum du centre Carnegie Endowment for International Peace.
“Mais sans avoir à soutenir Moscou au niveau tactique, puisque Pékin bénéficie de l’accès aux marchés mondiaux, évite les sanctions et noue des relations avec des pays, comme ceux d’Asie centrale, qui sont terrifiés par la Russie”.
“La Chine n’a pas d’alliés mais des partenaires, elle a une stratégie de coalition, rappelle Mme Ekman.
Pour l’historien Pierre Grosser, le soutien de Xi Jinping à Poutine peut s’avérer “un piège pour la Chine”.
L’hostilité russe envers l’Occident “obligent à suivre une pente dangereuse de confrontation qui rend difficile une coexistence pacifique, alors que la Chine a encore besoin économiquement et technologiquement des échanges avec les grands pays capitalistes”, écrit-il dans la revue Politique étrangère de l’Ifri.
Néanmoins, selon Mme Ekman, “dans un contexte de tensions très fortes et prolongées entre Pékin et Washington”, la Chine “considère avoir intérêt à accélérer son rapprochement avec la Russie”.
Une situation qui ne laisse pas d’inquiéter, notamment à Taïwan, où le gouvernement a estimé vendredi que le renforcement des liens entre Moscou et Pékin nuisait à “la paix internationale”.