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Ours d’or à Berlin, le film d’Asghar Farhadi peint avec sensibilité deux couples pris dans le carcan de la société iranienne.
Par Jean-Luc Douin
Temps de Lecture 4 min.
Pour relativiser les lectures faites par les uns et les autres de son film, Une séparation, Asghar Farhadi raconte volontiers une histoire. Un éléphant se retrouve au milieu d'une pièce pleine de gens et plongée dans l'obscurité. Tout le monde est invité à le toucher pour deviner de quoi il s'agit. Celui qui touche une patte a l'impression d'avoir affaire à la colonne d'un temple, celui qui palpe une oreille pensera à une feuille d'arbre tropical, celui qui touche sa trompe vous dira qu'il s'agit d'un saxophone. “Si on allume la lumière, tout le monde s'accorde pourtant sur le fait que c'est un éléphant.”
Ils ont tous tort, et en même temps ils ont tous raison. Chacun juge en fonction de ses critères personnels, et planent toujours suffisamment d'ombres pour que le regard que l'on porte sur le monde reste partiel, subjectif, engagé. Qui peut se targuer de pouvoir proclamer la vérité, hormis un deus ex machina orchestrant l'évidence du jour après avoir joué des incertitudes de la nuit ?
Certainement pas Asghar Farhadi, dont le film s'articule autour de faits que le scénario laisse longtemps et à dessein irrésolus. A deux reprises, les personnages d'Une séparation se retrouvent devant un juge et plaident à tour de rôle le bien-fondé de leur démarche. Le spectateur est invité à occuper la place de cet arbitre judiciaire et à prendre parti pour l'un puis pour l'autre. La force du film est dans sa capacité à le faire douter, lui faire plusieurs fois changer de camp au fur et à mesure que se déroule l'intrigue.
Ces deux situations soulignent l'ambiguïté du titre. Lorsque, d'abord, une femme vient réclamer un divorce et le droit d'amener sa fille de 11 ans, arrangement que son époux Nader lui refuse, il apparaît que la séparation est d'ordre conjugal. La justice déboute l'épouse qui part habiter seule ailleurs. Mais, d'un affrontement privé, Asghar Farhadi saute à un conflit social, donnant à son propos une portée beaucoup plus générale, éminemment politique.
Incapable de s'occuper de son vieux père atteint de la maladie d'Alzheimer, Nader doit engager une aide-soignante. Il embauche une mère de famille dans le besoin, qui accepte ce job sans l'accord de son mari, chômeur dépressif, violent, conservateur. Cette femme, Hodjat, qui vient remplir sa tâche flanquée de sa gamine, est d'abord confrontée à un dilemme : le vieillard se pisse dessus, elle doit le changer, le laver, lui ôter son pantalon, ce qui, en regard de ses convictions religieuses et des usages qu'elles impliquent, constitue un péché.
Hodjat commet une faute : elle laisse un moment le vieux sans surveillance. Licenciée, elle revient sonner chez son employeur pour être payée de ses heures de travail. Nader, prétextant qu'elle a manqué à ses devoirs, refuse de la dédommager, la repousse sur le palier. Elle tombe dans l'escalier. Elle dépose une plainte. Nader, dit-elle, l'aurait violentée et aurait provoqué une fausse couche.
C'est là que l'on se retrouve devant un juge, une seconde fois. Pour démêler l'imbroglio. Nader savait-il qu'elle était enceinte, comme elle l'affirme ? Impossible, clame-t-il, de percevoir une grossesse chez cette femme vêtue d'un tchador. A-t-il réellement provoqué la mort de ce bébé de quatre mois et demi ? Il est menacé de prison…
Dès lors, de quelle “séparation” s'agit-il ? Du divorce, ô combien prégnant, entre classe aisée et classe populaire, entre traditions (superstitions, règles islamiques) et modernité (bourgeoisie, désirs d'émancipation). La femme séparée, revenue soutenir un mari dont elle espère un retour de flamme conjugale, paye la caution qui évite à Nader de se retrouver derrière les barreaux. Elle va tenter de négocier avec la femme voilée qui, de son côté, se débat entre mari revanchard et fidélité aux préceptes du Coran.
Le film observe (et dénonce) une cascade de mensonges et de petits arrangements. Dépeignant ces conflits exacerbés dans un pays où, détails symboliques de la vie quotidienne, les ordures se déversent dans les escaliers et les employés des stations-service ne rendent pas la monnaie, prenant soin de montrer que ces déchirements claniques se déroulent sous les yeux des enfants effarés, le film se clôt dans l'incertitude du dénouement.
Ours d'or 2011 à Berlin, Une séparation fonctionne sur le schéma énigmatique de La Fête du feu, où Asghar Farhadi imposait à une femme de ménage un rôle de témoin dans une dispute entre ses patrons, la femme soupçonnant son mari de la tromper avec la voisine d'en face. Les juges d'Une séparation, comme l'employée de La Fête du feu, sont otages d'un suspense, invités comme nous à adopter un point de vue, puis le point de vue inverse. Asghar Farhadi use des théâtres intimes pour distiller l'idée qu'en Iran le mensonge et la manipulation se pratiquent à tous les niveaux, que les comportements que l'on y impose méritent d'être débattus, contestés.
LA BANDE-ANNONCE
Film iranien d'Asghar Farhadi avec Leila Hatami, Peyman Moadi, Shahab Hosseini, Sareh Bayat, Babak Karimi (2 h 03).
Les deux précédents films d'Asghar Farhadi, La Fête du feu et A propos d'Elly, ressortent sur les écrans le 6 juillet.
Jean-Luc Douin
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Daté du vendredi 16 décembre
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