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La Monnaie de Paris présente actuellement l’œuvre du sculpteur allemand Thomas Schütte. L’exposition donne une idée large et complète de ses facettes créatives, passant de la peinture à la sculpture, aux installations et à l’architecture. Autant de médiums qui ne l’enferment jamais et suscitent une approche parfois déroutante et un effet de surprise. L’exposition, intitulée Trois actes, se déploie en trois volets comme l’annonce l’imprimé très bien documenté proposé au visiteur. Thomas Schütte aborde ainsi trois thèmes déclinés à partir de la figure humaine – thème qui lui est cher à travers ses anciennes préoccupations sur le portrait –, de son rapport à la mort et de son implication dans le domaine de l’architecture.
Installées dans la cour, des œuvres imposantes font référence à l’homme, à l’animal, à la dualité, mais aussi à des sujets plus symboliques comme la patrie, à travers Vater Staat (Père Patrie, 2010) ou Mann mit Fahne (Homme au drapeau, 2018), œuvre conçue pour l’exposition. Le traitement de chacune des sculptures montre que l’artiste utilise ce mode d’expression à d’autres fins que celles de servir le sujet représenté. Les visages sont déformés, la taille des humains est surdimensionnée, l’animal se confond avec des objets mythologiques, comme pour Troisième animal (2017) dont on découvre qu’il est une fontaine.
Située à l’intérieur de ce beau bâtiment à étages, la deuxième partie de l’exposition ouvre sur la série des Muses et héros. Dès l’entrée, le visiteur comprend que le trajet à effectuer le conduit de matières inattendues, comme l’aluminium pour représenter un corps féminin, en figures tourmentées qui semblent issues d’une pratique de la glaise vite exécutée, mais dont d’autres exemples en verre, tels que Glaskopf C Nr 4 (2013), démentent aussitôt l’idée d’un éventuel hasard. La très impressionnante série de Nains de jardin (Gartenzwerge, 2017), en couleurs, adroitement installée en hauteur oblige à questionner ces visages masculins, sombres, inquiets ou menaçants. Sont-ils ceux d’une guerre dont il ne reste que des têtes ? Ou l’hommage à des travailleurs forcenés ? Ou bien encore la figure de l’excès incarnée dans le masque grec des coryphées ? Au-delà de ces questions, n’est-ce pas par la métaphore d’une souffrance corporelle que Schütte traite de ce rapport à la mort et peut être plus encore de celui à la finitude humaine ?
On assiste ainsi à un dialogue permanent entre les œuvres et l’histoire de l’art. La sculpture intitulée Aluminiumfrau Nr.17 (Femme en aluminium n°17, 2009) montre une femme couchée qui semble inachevée, et renvoie pourtant à une statuaire orientalisante à l’identique de ces femmes massives présentes dans Femmes d’Alger de Delacroix, ou à celle de ces odalisques alanguies notoires chez Ingres ou, plus tard, chez Matisse. Sauf que celles de Schütte n’offrent pas tant de sensualité, excepté un drapé moelleux excluant le corps, aussitôt contredit par l’effet froid et lumineux du matériau d’aspect métallique. La disproportion de la tête et l’appui rigide sur le coude viennent aussi contrarier tout aspect de séduction. En revanche, si elle devait être muse, le spectateur devrait alors l’extraire d’une mythologie personnelle et projeter sur elle les qualités souhaitées, car elle-même n’en livre ni les codes ni les avances.
On constate à ce terme que l’artiste élabore un sujet qui ne renvoie pas vraiment à la logique de la forme qui lui est inhérente, il propose un « à côté », une ouverture, une divagation, et c’est là toute sa force. Chaque forme affirmée, chaque matériau employé, chaque dimension d’objet transporte une ligne d’hésitation entre deux genres, deux matières, deux échelles, deux sujets.
Dans un registre plus technique, pour certains de ses travaux, Schütte a procédé en deux temps, que le visiteur peut vérifier à l’observation des vitrines contenant des sujets en pâte à modeler. On trouve ainsi la réalisation d’un animal pas tout à fait orthodoxe, en matière rouge brun, sorte de maquette du Drittes Tier (Troisième animal, 2017) aperçu dans la cour (notre photo d’ouverture), mais visiblement réalisé en bronze par la suite et à une autre échelle. Qu’il s’agisse de cette miniature ou de l’œuvre installée à l’extérieur, la première impression est celle du grotesque. Mais lorsqu’on saisit mentalement ces deux sculptures à la fois, l’impression se précise et c’est le changement d’échelle qui s’impose plutôt que le passage du jouet au monstre, à l’image de ces figures de peur infantile qui prennent des proportions gigantesques dans le phantasme. L’élaboration même de l’objet y contribue par les détails : le monstre n’est ni un dragon ni une baleine, il crache de l’eau à la place du feu. L’eau éteint en quelque sorte les images liées au dragon, auquel se substitue la fontaine-animal, en majesté dans la cour, avec sa dose d’ambiguïté. A travers cette réalisation, on peut se demander à quelle visée s’attache l’artiste. Il n’est plus question ici de relation évidente à la mort, ni de relation à l’autre de façon marquée, ni de masculin/féminin, mais de dualités interrogeant de façon métaphorique le genre mi-animal, mi-mythique, l’altérité et la monumentalité.
Autrement dit cet objet, emblématique de tout le reste de son travail, offre les bases d’un traitement de l’ambiguïté qui oblige à la variation de nos attitudes. Si l’on est persuadé d’une première figure, la matière, la forme ou la référence nous fait basculer très vite dans une interprétation connexe. Ainsi en va-t-il pour le reste de l’exposition, où les matériaux employés remettent sérieusement en question le sujet, la mémoire, le langage.
A travers la complexité des œuvres mises en valeur par la commissaire Camille Morineau, on peut suivre les pistes des axes fondamentaux du travail de Thomas Schütte. Ceux-ci sont complétés par une exploration de l’architecture, Kristall II (2014), qui à défaut de proposer des espaces réels, réinvente une fiction liée à l’échelle de l’homme. Des bâtis, oui, au regard de ce que l’homme apprivoise de lui-même, sa taille, son environnement, ses circulations. Ce qui est frappant, c’est de voir à quel point le passage à l’architecture transporte les mêmes interrogations. Là aussi, il est question d’échelle corporelle, de mesure entre l’humain et toute autre altérité réduite à l’unité : maquette de maison, maison pour une personne, réalisation à l’échelle 1, autrement dit l’autre de lui-même. Tout se passe comme si l’homme devenait la marionnette de l’humain.
On constate enfin qu’il y a un croisement des thèmes, des genres, de l’histoire de l’art dont l’unité se fait par la manière. Plus encore qu’aux dualismes affirmés entre femme/homme, sujet/objet, monumental/petit, il s’agit d’une finitude de tout sujet, y compris animal, tous incarnés dans des modes techniques divers qu’épuisent le matériau et le changement d’échelle. L’étrangeté continue de l’œuvre de Thomas Schütte en fait un artiste jamais prévisible, qui reprend en répétition les couches de l’histoire de l’art par les traitements très singuliers appliqués à chacun de ses engagements plastiques. L’opposition, la contradiction, la monumentalité, l’ambiguïté concourent à nourrir la signature plastique des domaines explorés par l’artiste.
Trois Actes, jusqu’au 16 juin à la Monnaie de Paris.
Le site de l’artiste : www.thomas-schuette.de.
Image d’ouverture : Drittes Tier, 2017 © Thomas Schütte, photo Aurélien Mole – Monnaie de Paris / ADAGP – Toutes les images sont créditées © Thomas Schütte, photo Aurélien Mole – Monnaie de Paris / ADAGP
Lieu d’art
11, quai de Conti
75006 Paris France

20 décembre 2022
16 décembre 2022
14 décembre 2022
9 décembre 2022
1 décembre 2022
28 novembre 2022
23 novembre 2022
21 novembre 2022
Du 15 mars 2019 au 16 juin 2019
08 décembre 202223 janvier 2023
Entre ce que l’on voit et son évocation, entre le mirage et la réalité, entre la lumière et l’ombre, les tableaux de la série The Crossing sont une recherche plastique puissante et une recherche poétique de ce qui lie Bao Vuong à son pays perdu. Les monochromes noirs de l’artiste sont au départ la projection du traumatisme de l’exil de sa famille, des nuits en haute mer vécues par d’innombrables boat people, la même vision que connaissent des milliers de migrants à travers les siècles et chaque jour encore. S’inspirant des terreurs et des tristesses qu’accompagnent l’exil, Bao Vuong utilise de grandes masses de peinture noire qu’il sculpte, dessine minutieusement chaque vague comme une litanie, un mantra. En nous déplaçant face aux toiles du peintre, nous vivons une expérience visuelle et introspective. Les reflets sur ces reliefs noirs nous rappellent à notre lumière intérieure, celle même qui nous guide dans les moments les plus sombres de nos vies et nous pousse à avancer. Pour cette nouvelle exposition « Horizons », il a rajouté la matière d’encens. Dans ses tableaux sous forme de cendre, l’encens figurent les nuages qui parfois cachent la lumière des astres. Dans le rituel des ancêtres – tradition encore bien présente dans tous les foyers vietnamiens – la fumée des encens est le véhicule entre les vivants et les défunts, un lien entre les hommes et l’au-delà. Sur les tableaux, la cendre d’encens est le reste palpable de cet acte sacré, la trace de nombreuses prières, la trace du souhait d’un lendemain meilleur ; mais elle est aussi la trace de ceux qui sont partis pour toujours et ne reviendront plus. Visuel > Bao Vuong, The crossing 115, 2022.
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09 novembre 202225 février 2023
 Arno Rafael Minkkinen (né le 4 juin 1945 à Helsinki en Finlande) est un photographe finlando-américain. Son œuvre, reconnue partout dans le monde, est entièrement consacrée à l’autoportrait, sur fond d’engagement militant en faveur d’une meilleure place de l’homme dans la nature. Celle qu’il s’assigne à lui-même se veut souvent discrète, fondue, évocatrice de cet Eden perdu dans lequel l’humanité commença son aventure ontologique. Habitant le monde, son monde, en poète, l’artiste considère son intervention dans le paysage comme un prolongement naturel de son corps, faisant ainsi citation de la partie par rapport au tout. Cette tautologie amène à découvrir comment ce corps humain, le sien, s’intègre parfaitement dans la nature dont il est partie prenante, mais aussi tributaire. Il n’hésite pas, en effet, à se mettre même en danger, à repousser les limites du possible et du tolérable par une forte contrainte corporelle liée à des pratiques de respiration, de contorsion, de résistance au froid et à la chaleur, cette posture ascétique, proche de celle du fakir, allant même parfois jusqu’à la disparition. C’est toujours seul que l’artiste se photographie au moyen d’un déclencheur, sans retouche ultérieure, ni intervention extérieure. Visuel > Arno Rafael Minkkinen, Stranda, 2007, Norway, photographie, 147 x 194 cm.
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26 novembre 202215 janvier 2023
Anthony D Green présente huit nouvelles œuvres, entre peintures et bas-reliefs, qui témoignent de sa fascination pour la représentation, en même temps qu’elle la dépasse. La photographie commerciale a longtemps été considérée comme l’instrument de séduction et de coercition du capitalisme, manipulant nos désirs manifestes et subliminaux et les réifiant en images de masse. En réalité, cette critique a été si répandue qu’elle a fini par être absorbée dans la culture de consommation ; la subversion, l’ironie et la perturbation sont toutes devenues partie intégrante de la boîte à outils du commerçant avisé. Ainsi, la représentation des entreprises et nos moyens de résister à son attrait ont fusionné – et le détournement est devenu un autre visage de la production esthétique chimérique. Aujourd’hui, alors que l’industrie est passée d’un modèle issu de cadres créatifs et de vastes campagnes à une publicité ciblée par algorithme et à des consommateurs atomisés, il semble que le besoin d’images contraignantes ait diminué, et que le besoin de contraindre de manière imaginative soit tout à fait superflu. Pourquoi manipuler quand il suffit d’un coup de pouce bien placé pour vous faire rentrer dans un cycle de consommation déjà tracé ? Détourés avec la clarté aliénante d’une infographie, les assemblages d’Anthony D Green présentent un tableau familier : des images sans prétention guidées par les principes médiatiques de neutralité du marché, des marques si génériques qu’elles en deviennent presque élémentaires, et les ouvertures élégamment encastrées, les losanges grossiers et les courbes souples du design des produits de base ; une norme esthétique qui a commencé avec les smartphones et les ordinateurs portables et qui a maintenant été appliquée à tout, des humidificateurs d’air aux cuiseurs de riz. Comme dans le monde des logos d’entreprise, la géométrie est réchauffée et arrondie en forme de pilule – un motif saillant, hermétique et profilé pour la consommation. Visuel > Anthony D Green, Coffee Machine, 2022. MDF, peinture en aérosol, peinture acrylique, papier imprimé. Courtesy the artist and Art : Concept, Paris. Photo : Romain Darnaud.
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02 décembre 202226 février 2023
Déployée sur trois lieux (Mucem, Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur et la chapelle de la Vieille Charité), l’exposition « Ghada Amer » est la première rétrospective de l’artiste franco-américano-égyptienne en France. Elle réunit ses différents modes d’expression plastique depuis ses débuts jusqu’à ses créations les plus récentes. La broderie, la peinture, la céramique, le bronze et la création de jardins sont au cœur de son art. Entre Orient et Occident, l’artiste interroge d’une culture à l’autre les représentations, les rapports de domination, les processus d’assimilation, d’opposition ou de traduction. Elle est aujourd’hui une voix majeure des enjeux post-coloniaux et féministes de la création contemporaine. Deployé sur les 280m2 du premier plateau, le parcours présenté au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur met en lumière l’engagement résolument féministe de Ghada Amer. Pour elle, la question de la femme transcende celle de l’appartenance culturelle ou religieuse. Elle s’est emparée du médium traditionnellement féminin, la broderie. Entre hommage et revendication, ses toiles entrent en dialogue avec les « maîtres » d’une histoire de l’art trop longtemps dominée par les hommes. Elles se développent sous le signe d’une puissance créatrice jubilatoire et d’un intérêt nouveau pour le portrait. Visuel > Ghada Amer, Portrait Of The Revolutionary Woman [portrait de la femme révolutionnaire], 2017 Grès cérame avec incrustations de porcelaine et barbotine de porcelaine Collection privée, Munich (Allemagne) © Ghada Amer, photo : Christopher Burke Studios.
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01 décembre 202204 février 2023
Par son travail d’estampes brodées «Les Âmes animales», Lara Blanchard souhaite célébrer le «Vivant» et tout ce qui le compose. Elle explore les liens immuables entre l’Homme et l’Animal à travers la création de thérianthropes, créatures humaine/ animale auxquelles elle ajoute des éléments naturalistes. En complément, avec Ad Lucem, création de masques, parures et animaux oniriques mêlant céramique, feutrage, assemblage, elle laisse place à ce qu’elle nomme «le magique universel». Inspirée du monde naturel, organique et animal, elle s’inscrit en « passeur », laissant ce qui se sait pour ce qui se ressent. Un état primaire en ce sens qu’il était au commencement, peut-être un ressenti plus animal ? Un lien immuable à la nature et au vivant. Selon l’artiste, « Nous sommes les ancêtres d’un monde à venir… ». Visuel > Affiche de l’exposition.
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10 décembre 202212 février 2023
Peintre, graveur et poète, Gérard Titus-Carmel mêle depuis cinquante ans la peinture, le dessin, la poésie et la pensée. Pour lui, en effet, “peindre, c’est joindre le geste à la parole” . L’exposition “Forestières & autres arpents” propose un cheminement au sein des vingt dernières années d’une création foisonnante, depuis la série des “Forêts” jusqu’aux “Plans de coupe” , en passant par les massifs de livres ornés. Gérard Titus-Carmel offre au regard les variations du végétal comme une rencontre “brutale et lumineuse” , celle d’une force vivante, qui interroge la conscience de notre présence au monde. Gérard Titus-Carmel se dit peindre non pas ce qu’il voit mais ce qu’il rêve. Une exposition où se mêlent peinture et poésie… Visuel > ©Gérard Titus-Carmel.
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Affiner les aptitudes de nos sens, étendre le champ de nos perceptions en explorant les … Continuer la lecture de « Les n+n Corsino font danser l’IA avec le public »
La galerie Templon à Paris, rue du Grenier Saint-Lazare, clôt l’année avec une exposition du … Continuer la lecture de « Pierre et Gilles annoncent « Les couleurs du temps » depuis 1976 »
Il ne reste que deux jours pour découvrir le travail édifiant mené par Aris Messinis … Continuer la lecture de « La guerre en Ukraine dans l’œil d’Aris Messinis »
CPPAP 0324 W 91303
ISSN 2777 – 4961
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