Partager :
La séance de mardi avait tous les atours d’un beau krach obligataire en zone euro. Sous le poids des anticipations très agressives du marché sur les taux, à la veille d’une réunion (de tous les dangers) du comité de politique monétaire la Fédérale Réserve (FOMC), les taux souverains européens ont explosé, propulsant le taux du Bund allemand à dix ans au-delà des 1,7% (et le taux à deux ans proche de 1%) et l’OAT français au-dessus de 2,2%.
Mais c’est surtout le taux italien (l’Italie est un des principaux émetteurs en zone euro) qui a suscité toutes les inquiétudes : ce dernier s’est envolé au-dessus des 4 %, une première depuis 2014, creusant du coup le spread (écart de taux) avec le taux de référence allemand à plus de 200 points de base. Inacceptable pour la Banque centrale européenne qui fait de la lutte contre « la fragmentation » du marché européen de la dette souveraine (écarts trop importants entre les coûts d’emprunt des pays du Nord  les plus solides et ceux des pays du Sud de la zone euro, les plus fragiles) une priorité depuis la crise de la zone euro de 2011. Un écart qui empêche à la bonne application à l’économie de la politique monétaire.
Certes, l’écart de 200 points de base est encore loin des 600 points de base atteints au plus fort de la crise de 2011. Mais l’alerte était suffisamment sérieuse pour contraindre la BCE à sortir du bois, surtout le jour de la réunion de la Fed tant attendue par les marchés. Réuni en urgence ce mercredi, le Conseil des gouverneurs s’est donc engagé « à agir contre la résurgence des risques de fragmentation », selon le communiqué diffusé par l’institut monétaire européen. Un message déjà martelé par Christine Lagarde, présidente de la BCE, lors d’une conférence de presse le 9 juin dernier.
Comme attendu, la BCE va donc « appliquer une certaine souplesse dans le réinvestissement des remboursements arrivant à échéance dans le portefeuille PEPP (le programme de la BCE de rachat d’actifs qui prend fin, NDLR) en vue de préverser le fonctionnement du mécanisme de transmission de la politique monétaire ». En clair, ces réinvestissements (la BCE n’est pas engagée dans une réduction de la taille de son bilan comme la Fed) seront ciblés sur la dette italienne, ou d’autres pays périphériques, pour réduire la pression. Le taux italien s’est aussitôt détendu pour repasser sous les 4%. Toutefois, le spread avec l’obligation allemande est resté peu ou prou inchangé.
Pour éviter de tirer une cartouche à blanc, la BCE a surtout confirmé son intention de réunir « les comités compétents » de l’Eurosystème pour « accélérer l’achèvement de la conception d’un nouvel instrument anti-fragmentation qui sera soumis à l’examen du Conseil des gouverneurs ». Il s’agit de trouver un moyen pour lutter contre un élargissement des spreads en zone euro permanent.
« Bien que la conception de cet outil soit encore floue, l’annonce de sa mise en place devrait soulager quelque peu les marchés », estime dans une note Ulrike Kastens, économiste chez DWS. Mais, précise l’expert, cela devrait également offrir à la BCE une plus grande marge de manœuvre pour augmenter ses taux directeurs de manière plus agressive. Pour mémoire, la BCE devrait augmenter ses taux en juillet de 25 points de base, puis de 50 points de base, selon les anticipations du marché, en septembre.
De son côté, Franck Dixmier, responsable mondial de la gestion des taux chez Allianz GI, porte un regard sévère sur la communication de la banque centrale : « la BCE semble perdre ses repères. La convocation d’une réunion d’urgence à quelques heures du FOMC de la Fed, préemptant de fait l’attention des marchés, ne s’est en fait traduite par rien de nouveau par rapport à ce qui avait été communiqué la semaine dernière lors de son dernier meeting ». Beaucoup de bruit pour rien donc, et « une crédibilité qui n’en sort pas grandi ».
Pour autant, estime Laurent Denize, directeur des Investissements de Oddo BHF AM , « les banques centrales ne dévieront pas de leur objectif de casser dans l’œuf l’inflation et nous sommes dans une sorte de prise de conscience chez les investisseurs que le rythme d’inflation est et restera élevée ».
Les banques centrales devraient donc continuer de mettre en place leur politique monétaire restrictive. La Fed devrait annoncer ce soir une hausse de 75 points de base, comme le suggère ce matin le Wall Street Journal. La BCE est bien désormais dans la même épure, même si elle est partie très retard sur le cycle. Les anticipations de hausse des taux portent sur 125 à 150 points de base, qui va forcément se heurter avec le risque de fragmentation, un risque d’autant plus grand que le cycle de hausse est rapide. La BCE se trouve bien face à une équation insoluble.
Partager :
À 13h chaque jeudi, recevez l’essentiel de l’actualité du secteur de
la finance
Dernière étape : confirmez votre inscription dans l’email que vous venez de recevoir.
Pensez à vérifier vos courriers indésirables.
À très bientôt sur le site de La Tribune et dans nos newsletters,
La rédaction de La Tribune.
À très bientôt sur le site de La Tribune et dans nos newsletters,
La rédaction de La Tribune.
Découvrez l’ensemble des newsletters de La Tribune
La rédaction de La Tribune
Un e-mail contenant vos informations de connexion a été envoyé.
À très bientôt sur le site de La Tribune et dans nos newsletters,
La rédaction de La Tribune.
S’inscrire à la newsletter Finance
Sujets les + lus
|
Sujets les + commentés
1
Shanghai Automotive crée le plus grand groupe chinois automobile
2
GéoLean attend une nouvelle dynamique de son « Doing Center»
3
À quoi sert l’État actionnaire ?
4
Inflationniste rime avec simpliste
5
Poutine promet d'étendre les capacités militaires la Russie en 2023
1
63 ans en 2027, 64 ans en 2032 : Ciotti fixe les conditions du soutien de LR à une réforme « juste » des retraites (42)
2
revue T Retraites : pourquoi le patronat soutient si peu la réforme du gouvernement (39)
3
revue T Réforme des retraites : l'astuce du gouvernement pour équilibrer les comptes du régime (32)
4
revue T Travailler plus pour payer moins cher sa baguette ! (29)
5
Retraites : ce qu'il faut savoir sur le projet de réforme du gouvernement (27)
Pour être alerté par email d’une réaction à ce commentaire, merci de renseigner votre adresse email ci-dessous :
Pour être alerté par email d’une réaction à ce commentaire, merci de renseigner votre adresse email ci-dessous :
Pour être alerté par email d’une réaction à ce commentaire, merci de renseigner votre adresse email ci-dessous :
Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.
Avec
La Tribune.fr,
prenez les bonnes décisions

source

Catégorisé: