Devenir propriétaire pour une pièce de monnaie, cela sonne comme une blague. L’idée s’inscrit pourtant dans une très sérieuse politique de rénovation de l’habitat menée par la Ville de Roubaix. Le 21 mars, cette commune du Nord a officiellement lancé son dispositif « Maison à 1 euro avec travaux ». Typiques de la région, 17 demeures mitoyennes en briques, vacantes et dans un état dégradé, sont mises sur le marché. Elles appartiennent à la métropole lilloise (de laquelle dépend Roubaix), à la Ville ou à un bailleur social. Une fois sélectionnés sur dossier, les acquéreurs s’engageront à financer la rénovation de leur logis. Ils devront aussi en faire leur résidence principale pour six ans au moins.
Le dispositif doit profiter à tous : des personnes éligibles au logement social vont pouvoir devenir propriétaires pour la première fois ; les voisins vont voir l’atmosphère de leur rue s’améliorer ; la collectivité va cesser de supporter les frais d’un bien abandonné. Entre 5 000 et 6 000 logements sont vacants à Roubaix, qui compte 96 000 habitants. Parmi eux, au moins 2 000, dans un état dégradé, le sont depuis plus de cinq ans. Pour leur redonner vie, la municipalité s’est inspirée d’un programme mené à Liverpool. La cité du nord-ouest de l’Angleterre voulait réhabiliter certains de ses quartiers défavorisés. En 2013, elle a ainsi mis en vente une vingtaine de maisons abandonnées, pour le prix d’une livre (soit 1,15 euro à l’époque), et plus de 100 autres en 2015. « Notre territoire a beaucoup de points communs avec Liverpool, explique Milouda Ala, adjointe en charge du logement à Roubaix et élue au conseil régional des Hauts-de-France. Comme nous, Liverpool a connu un essor industriel puis un déclin, elle a une volonté forte de s’en sortir, de créer une dynamique économique et d’améliorer son image. »
A Liverpool, la vente était réservée à des personnes travaillant, habitant ou ayant de la famille dans la ville. Ce ne sera pas strictement le cas à Roubaix. « On sait qu’on va faire face à énormément de candidatures, poursuit Milouda Ala. On veut privilégier les habitants de notre territoire, sans être discriminatoire. » La sélection se fera en deux temps. Seront d’abord retenus les dossiers répondant aux trois critères de base : ne pas avoir été propriétaire dans les deux années écoulées, ne pas dépasser certains plafonds de ressources (32 140 euros par an pour un ménage de deux personnes, par exemple), avoir la capacité financière pour mener à bien les travaux. Ensuite, la sélection sera affinée à partir d’un système de notation. « Par exemple, 5 points seront attribués aux habitants de Roubaix, 4 à ceux de Lille, etc. », poursuit l’adjointe. Les candidats travaillant dans la ville seront aussi favorisés, ainsi que les couples avec enfants par rapport aux personnes seules. La date limite pour envoyer son dossier a été fixée au 31 mai. Les résultats seront livrés à l’automne, et les ventes, signées devant notaire début 2019. Place ensuite aux travaux, qui devraient coûter entre 60 000 et 130 000 euros, en fonction des maisons et des talents de bricoleur des acquéreurs, certains pouvant réaliser eux-mêmes les travaux de finition. « Cela correspond à un coût de 1200 à 1500 euros le mètre carré, détaille l’adjointe au logement. Ce qui ne casse pas le prix de l’immobilier roubaisien. »
La rénovation d’un seul logement par rue suffira à améliorer le cadre de vie. « Mettez-vous à la place des voisins, argumente Milouda Ala. Quand une maison mitoyenne est laissée à l’abandon, leurs frais de chauffage augmentent ainsi que toutes sortes de risques : celui des nuisibles comme les rats, des infiltrations, de squat ou de trafic de drogue. » Pour Olivier Razemon, l’expérience vaut la peine. Ce journaliste indépendant est l’auteur de Comment la France a tué ses villes (Rue de l’échiquier, 2016), une enquête sur la dégradation des centres-villes et un aperçu des solutions pouvant mettre fin à cette crise. « La revitalisation des villes n’est pas seulement une affaire de commerces vides, comme on le croit souvent, souligne-t-il. L’habitat souffre également, et toutes les initiatives pour repeupler les villes sont bonnes à prendre. »
Le dispositif roubaisien devrait essaimer. La mairie a déjà reçu des demandes de renseignements en provenance de la Normandie, de la Belgique et du Danemark. Thouars, bourgade des Deux-Sèvres, a mis en place un programme similaire. A Saint-Sulpice-les-Champs, dans la Creuse, des terrains à 1 euro sont proposés pour repeupler ce village de 377 âmes.
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