Elles se sont inquiétées, dans une tribune parue dans « le Monde », « de ne plus pouvoir rien dire », de « ne plus pouvoir draguer », elles développent leurs doutes quant à la libération de la parole qui a suivi l’affaire Weinstein, avec les mots d’ordre #MeToo et #BalanceTonPorc, dénonçant le puritanisme qui entoure ces mouvements. Dans ce collectif de 100 femmes, qui veut défendre la liberté sexuelle, l’actrice Catherine Deneuve, l’écrivaine Catherine Millet, l’éditrice Joëlle Losfeld, la présentatrice radio et ex-star du porno Brigitte Lahaie. Toutes ou presque se revendiquent féministes… Mais leur plaidoyer contre « la haine des hommes », en faveur de « la liberté d’importuner », ne passe pas. « Mépris », « vieux monde »… Mercredi, un collectif de 30 féministes a riposté, estimant que ces 100 étaient à côté de la plaque et qu’elles ne faisaient, en fait, que banaliser une violence faite aux femmes, en la mettant au rang de « drague lourde ». Même volée de bois de vert sur les réseaux sociaux avec, comme cible privilégiée, Catherine Deneuve.
36 ans, auteur, écrivaine, coauteur de la tribune «Des femmes libèrent une autre parole»
Votre tribune dérange, provoque. Était-ce le but ?
Peggy Sastre.
Je conçois qu’elle puisse choquer. C’est le signe qu’on touche une corde sensible. Par rapport à cette vague de « libération de la parole », il ne s’agit pas d’une parole contre, c’est une parole en plus, celle de femmes qui croient à l’autonomie des femmes et qui pensent que la liberté sexuelle ne va pas sans la liberté d’importuner.
Qu’est-ce qui vous a incitées à l’écrire ?
Le retour à une forme de puritanisme. Depuis l’affaire Weinstein et #balancetonporc, c’est comme si les hommes et les femmes étaient deux tribus ennemies. On aurait d’un côté les hommes, qui seraient des prédateurs, et de l’autre des Petits Chaperons Rouges féminins prêts à se laisser dévorer. Ce statut de femmes victimes obligatoires, cela me dérange. Car, dans la réalité, la plupart du temps, les deux sont complices, ils collaborent. Dans l’affaire Weinstein, par exemple, j’aurais aimé aussi entendre les femmes qui avaient couché en toute connaissance de cause comme monnaie d’échange pour décrocher un rôle, sans le regretter une seconde.
Votre texte va bien au-delà de la défense de la drague. Vous prenez le parti de l’indifférence face, par exemple, aux frotteurs dans le métro…
Que les choses soient claires, nous ne nions pas, ni ne minimisons la violence des agressions et le traumatisme que peuvent subir des femmes. Simplement, pour certaines femmes, ce n’est pas forcément vécu comme une atteinte à la dignité. Ce n’est pas forcément un traumatisme définitif et durable.
Jusqu’où un homme peut-il aller pour satisfaire son désir ? A-t-il le droit de tout tenter ?
Tout tenter, non ! Il y a des limites. Mais on peut aussi avoir le droit de ne pas être choqué par certains gestes. Mais mettre sur le même plan une main baladeuse qui effleure un genou et un viol, on tombe dans l’ordre moral. A ma connaissance, un genou n’est pas un objet sexuel. Ou alors, si on décrète que cela en est un, il faut le couvrir, mettre une jupe longue, mettre des gants comme au temps de la reine Victoria.
Ancienne ministre des droits des femmes, sénatrice PS de l’Oise (Hauts-de-France)
Comprenez-vous qu’on puisse défendre la liberté « d’importuner » des hommes, au nom de la liberté sexuelle de chacun ?
Ce qui me désole le plus, c’est que ce soit des femmes qui le fassent. C’est leur droit et je ne leur conteste pas mais la manière dont elles le font est irresponsable, car cela revient à dénier le statut de victime en cas d’agression sexuelle alors que les femmes sont tout juste en train de prendre conscience que c’est inacceptable et de dire « stop ! ça suffit ! »
Où est l’imposture ?
Sous prétexte d’un plaidoyer contre le puritanisme, cette tribune se range en fait du côté des prédateurs. Ces femmes confondent le libertinage avec le harcèlement sexuel. Elles défendent les jeux sexuels entre les deux sexes, mais pas un mot sur le petit chef qui coince ses collègues à la photocopieuse. Or cela, c’est tout sauf un jeu ! C’est une violence et un délit pénal.
Pouvoir draguer et aimer se faire draguer, est-ce un crime ?
Bien sûr que non ! Plaire, vouloir séduire, c’est normal. Mais quand je lis qu’une femme face au frotteur qui s’en prend à elle dans le métro « peut l’envisager comme l’expression d’une misère sexuelle, voire comme un non-événement », les bras m’en tombent. On se demande bien quand les auteurs et signataires de ce texte ont pris le métro pour la dernière fois. Elles font comme si chaque femme était en position de dire « oui » ou « non ». Elles ignorent délibérément l’abus de pouvoir dont jouissent les prédateurs.
Ce seraient elles, au fond, les vraies archaïques ?
Bien sûr, tout cela nous renvoie au sempiternel discours sur la mythique sexualité irrépressible des hommes et le devoir des femmes d’y répondre. Pour elles, l’homme est le conquérant, la femme est la proie ; si ce n’est pas une incarnation de l’ordre sexuel traditionnel, je n’y comprends plus rien. Moi, je ne crois pas que les femmes puissent accéder à l’égalité tant qu’elles sont vues comme des objets sexuels qu’on peut bousculer un peu pour les convaincre.
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