Eric Le Boucher
Temps de lecture: 2 min
Après la guerre commerciale, avec les taxes décidées par Donald Trump, après la guerre technologique, avec le bannissement de Huawei aux États-Unis, voici la guerre des monnaies entre Washington et Pékin. Lundi 5 août, le renminbi (la monnaie chinoise dans les relations financières extérieures) est passé sous la barre de sept renminbis pour un dollar sur laquelle il était assis depuis 2016 sans jamais la franchir. L’administration Trump a immédiatement réagi en accusant la Chine de «manipuler sa monnaie».
Les négociations entre les deux puissances pour mettre fin à leurs désaccords traînent en longueur depuis dix-huit mois. Donald Trump était jusqu’à présent convaincu de gagner facilement puisque la Chine, la grande gagnante de la mondialisation, a plus besoin des marchés occidentaux que l’inverse. Sa longue série de taxes imposées aux produits chinois à l’entrée aux États-Unis, depuis les panneaux solaires jusqu’à la propriété intellectuelle, n’ont pas fait de dégâts considérables à la croissance chinoise. Pas encore. «Une hausse réciproque de 25% des tarifs sur les importations amputerait le PIB américain de 0,6% et celui de la Chine de 1,5%, selon le Fonds monétaire américain», rapportent Les Échos.
Mais l’attaque intervient sur une Chine en transformation, elle n’est pas encore capable de se découpler du marché américain, ni de ses technologies et surtout très embarrassée par les manifestations à Hong Kong.
La tactique chinoise était donc jusqu’ici dilatoire: gagner du temps en attendant que Trump soit remplacé. Dans les négociations, Pékin joue ainsi avec le chaud (faire des gestes) et le froid (revenir dessus). C’est ce qui agace prodigieusement l’impatient président américain, et c’est pourquoi il augmente la pression mois après mois en rajoutant une tranche supplémentaire de droits de douane.
Le mouvement sur le renminbi montre que Pékin a cette fois-ci changé de tactique: le président Xi montre les dents. Et, en effet, il manipule sa monnaie. Le taux de change du renminbi en dollar est fixé tous les matins par la banque centrale de Chine; il s’agit en fait d’une fourchette avec un taux pivot autour duquel le marché est autorisé à fluctuer de 2%, en plus ou en moins. Ledit marché étant constitué pour l’essentiel par les grands groupes chinois qui y financent leurs opérations extérieures, le franchissement du seuil de 7 pour 1 a évidemment été décidé par la banque centrale, c’est-à-dire la Cité interdite, c’est-à-dire Xi Jinping lui-même.
Il n’est pas moins évident que cette dévaluation compense en petite partie l’effet des droits de douane de Trump: les produits chinois coûteront moins cher en dollar avec un renminbi dévalué. Autant le rapport de force sur le plan commercial et celui du droit de propriété intellectuelle sont favorables aux États-Unis, autant sur la monnaie, la Chine a une puissance de feu réelle grâce aux milliards d’avoirs en dollars qu’elle détient. Jusqu’où peut aller Xi? Personne ne le sait en dehors de Pékin. Probablement pas très loin puisque d’une part, une baisse du renminbi peut provoquer une fuite des capitaux privés chinois, et surtout parce que d’autre part, la Chine importe aujourd’hui autant qu’elle exporte. Sa balance très excédentaire qui avait motivé au départ l’ire trumpienne s’est équilibrée ces mois derniers. Pékin n’a aucun intérêt à mener une guerre monétaire à outrance.
Il n’empêche que le tir a eu lieu. Jusqu’à présent, les gouvernements du monde n’avaient pas ouvert ce front. C’est fait aujourd’hui. Le risque le plus gros est que Trump, attiré sur ce terrain neuf à quinze mois de l’élection présidentielle, s’y trouve bien et réponde. Il peut réorienter le canon… sur l’euro. Le président américain a pointé la Banque centrale européenne depuis un an, pour lui reprocher de maintenir des taux bas afin de faire baisser l’euro. Trump peut être très tenté de renforcer cette accusation à la fois pour faire diversion face à son impuissance devant la Chine et parce qu’il a prévenu qu’il allait s’en prendre aux voitures allemandes. Bref, la guerre monétaire pourrait faire une victime certaine: l’Europe.
Eric Le Boucher
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