Arnaud Montebourg a trouvé le responsable de la crise en Europe: c’est l’euro fort, qu’il faut dévaluer de 10%. Quels problèmes pose réellement l’appréciation de la monnaie commune européenne?
L'euro est-il surévalué? "Ce sont les marchés qui déterminent sa valeur" rappelle Christophe Blot.
L'Express
“Nous avons la zone la plus dépressive au monde et la monnaie qui s’apprécie le plus au monde. Cette situation est ubuesque”. Dans Les Echos ce lundi, Arnaud Montebourg en remet une couche sur l’euro fort qui “annihile les efforts de compétitivité” du gouvernement. Pour soutenir le pacte de responsabilité, qui fait lui-même suite au pacte de compétitivité, il faudrait donc dévaluer la monnaie commune “de 10%” pour gagner 1,2 points de croissance et 150 000 emplois. L’euro fort est-il le bouc émissaire idéal pour un gouvernement en panne d’idée, ou bien un réel problème pour notre économie? Procès.
L’inconvénient majeur d’une monnaie trop forte est qu’elle gêne la compétitivité des entreprises à l’export. “Quand vous vendez des biens en euro à un acheteur dont la monnaie est moins évaluée, il paie une prime sur le taux de change”, explique Christophe Blot, économiste à l’OFCE. “Ce qui rend évidemment le bien moins attractif”. “Mais même quand vous vendez des biens en dollar, comme Airbus“, poursuit l’économiste, “l’appréciation croissante de l’euro peut faire baisser les profits, car ils doivent être convertis en euro dans les bénéfices.” L’euro vaut aujourd’hui 1,36 dollar. Fabrice Brégier, patron d’Airbus, s’est récemment plaint sur BFM de son appréciation par rapport au dollar.
En revanche, une monnaie forte est un atout pour le pouvoir d’achat. Elle permet de payer les biens étrangers, comme l’essence à la pompe, moins cher. Revers de cette médaille, elle rend aussi les biens étrangers plus compétitifs: c’est ainsi que les constructeurs japonais peuvent vendre leurs voitures moins chères aux automobilistes européens. Un euro plus évalué que l’ensemble des autres monnaies, précise l’économiste, représente donc effectivement une gêne pour la compétitivité de la zone euro.
Comment la BCE pourrait-elle agir sur la valeur de l’euro? “Ce sont les marchés qui déterminent la valeur de l’euro”, rappelle Christophe Blot. “Il est coté librement sur les marchés, et la BCE n’est pas intervenue pour le soutenir depuis les années 2000”. La BCE dispose en effet de deux leviers d’intervention: elle peut intervenir directement sur le marché des changes en vendant de l’euro et en achetant du dollar, du yen ou de la livre anglaise, ce qui doit faire baisser son cours. Mais cette politique, si elle est faite de façon unilatérale, “a assez peu d’effet”. Pour que le message adressé aux marchés soit le plus clair possible, il faut la coordonner avec les autres banques centrales. Et pour cela, se mettre d’accord avec elles sur une politique monétaire mondiale. Difficile, pour ne pas dire impossible.
Le deuxième levier est indirect. Il consiste à avoir une politique monétaire plus expansionniste que celle des voisins, en promettant des taux bas sur une longue période pour le financement des entreprises. Le moment serait bien choisi, assure Christophe Blot, puisque la Fed américaine et la Banque centrale britanniques se sont mis à fermer leurs robinets, ce qui va faire apprécier leur monnaie. Mais cela signifie se lancer dans une guerre des monnaies contre nos partenaires commerciaux.
Une baisse de l’euro de 10% par rapport à l’ensemble des monnaies mondiales “pourrait avoir des avantages assez importants pour les économies de la zone euro”, confirme Christophe Blot, et les chiffres cités par Arnaud Montebourg sont “dans un ordre de grandeur possible”. Prendre des mesures de compétitivité avec un euro plus fort que les autres monnaies, “c’est avoir le vent de face”, assure l’économiste. En outre, en faisant grimper le prix des produits importés, l’euro plus faible éloignerait le spectre de la déflation. Une véritable martingale.
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