L'euro a plongé sous le seuil de 0,99 dollar le 5 septembre 2022.
afp.com/Denis CHARLET
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C’est une première depuis décembre 2002, année de la mise en circulation de l’euro. La monnaie européenne a plongé sous le seuil de 0,99 dollar lundi 5 septembre. L’euro reculait de 0,24% à 0,9930 dollar à 17 h 55 à Paris, après avoir chuté jusqu’à 0,9878 dollar dans la matinée. Depuis le début de l’année, la monnaie européenne a perdu 13% face au dollar. 
Ludovic Subran, chef économiste d’Allianz, explique pourquoi la monnaie européenne pâtit des craintes pour l’économie européenne après l’annonce vendredi 2 septembre de l’arrêt complet du gazoduc Nord Stream 1 par le russe Gazprom.  
L’Express : Depuis le début de l’année, l’euro ne cesse de s’affaiblir face au dollar. Comment expliquer que la monnaie européenne cède toujours un peu plus de terrain face au dollar ? 
Ludovic Subran : La principale raison, ce sont les craintes liées à la crise énergétique et la façon dont nous allons la gérer en cette fin d’année 2022. Nous voyons que les craintes d’une récession et d’un scenario de black-out sont à leur maximum en Europe. De plus, la banque centrale américaine a monté ses taux d’intérêt vite et fort alors que l’Europe reste très en deçà, ce qui crée un différentiel de taux d’intérêt réels important et pousse les investisseurs à préférer les obligations américaines aux européennes, pesant sur l’euro/dollar. 
En outre, l’Allemagne est pour la première fois depuis deux décennies en situation de déficit commercial. L’excédent commercial de la zone euro est doublement mis à mal : le ralentissement de croissance et la politique de “zéro Covid” menée par la Chine pèsent sur les exportations, et la facture énergétique à l’import explose. Le commerce extérieur européen va donc être durablement affecté, et ainsi la force de l’euro. 
Depuis le début de l’année, la monnaie européenne a perdu 13% face au dollar. Quelles sont les perspectives pour ces prochains mois ? Le déclin de l’euro va-t-il se poursuivre ? 
L’euro devrait retrouver sa parité face au dollar d’ici 2023. Il n’y a pas de raison que la monnaie européenne reste en dessous de la parité. Une fois que l’on verra plus clair, que la BCE aura fait ce qu’elle peut et que la banque centrale américaine, la Fed, aura atteint son objectif de resserrement des conditions monétaires, on devrait donc retrouver la parité euro/dollar. Les prévisions d’Allianz pour l’année 2023 estiment que le niveau de l’euro/dollar sera à 1,10, ce qui est en dessous du niveau avant le début du conflit en Ukraine, à cause des effets cicatriciels de la crise énergétique en Europe. 
Pour que l’euro reste en dessous du dollar, il faudrait que l’Europe, déjà pénalisée durablement par rapport aux Etats-Unis à cause de sa dépendance énergétique, échoue et sur la réforme du marché de l’électricité, et sur son plan Marshall vert. 
Pourquoi le dollar continue-t-il de profiter de son statut de valeur refuge ? 
Le privilège exorbitant du dollar est toujours là malgré les appels du pied des BRICS pour une forme de “dé-dollarisation”. En ce moment, le dollar est plus fort que l’euro n’est faible et c’est à cause de la peur d’une récession mondiale, et de l’incertitude géopolitique grandissante.  
Quelles sont les conséquences concrètes de cette plongée de l’euro pour les citoyens et les entreprises ? 
Quand l’euro baisse de 10% en taux de change effectif, cela se traduit généralement par 0,2 point d’inflation importée de plus et l’on assiste donc à un effet inflationniste supplémentaire. Les conséquences portent surtout sur le coût et donc les marges des entreprises ainsi que sur le pouvoir d’achat des ménages. Les entreprises qui réalisent beaucoup d’importations en dollars ou encore les ménages qui importent des produits de l’étranger sont particulièrement touchés.  
On peut également évoquer l’effet positif sur l’attractivité, c’est-à-dire que dans ces périodes où l’euro est plus faible, la France devient moins coûteuse pour s’implanter et produire. Cela veut aussi dire qu’il faut éviter que cette faiblesse relative de l’euro fasse le bonheur des Etats-Unis dans leurs quêtes d’actifs bon marché. Même si pour les actifs stratégiques, nous avons davantage d’outils de contrôle aujourd’hui. 
Enfin, un autre sujet pourrait se poser à l’avenir : l’attractivité des rendements européens. En clair, est-ce que nous sommes toujours attractifs avec un euro faible pour les investisseurs étrangers qui achètent de la dette ou des actions européennes ?  
La livre sterling a également flanché. La monnaie britannique a reculé lundi en début de séance jusqu’à 1,1444 dollar, un nouveau plus bas depuis le confinement de mars 2020 et le choc du début de la pandémie de Covid-19… 
Le Brexit avait déjà contribué à la hausse de l’inflation au Royaume-Uni et à la baisse de la livre sterling. Les déficits jumeaux (budgétaires et courants) du Royaume-Uni explosent et affaiblissent la livre sterling. Le Royaume-Uni a besoin de l’épargne du reste du monde pour fonctionner. L’incertitude politique qu’il connaisse sur la gestion de la crise énergétique en pleines élections leur est très coûteuse. 
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