Le Rapport Alternatif Sur l’Afrique lancé ce mardi 25 Mai dans une dynamique de faire focus sur l’élaboration des rapports qui reflètent réellement la sensibilité et le vécu des africains dans les différents milieux où ils se trouvent, a révélé une ambition des institutions africaines dans la souveraineté, notamment celle économique. Il est sorti de cet axe de souveraineté numérique la question du CFA vers l’Éco.
« La monnaie unique CEDEAO ne pourra pas permettre une mobilisation souveraine de
ressources »
Face aux divers problèmes que pose le franc CFA, de nombreux observateurs pensent que la monnaie unique de la CEDEAO pourrait être une voie de sortie par le haut. Cette opinion tenue pour évidente dans les cercles panafricanistes ne va pas de soi.
Le RASA renseigne que la monnaie unique de la CEDEAO, telle qu’elle a été conçue jusqu’ici, ne serait qu’une alternative symbolique au franc CFA. Elle ne permettrait pas une meilleure mobilisation des ressources domestiques puisqu’étant basée sur la même logique monétariste que le franc CFA. Avec la priorité accordée à la lutte contre l’inflation sur fond de scission entre la politique monétaire et la politique budgétaire.
D’ailleurs, le copier-coller mimétique des « critères de convergence » importés de la zone euro (des critères/conditions préalables que l’Allemagne a mis en place pour se dispenser de toute solidarité vis-à-vis de ses voisins européens) est l’une des raisons pour lesquelles elle tarde à voir le jour.
Quelles options de transition du franc CFA à l’ÉCO ?
L’histoire de l’Union Européenne de Paiements UEP entre 1950 et 1957, préalable au traité de Rome instituant le marché commun européen, instruit sur la capacité d’un accord plus « léger » que celui d’une monnaie unique a contribué à renforcer le processus d’intégration entre pays et donc préparer les conditions pour le passage à des formes d’intégration plus intenses.
Le nouveau rapport du RASA renseigne à cet effet, qu’un Éco réel fondé sur la convergence réelle, celle du PIB/tête et non plus, comme dans le cas de l’Éco-CFA, sur le respect des critères nominaux de converger vers le trio de tête que constituent le Cap-Vert, le Nigéria et le Ghana. L’Eco aurait un régime de change flexible encadré par un ciblage de l’inflation. La dynamique de convergence serait alors tout autre et les Etats de l’UEMOA perdraient leur statut de bons élèves de la convergence et donc de tracteurs du processus de mise en œuvre de l’Eco.
« La crise de la Covid-19, un analyseur sur les enjeux de souveraineté »
Sous ce rapport, la crise de la Covid-19 a été un analyseur de par ses impacts et une opportunité de rupture à saisir pour mettre en exergue les enjeux de cette quête de souveraineté. Après avoir mis en évidence ses conséquences économiques, sanitaires et sociales, les auteurs montrent que l’option dictée par l’Organisation de coopération et de développement économiques OCDE, est celle d’un retour à la croissance fondée sur une stratégie d’émergence au travers de la promotion des Investissements directs étrangers IDE, du développement des Zones Économiques Spéciales, de la baisse des droits de douanes…
Ce retour à la normalité est synonyme d’un maintien dans un système économique mondialisé qui s’est révélé incompatible avec une souveraineté économique et politique des pays africains. C’est en ce sens qu’il a été conclu dans le rapport, que pour l’Afrique à venir, une voie lucide est celle de la déconnexion telle que préconisée par l’économiste égyptien Samir Amin. L’exercice de la souveraineté ne peut se faire sans une stratégie de déconnexion vis-à-vis du système capitaliste mondialisé.
Ce rapport soutient également que l’Afrique est beaucoup plus dépendante du monde extérieur pour ses idées sur la signification opérationnelle du développement socio-économique et sur la manière dont il devrait être réalisé. Dans cette mouvance, il postule que « le développement dans sa dimension économique ne saurait s’amorcer sans insister sur l’importance de l’articulation à trouver avec le « capital relationnel », qui est une des focales par lesquelles nous devons penser la soi-disant « informalité » dans les dynamiques productives africaines et l’urgente nécessité d’augmenter la production et la diffusion des savoirs intrinsèques à l’Afrique ».
En avançant une telle thèse, le RASA plaide pour la construction de nouveaux paradigmes, la valorisation des savoirs endogènes, l’élaboration d’un nouvel appareillage méthodologique et la rupture avec la linéarité qui enferme le continent dans le carcan conceptuel et méthodologique du néolibéralisme économique. Face à cela, les États africains tentent d’organiser des résistances au travers d’initiatives panafricaines. Le lancement de la ZLECA Zone de Libre-Échange Continentale Africaine le 1er janvier 2021 est apprécié avec réserves dans ce rapport dans lequel les auteurs estiment que la ZLECA doit être un instrument de décolonisation économique et peut permettre d’amortir les effets des accords de partenariat économique signés avec l’Union Européenne à condition que les accords précédemment conclus soient rendus caducs.
Au niveau des pays, le rapport recommande quelques voies pour retrouver une souveraineté alimentaire, un tissu industriel fort et autonome et une gestion des ressources minières moins extravertie. Dans le domaine de l’industrie, le rapport propose d’explorer une stratégie qui consiste à renoncer à l’insertion dans les chaînes de valeur mondiales.
Enfin, pour évaluer la souveraineté économique, les auteurs ont passé en revue la coopération Chine-Afrique en se demandant si l’Afrique était condamnée à rester dans un rôle de réservoir de matières premières et de débouchés pour l’hégémonie industrielle chinoise.