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Le benjamin de la Société des explorateurs français parcourt les territoires les plus sauvages au monde pour faire découvrir autrement notre planète à travers des documentaires.
Lecture en 3 min.
Eliott Schonfeld, aventurier au naturel
Eliott Schonfeld a choisi le terme de « ré-explorateur » pour se qualifier.
Samuel Buton
Certains en rêvent toute leur vie. Lui l’a décidé à 21 ans, sur les bancs de la fac de philo qu’il n’a pas tardé à abandonner. Depuis près de sept ans, Eliott Schonfeld parcourt les endroits les plus sauvages de la planète, à pied, à cheval, avec des chiens de traîneau ou en pirogue. Métier : explorateur ? Le mot peut paraître anachronique à l’heure de Google Earth, reconnaît le jeune aventurier, préférant « ré-explorateur ». Car il s’agit bel et bien, pour ce Parisien qui a grandi en proche banlieue, au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), de découvrir autrement une planète à laquelle la civilisation l’avait rendu presque étranger.
En Islande, en Alaska, dans le désert de Gobi, aux côtés des nomades mongols ou des Rautes, l’une des dernières tribus de chasseurs-cueilleurs d’Asie qu’il a suivie dans la jungle népalaise après sa traversée de l’Himalaya en solitaire il y a deux ans… Ses expéditions en autonomie totale l’ont convaincu que cette vie urbaine, « aseptisée », dans laquelle il dépendait en tout de son smartphone, n’était pas « la vraie vie ».
« D’une certaine façon, j’avais oublié que la nourriture ne poussait pas dans les rayons des supermarchés, glisse-t-il avec l’humour qui le caractérise. L’homme est devenu si dépendant de la technique qu’il ne sait plus survivre ni même vivre dans la nature. » Aussi ce représentant d’une génération consciente des menaces qui pèsent sur la planète aspire-t-il de plus en plus à se dépouiller de tout matériel industriel et à subvenir à ses besoins par lui-même.
Mais le chemin est encore long. Sa dernière expédition l’a conduit à éprouver ses limites comme jamais. Seul pendant quarante-six jours dans la jungle amazonienne, en pirogue puis à pied, Eliott Schonfeld est parti l’été dernier sur les traces de Raymond Maufrais, disparu en 1950, à l’âge de 23 ans, alors qu’il tentait de traverser la Guyane française dans l’espoir de rencontrer une tribu d’Indiens jamais approchée. Avec, pour guide, le carnet de bord de l’explorateur retrouvé dans la jungle après sa mort (1).
Le désir de Maufrais, à contre-courant de son époque, de « quitter la civilisation pour les lieux sauvages, rencontrer les peuples primitifs et retrouver ses instincts oubliés » faisait intimement écho à sa propre quête. « Plus que d’autres, explique Eliott Schonfeld, il était sensible au brouhaha, à la violence, à la perte de sens de la société d’après-guerre qui s’urbanisait et s’aliénait dans la consommation. »
Comme Maufrais, mais avec plus de chance, il reconnaît s’être « un peu laissé dépasser » par ce rêve de jungle amazonienne. Malade une nuit, il croit mourir. Il reviendra finalement sain et sauf de ce périple qu’il achève en mangeant du couac (semoule de manioc) pourri. Amaigri de 15 kg. Mais sans avoir perdu son naturel joyeux. « La fatigue créée par la faim a entraîné tous les autres problèmes de Maufrais. J’aurais moi-même dû emporter plus de nourriture », reconnaît Eliott Schonfeld, qui, selon son propre aveu, redouble d’habitude de prudence. « Je crois qu’une part un peu inconsciente de moi voulait tellement le rejoindre dans ce qu’il avait vécu que j’ai fait en sorte de me mettre dans la même situation », analyse-t-il encore, soucieux pourtant quand il part de ne pas inquiéter sa famille ni sa compagne.
Secouru par des Indiens, il apprendra presque davantage des trois jours passés avec eux que de toute son expédition. « J’ai soudain découvert la jungle à travers leurs yeux, raconte-t-il, intarissable. J’ai compris que j’étais passé à côté car mes sens n’étaient pas expérimentés pour voir, pour entendre. Tout est vert et il faut être entraîné pour déceler un détail. Comme ils parlaient dans leur langue, je ne comprenais ce qu’ils disaient que lorsqu’ils revenaient avec, dans les mains, l’animal mort qu’ils venaient de chasser ! Nous, on ne voit que des plantes, eux repèrent celles dont les graines permettent de faire des appâts, le bois pour les cannes à pêche, les feuilles qui empêchent le poisson pêché de pourrir… »
Aujourd’hui, Eliott Schonfeld rêve de poursuivre sa quête d’autonomie à leurs côtés pour apprendre l’art de la vie en milieu sauvage. Après avoir un temps alterné études, petits boulots et expéditions, cet amoureux de littérature et de grands espaces vit désormais, à 27 ans, pleinement de sa passion en proposant des films documentaires pleins d’esprit et de fraîcheur lors des festivals et en écrivant (2). Dans l’espoir que ses récits, modestement, encourageront à changer nos modes de vie consuméristes. En octobre 2019, Himalaya, la marche au-dessus (diffusé sur Ushuaïa TV) a reçu le prix des jeunes de la ville de Dijon au dernier festival des Écrans de l’aventure.
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Enfant, je rêvais d’aventure devant les films de l’explorateur Nicolas Vanier. Mais ce qui a été vraiment déterminant, ç’a été ma première expérience de la nature sauvage, à 19 ans, en Australie. J’étais parti en randonnée sur l’île Fraser, pendant une semaine. Avec pour seule nourriture un sachet de pain de mie, un paquet de pâtes et un pot de Nutella, pensant me ravitailler au camping. Mais il n’y avait aucun magasin…
Pour la première fois, j’ai ressenti la faim, la soif, la fatigue physique. Je me suis senti vivant. J’ai découvert la liberté, la solitude, le silence, un sens, une profondeur, une joie jamais éprouvée… J’ai compris que l’homme faisait partie de la nature mais l’avait oublié. Que c’était la plus belle chose et que je voulais y passer mon temps.

(1) Aventures en Guyane. Journal d’un explorateur disparu, Raymond Maufrais, Points, 320 p., 7,80 €. (2) eliottschonfeld.com
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