Langue sauce piquante
Le blog des correcteurs du Monde.fr
Fric, flouze, pèze, braise, carbure, pognon, grisbi, blé, biscuit, galette… mille vocables te disent, ô déesse Moneta, toi dont le nom sortit du latin monere : mettre en garde, avertir ; Moneta, un des surnoms de Junon, Juno Moneta.
Voilà quelques années (tempus fugit !), nous reçûmes un fort prenant texte de Maurice Olender intitulé “Mot, monnaie et démocratie : lieux communs de l’intime” *. LSP étant souvent d’une furieuse paresse, nous ne l’avions pas encore évoqué, mais l’actu’ fiscalo-cahuzaco-paradisiaque nous entraîne ô combien à le faire. Ainsi Monnaie, tu fus (tu l’es plus que jamais) déesse : “Ovide rappelle, avec d’autres, que la déesse Monnaie a son sanctuaire sur les hauteurs de l’arx Capitolina — où se trouve aujourd’hui l’église de l’Aracoeli. Tite-Live précise qu’un atelier était attaché à son temple où l’on pouvait frapper de la monnaie.” Ce côté pratique des dieux…

Mais Monnaie, précise, rappelle, Maurice Olender, “n’est pas uniquement spécialiste des finances. La déesse au nom sonore est aussi une parole de vérité qui annonce un danger imminent quand Cicéron dit qu’un jour on a entendu une voix sortant du temple de Junon, prévoyant une catastrophe : un tremblement de terre.” Et les oies du Capitole, prévenant par leurs cris d’une invasion gauloise, “furent peut-être élevées dans l’enceinte du temple de la Monnaie”.
Finances, mise en garde,… mémoire : “D’autres textes identifient [Juno Moneta] à la Mémoire. Moneta n’est-elle pas une transposition latine de Mnêmosúnè, la Mère des Muses ?”
Monnaie, fausse monnaie, vérité de l’alliage, menterie… “Du mensonge invisible à la découverte de la fraude, de la fausse parole à la fausse monnaie, le viol public entame la confiance de chaque citoyen. Les usages sociaux transgressés, les liens du commun volent en éclats.” “Blessure” sociale, parole falsifiée.
“Nombreux sont les discours, anciens et modernes, qui ont conçu des images monétaires de la langue.« Penser la langue comme un “métal d’alliage”. »  Ainsi Rivarol considérant que « les racines des mots sont “comme une monnaie que chaque peuple a chargée de son empreinte” ». Entendre Celan, chez qui “on trouve de la marque monétaire. Notamment pour dire le souffle vital de la langue dans la Niemandsrose [La Rose de personne], où on lit :
Brich dir die Atemmünze heraus
aus der Luft um dich und den Baum

Arrache la monnaie de ton souffle
à l’air autour de toi et l’arbre”.

Entendre Mallarmé, dans Or,
qui « oppose “la clarté radieuse avec des mots”, que profère l’écrivain,
au
“défaut de la monnaie à briller abstraitement” ».
Laissons-nous entraîner par Stéphane puisque nous y incite, texte voyageur, “Mot, monnaie et démocratie…” :
“Fumée le milliard, hors le temps d’y faire main basse : ou, le manque d’éblouissement voire d’intérêt accuse qu’élire un dieu n’est pas pour le confiner à l’ombre des coffres en fer et des poches.”
 * * *
* Maurice Olender, “Mot, monnaie et démocratie : lieux communs de l’intime”, dans Origines du langage. Une encyclopédie poétique, sous la direction d’Olivier Pot, dans Le Genre humain 45-46, Seuil, 2007, p. 523-549 (suivi d’un “échange” avec Jean Starobinski, p. 551-555).
(images cueillies dans L’Argent, de Marcel L’Herbier, 1928)
rapidement le circonflexe nous reçûmes .
Merci pour ces « divagations ».
Une chanson qui commence un peu comme l’article d’aujourd’hui…
http://www.dailymotion.com/video/xvkx5w_francois-beranger-combien-ca-coute-en-public_music#.UWXvChzkP2E
Bientôt dix ans que le crabe l’a fait taire…
Pour ceux qui dispose du navigateur firefox, saisissez dans la barre d’adresse :
about:mozilla
et vous devriez lire :
Mammon s’était endormi. Et la bête réincarnée se répandit sur la terre et son nombre se fit légion. Et ils parlèrent au Temps et ils firent l’offrande de leur moisson au feu, avec la ruse des renards. Et ils bâtirent un nouveau monde à leur image comme le promettaient les paroles sacrées, et ils parlèrent
de la bête avec leurs enfants. Lorsque Mammon se réveilla, voilà ! ce n’était
plus rien qu’un disciple. d’après Le Livre de Mozilla, 11:9 (10e Édition)

C’était :
Un œuf de Pâques, en anglais easter egg
                       bonne journaissancE
Les Pigeons de la bourse
« Pigeons, vous que la muse antique
Attelait, au char des amours,
Où volez-vous ? Las ! en Belgique,
Des rentes vous portez le cours !
Ainsi, de tout faisant ressource,
Nobles tarés, sots parvenus,
Transforment en courtiers de bourse
Les doux messagers de Vénus.
De tendresse et de poésie,
Quoi ! l’homme en vain fut allaité !
L’or allume une frénésie
Qui flétrit jusqu’à la beauté !
Pour nous punir, oiseaux fidèles,
Fuyez nos cupides vautours.
Aux cieux remportez sur vos ailes
La poésie et les amours. »
BERANGER *
* et de deux…
L’argent ne fait pas le bonheur
L’obole et le bouleau
Dans « Es ist alles anders », Celan fait entendre un autre « souffle vital » de la langue en fusion.
Die Silbermünze auf deiner Zunge schmilzt,
sie schmeckt nach Morgen, nach Immer, ein Weg
nach Russland steigt dir ins Herz,
die karelische Birke
hat gewartet.

On aura bien entendu reconnu, dans cette monnaie d’argent [qui] fond sur [l]a langue tel le Treets de notre enfance (l’introduction sur le marché des monnaies en chocolat du M&M’s l’aura démonétisé en un éclair), le droit d’entrée acquitté à Charon, caissier principal à l’Union des Banques grecques.
Au cours du jour, l’obole doit bien valoir dans les 15 millions d’euros, non ?
…Mais il contribue au malheur de ceux qui n’en ont pas..
… »L’or?
« Je le hais comme vous haïssez Dieu! »(Baudelaire : poèmes en prose)
Quand je vois l’expression « tempus fugit », je pense immédiatement à ça :
https://www.youtube.com/watch?v=yrO45Tzvhxg
Bonjour…..
à Marc : On aura « reconnu »… à condition de comprendre la belle langue allemande 🙂
Pas de rapport avec ce billet (sinon le mot « pèze »)…
Je voulais vous montrer ça, histoire de rendre hommage à la typographie à la galée et au marbre…
Je l’ai fait dans le cadre des échanges appelés « Vases communicants » et le thème choisi avec ma correspondante était « le renversement ».
http://evedelaudec.fr/cooperations/avril-2013/index.php
J’ai ensuite écrit une version du texte encore plus tartignole !
http://wanagramme.blog.lemonde.fr/2013/04/10/zazee-en-25-tweets/
Très intéressant ce rapport originel Monnaie/Mémoire.
La pièce de monnaie comme une trace matériel du temps de travail, une sorte de sel qui pourrait se conserver.
… jusqu’à l’apparition de la « plus-value », qui agirait comme une plaque amyloïde (qui est une accumulation d’un peptide morbide dans le système nerveux, responsable de maladies neurodégénératives). Le capitalisme pourrait ainsi être vu comme une variante de la maladie d’Alzheimer, dont une caractéristique est qu’elle entraîne la mort tout en détruisant la possibilité de s’en rendre compte.
L’argent ? très décevant…
Fini, les monnaies, les tas d’or (01:24),
juste un troupeau de zéros électroniques.
(Junon Moneta, protectrice des femmes et gardienne des Finances
sans s’appesantir sur la tâche contradictoire de la déesse, c’est une autre contradiction, orthographique, celle des f, qui interroge)
(Junon Moneta de chez wiki)
@Martine : à condition de comprendre la belle langue allemande
Il m’avait pourtant bien semblé que ces lieux regorgeaient de germanistes distingués, qui tous eussent, même si tous n’ habitent pas Toussus, pu librement traduire les vers de Celan, bien mieux que je ne le saurais faire (n’est pas Du Bouchet qui veut).
Littéralement , et dans tous les sens, ça pourrait se présenter comme ça (et comme ci) :
La monnaie d’argent fond sur ta langue,
elle a un goût de Demain, de Toujours, un chemin
qui mène à la Russie s’élève dans ton coeur,
le bouleau de Carélie
a
attendu.

D’ aucuns ne manqueront pas de faire remarquer que le bouleau n’attend pas, d’ailleurs, comme disait Boris, j’y retourne immédiatement.
Marko Borisovitch : D’ aucuns ne manqueront pas de faire remarquer que le bouleau n’attend pas, d’ailleurs, comme disait Boris, j’y retourne immédiatement.
Il en est d’autres plus moroses,
Inaccessibles à ces proses.
Assis à l’ombre d’un bouleau,
Ils plongent de leurs mains distraites
Dans un sac rempli de pépettes
Et font des ricochets sur l’eau…
> Et les oies du Capitole…
les ouailles du capital
sont comme nous sommes
et meurent comme nous.

Le tintamarre faux-jeton de ces espaces confinés m’effraie…
…pour finir, et rentrer dans leurs us, « ils » vont sauver le peuple… du peuple.
> ô Monnaie, toi qui parles bégayes…
« La transparence non maîtrisée peut aboutir à du voyeurisme » (et du populisme) : bizarre comme, dans les rencontres favorites (C, 28′), le ton s’est, sur le sujet, hystérisé. Qui protège qui de quoi ?
« Les désaccords s’expriment dans un climat républicain » : LSP ? Non, LdB !
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