Peut-on soigner par la technique les maux qu’elle a elle-même engendrés ? C’est la question qui sous-tend l’Exposition universelle de Dubaï. Dans son pavillon, la France propose une réponse nuancée sur ce que peut l’architecture face à la crise climatique. 
Vanter le développement durable à Dubaï, c’est comme vouloir guérir l’addiction au jeu à Las Vegas. En une trentaine d’années, l’émirat a bâti une forêt de gratte-ciel, de centres commerciaux et de parcs d’attractions, dans laquelle le sociologue Mike Davis voyait « un pastiche hallucinatoire du nec plus ultra en matière de gigantisme et de mauvais goût ». Emblème de ce fantasme de toute-puissance, la tour Burj Khalifa, haute de 800 m, s’élève au-dessus du désert comme un monumental doigt d’honneur adressé à l’écologie. À travers son développement accéléré, axé sur l’immobilier, le tourisme, les services financiers ou encore la logistique, Dubaï voulait anticiper l’épuisement des ressources fossiles sur lesquelles avait été bâtie toute son économie. Mais conversion ne vaut pas transition, et la croissance « quoi qu’il en coûte » est restée le maître mot.
Pourtant, cet automne, l’Exposition universelle dans la cité émiratie se veut le laboratoire des solutions de demain aux problèmes d’aujourd’hui, crise environnementale en tête. Une nouvelle portion du territoire a donc été urbanisée pour accueillir les 190 participants à cette première manifestation du genre au Moyen-Orient. La France y est bien sûr représentée grâce à un pavillon dont la construction a été confiée à l’Atelier Pérez Prado, associé à l’agence Celnikier & Grabli. « La croyance dans le progrès, propre aux expositions universelles, semble marquer le pas, note l’architecte Jean-Luc Pérez. On s’interroge sur le devenir de notre maison commune. Et le faire à Dubaï, c’est peut-être une bonne idée. » À sa façon, le pavillon français se veut une contribution à cette réflexion et entend montrer ce que peut l’architecture. « Au moment où je l’ai dessiné, c’était pour moi presque un projet de résistance. J’ai voulu faire un bâtiment vertueux, qui s’écarte de l’expressionnisme formel un peu béat et s’inscrit plutôt dans une sorte de rationalisme retenu, porteur de valeurs symboliques. »
Deux bâtiments disposés en L ménagent un parvis de 1600 m² coiffé d’un belvédère. ©Farel Bisotto
Ce pavillon se présente comme l’articulation de plusieurs éléments dont la combinaison forme une intéressante réponse au climat local. Deux bâtiments disposés en L déterminent un immense parvis de 1600 mètres carrés, lequel est coiffé par un belvédère formant auvent, soutenu par des pilotis. « Ce n’est pas une boîte décorée, comme on en voit beaucoup sur le site, souligne Jean-Luc Pérez. Le bâtiment est positionné pour se protéger du vent et, grâce au belvédère, génère sa propre ombre. Il fabrique aussi sa photogénie : la mise en scène de la sous-face avec ses 27 000 LED essaie de créer une espèce de matière-lumière pendant la durée de l’attente. En effet, 1000 à 2000 personnes vont patienter là pendant une ou deux heures, visiter pendant un quart d’heure, puis repartir. Cette attente qui n’était pas mentionnée dans le programme, on en a fait l’élément principal du projet. »
Détail des tuiles photovoltaïques dont l’arrangement compose un tableau abstrait inspiré des Nymphéas de Monet ©Dany Eid
Le programme exigeait d’abord que le pavillon se conforme aux objectifs du développement durable. « On voulait montrer qu’on pouvait construire là des bâtiments différents de ceux qu’on peut voir dans le reste de la ville. Avoir une attitude qui puisse servir d’exemple… » Mais, comme le souligne justement l’architecte, il ne s’agit pas seulement de cocher les cases d’un cahier des charges. « La révolution climatique peut être une énième contrainte constructive, comme les normes incendie. Ou, au contraire, s’emparer de ces questions-là pour créer des formes nouvelles. » Des formes qui, à l’instar du pavillon français, conjuguent des traditions constructives éprouvées à des technologies très contemporaines. Ainsi, un mur aveugle face au sud et un auvent pour créer de l’ombre apparaissent comme des solutions assez élémentaires, que l’architecte a couplées avec des procédés modernes, notamment des tuiles photovoltaïques dont l’arrangement compose un tableau abstrait inspiré des Nymphéas de Monet. À l’arrivée, le bâtiment est autonome au niveau énergétique à 80 %, et réduit substantiellement la consommation d’eau potable attendue.
Sepand Danesh, Déclaration, 2020, bois peint, hauteur 200 cm environ ©Sepand Danesh
La visite commence, on l’a vu, dès l’attente sur le parvis avec les animations lumineuses sur la sous-face de l’auvent. Au ras du sol, d’autres dispositifs attirent l’attention, à commencer par le mobilier urbain, conçu par l’artiste Sepand Danesh. Inspiré des jeux de construction pour enfants, il se présente comme le développement d’un module cubique, engendrant des formes abstraites ou des figures. À l’intérieur, trois espaces thématiques déclinent différentes acceptions du progrès. On s’intéressera, par exemple, à la section mobilité, où les organisateurs cherchent à résoudre la quadrature du cercle : comment continuer de déplacer hommes et marchandises en minimisant les dégâts environnementaux. Le pavillon français a pris, lui aussi, le parti de la mobilité. Cette construction métallique est en effet entièrement démontable et pourrait, à l’issue de l’exposition, être réinstallée en France dans un endroit encore à définir. Pour ceux qui n’auraient pas pu ou voulu se rendre à Dubaï, voilà l’occasion rêvée de réduire leur empreinte carbone.
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