Le 1er janvier 2002, les billets et pièces en euro apparaissaient dans les porte-monnaie de 340 millions d’Européens. Vingt ans après, la monnaie unique a-t-elle changé nos économies ? Éléments d’explications avec Éric Dor (directeur des études à l’IESEG School of Management) et Henri Sterdyniak (cofondateur de l’OFCE, Observatoire français des conjonctures économiques).
Pour Éric Dor, « il y avait un mélange de préoccupations politiques et économiques. Les fédéralistes européens, François Mitterrand et Helmut Kohl en tête, souhaitaient une plus grande intégration européenne. Ils pensaient qu’une monnaie unique favoriserait cette intégration. Mais il y avait aussi des arguments économiques : avec la suppression des anciennes monnaies européennes on supprimait les risques des taux de change. Souvenez-vous quand on partait en vacances en Espagne ou en Italie, et qu’il fallait changer nos francs en pesetas ou en lires avec des taux fluctuants. Ce risque de change était encore plus important pour les entreprises qui exportaient ou importaient. L’euro a permis de fluidifier et faciliter tous ces échanges ».

Pour Henri Sterdyniak, « la monnaie unique visait aussi à protéger les politiques économiques des pays membres des spéculations des marchés financiers. Depuis vingt ans, l’euro a tenu bon, malgré la crise financière, la crise Covid. En sens inverse, la rigidité des taux de change et la politique de recherche de compétitivité de l’Allemagne ont creusé les disparités dans la zone, au détriment des pays du Sud, l’Italie, la Grèce, la France même. Les pays doivent se soumettre à des règles budgétaires contraignantes ». Rappelons-nous les cures d’austérité qui ont failli mettre à mal la cohésion européenne lors de la crise financière de 2008.
« L’inflation dépassait les 10 % par an en France et dans la plupart des pays développés de 1973 à 1983. De 1993 à 2020, le taux d’inflation en France est resté aux alentours de 2 %. La création de l’euro n’a en rien marqué une hausse de l’inflation »
Un « mythe » selon Éric Dor : « L’inflation dépassait les 10 % par an en France et dans la plupart des pays développés de 1973 à 1983. Après 1983, la politique économique a visé à contenir cette inflation. De 1993 à 2020, le taux d’inflation en France est resté aux alentours de 2 %. La création de l’euro n’a en rien marqué une hausse de l’inflation. Le sentiment d’une hausse des prix plus forte provient de la perte de repères qu’a représenté le changement de monnaie, de la plus forte visibilité des prix de certains produits achetés fréquemment (la baguette de pain par exemple) et de l’oubli de la baisse des prix des biens industriels ».
« Sur les 27 États de l’Union européenne, huit ne sont pas membres de la zone euro », rappelle Henri Sterdyniak. « Soit deux pays nordiques (la Suède et le Danemark) et six pays de l’Europe centrale (la Pologne, la Hongrie, la Tchéquie, la Bulgarie, la Roumanie, la Croatie). Certains pays (Bulgarie, Croatie, Roumanie) espèrent être bientôt en capacité de rejoindre la zone euro, mais la Banque centrale européenne estime qu’ils ne sont pas encore en état de le faire, compte tenu de leur retard économique. Les autres pays préfèrent rester en-dehors de la zone euro pour conserver la capacité de modifier le taux de change de leur monnaie et pour ne pas être soumis aux règles budgétaires contraignantes de la zone euro ».

L’euro, deuxième monnaie internationale (22 % des réserves de change sont libellées en euros, contre 58 % en dollars) a fait la preuve en 20 ans de sa crédibilité et a été un gage de stabilité malgré les crises. Ainsi, face à la pandémie, l’Union européenne s’est mis d’accord sur un plan de relance de 750 milliards d’euros financé pour la première fois par une dette commune. Un acte fort de protection permis par la monnaie unique qui bénéficie à tous les pays de l’UE.
« Malgré les contraintes budgétaires, l’euro est une cage dorée dont les gouvernements ne souhaitent pas sortir »
Un retour aux monnaies nationales, prôné un temps par certains eurosceptiques, paraît donc bien improbable. « Ce serait un saut dans l’inconnu, avec le risque d’une forte chute du taux de change de la nouvelle monnaie nationale », estime Henri Sterdyniak. « Malgré les contraintes budgétaires, l’euro est une cage dorée dont les gouvernements ne souhaitent pas sortir ».
1992. Le traité de maastricht prévoit la création de l’Union économique et montéair.
1995. Le Conseil européen adopte le nom « euro ».
1998. Création de la Banque centrale européenne.
1999. L’euro devient la monnaie unique de onze états membres de l’Union, d’abord uniquement échangés sur les marchés financiers et paiements électroniques.
2002. Le 1er janvier, mise en circulation des pièces et des billets de la monnaie unique, dans 12 états membres de l’Union.
340 millions d’Européens utilisent l’euro.
27,4 milliards de billets et 140 milliards de pièces circulent pour une valeur totale de 1 531 milliards d’euros.
Un Français sur deux compte encore en francs. Selon un récent sondage, 51 % des Français continuent, à l’occasion, de convertir ses achats en francs ! Cette conversion (1 euro : 6,55957 francs, rappelons-le) n’est pas systématique : seuls 5 % des Français interrogés font « toujours » le calcul, 13 % le font « souvent », et 33 % « parfois ».
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