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· Mars 1983 : la naissance du « triangle magique »
· Juin 1984 : la relance
« Vous êtes mon candidat » glisse Helmut Kohl à l’oreille d’un Jacques Delors surpris, lors de son arrivée au sommet de Fontainebleau, en juin 1984. François Mitterrand, qui vient de réussir l’exploit de régler la question de la contribution britannique au budget communautaire qui empoisonne la CEE depuis 1979, veut, lui, pousser la candidature de Claude Cheysson, son ministre des affaires étrangères, à la tête de la Commission européenne, le mandat du terne Luxembourgeois Gaston Thorn arrivant à échéance en décembre. Mais Kohl ne l’entend pas de cette oreille, non pas parce que le poste devrait normalement revenir à un Allemand, mais parce qu’il veut Delors, le plus proche équivalent français d’un démocrate-chrétien allemand, avec qui il a noué des relations de confiance lors de la crise du franc de 1983. Margareth Thatcher, la dame de fer britannique, va lui faciliter la tâche en posant son véto à Cheysson jugé trop socialiste. Mitterrand accepte alors à contrecœur la proposition de Kohl. Thatcher laisse faire. Elle s’en mordra les doigts. Quelques semaines plus tard, en juillet, l’Allemagne et la France signent dans la foulée l’accord de Sarrebruck visant à supprimer les contrôles fixes aux frontières entre les deux pays. Dès l’année suivante, le Benelux se joindra à eux en signant l’accord de Schengen qui débouchera, en 1995, sur l’espace Schengen de libre circulation. La locomotive franco-allemande est définitivement lancée.
· Novembre 1984 : une photo pour l’histoire
· Juin 1988 : la monnaie unique est lancée
· Décembre 1991 : un petit-déjeuner scelle le sort de la monnaie unique
· Septembre 1992 : l’Allemagne sauve le franc
· Juin 1995 : la descente aux enfers du couple franco-allemand
· Décembre 1996 : Dublin ou Marrakech ?
« Nous ne sommes pas à Marrakech, on ne négocie pas un tapis. Je ne peux pas entrer dans ce genre de conversation », lance un Helmut Kohl énervé à Jacques Chirac. En ce mois de décembre, les Quinze négocient les derniers détails du Pacte de stabilité. Reste à trancher la question des « circonstances exceptionnelles », c’est-à-dire du niveau de la récession qui empêchera les sanctions de s’appliquer automatiquement en cas de déficit public supérieur à 3 % du PIB. En dessous d’une récession de 2 %, il est déjà acté qu’il n’y aura pas de sanctions si le déficit public est supérieur à 3 %. La France veut que les ministres des finances les décident à la majorité qualifiée si elle est comprise entre -2% et -0,5%. « J’ai fait un geste en acceptant que la limite basse soit fixée à – 2 %. Tu dois faire un geste. La limite haute doit être fixée à -0,5 % ». Kohl ne veut pas aller au-delà de -1 %. Chirac lui propose de « faire un geste : – 0,6 % ». C’est là que le chancelier s’emporte. Finalement, Jacques Santer, le président de la Commission propose – 0,75 %, le moyen terme entre 1 et 0,5 %…
· Décembre 1997 : l’élargissement, l’autre grand œuvre
C’est lors du sommet de Luxembourg que les négociations d’élargissement avec l’Estonie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovénie, ainsi que Chypre sont lancées. C’est Kohl qui a insisté pour que Varsovie soit dans le premier train alors que c’est le pays le plus éloigné des critères d’adhésion qui ont été fixés à Copenhague, en 1993. Il ne peut pas imaginer politiquement que son voisin, qui a tant eu à souffrir de l’Allemagne, reste dans la salle d’attente… Il ne cachera pas ses larmes d’émotion devant cette réunification européenne qui commençait. En 2000, les négociations seront élargies à six pays supplémentaires.
· Mai 1998 : Chirac précipite la fin de Kohl
« Ce fut une dure lutte et l’une de mes heures les plus difficiles… Il m’est arrivé plusieurs fois aujourd’hui de dire à mes collègues : mais pourquoi suis-je fou au point de continuer à faire tout cela ? » Helmut Kohl, aux petites heures de ce dimanche matin 3 mai ne cache pas sa lassitude devant les journalistes. Il évoque « les nombreuses discussions. Parmi celles-là, il y en a eu dont on aurait pu se passer. Des considérations de prestige sont venues se mêler au débat ». De fait, au terme d’une interminable négociation avec son homologue français, qui n’est décidément pas son ami, il a dû accepter que le Néerlandais Wim Duisenberg, désigné par ce que le chef de l’État désigne d’un méprisant « l’amicale des gouverneurs », n’effectue pas l’entièreté de son mandat de huit ans à la tête de la toute nouvelle Banque centrale européenne « pour des raisons personnelles ». À une date indéterminée, il se retirera (sans doute à mi-mandat) et sera remplacé par le gouverneur de la Banque de France, Jean-Claude Trichet. Dans la pièce attenante, sans égard pour la détresse Kohl, Chirac ne cache pas sa joie : « cela me rend gai » qu’un Français soit désigné pour défendre les « intérêts français »… Pour les Allemands, cette négociation est une catastrophe, car elle donne l’impression que la BCE n’est pas indépendante puisque son président a accepté de céder aux pressions du pouvoir politique en s’engageant à se retirer avant terme.
© Libé 2022
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