Challenges Économie
Par Challenges.fr le 31.01.2014 à 07h41, mis à jour le 31.01.2014 à 07h41 Lecture 4 min.
À Noël, Niki Fehér a offert une télévision à sa mère. Pour la trouver, elle n’a pas parcouru les allées d’un magasin d’électro-ménager standard. Ni surfé sur Aprod.hu, le pendant magyar du français Leboncoin.fr. Cet écran, elle ne se l’est pas procuré en versant plusieurs dizaines de milliers de forints, l’unité monétaire hongroise officielle, mais 500 suskas. Un argent 100% virtuel. Qui, traduit en français, signifie "pognon".
"Un jour, au marché de Kobánya (quartier situé au sud-est de Budapest, ndlr), une femme m’a parlé des suskas. J’ai été emballée par le principe et me suis immédiatement inscrite sur leur site web. Désormais, je m’en sers quasi-quotidiennement. J’ai récemment testé un massage aux pierres volcaniques, pour 140 suskas, et donné mon pull-over blanc contre un marron clair", raconte la jeune femme, séduite depuis fin-2012.
Le suska est une sorte de "bitcoin" de l’Est, l’instabilité en moins. Lancé en novembre 2008, il a été pensé par un groupe de six amis, convaincus que s’affranchir du système fiduciaire traditionnel n’est pas un doux mirage. Et ce, grâce à une seule monnaie d’échange: la confiance. Zéro inflation, 0% d'intérêt. Les plus anciens se souviennent de la folie du pengö, institué en 1925, et qui, en juillet 1946, moribond, affichait des prix doublant toutes les 15 heures et s’établissait à un taux record de 400 quadrilliards pour un forint.
Libre à chacun de créer autant de suskas que nécessaire. Gâteaux, ouvrages, films, cours, nettoyage, presque tout bien ou service est disponible. S’il existe un cours de base (1 suska=10 forints; 1 heure de travail=60 suskas), les deux parties peuvent s’accorder sur un tarif ou troquer. Une fois par mois, les fidèles parlent bonnes affaires à Budapest. Le rendez-vous de janvier était au Grund Hostel, dans le 8ème arrondissement. Les transactions sont rapportées sur un registre avec nom, objet, date, montant et signature.
"Nous voulions bâtir une économie vraiment réelle, faite par et pour les utilisateurs. Sans marketing, ni publicité. Les gens viennent par le bouche-à-oreilles. Plus qu’un projet, le suska est un état d’esprit, une autre façon de consommer, hors des tiroirs caisses, s’appuyant sur la communication concrète et le partage", explique Zsolt Szücs, l’un de ses fondateurs (22 ans), traducteur anglais-magyar de profession.
Un livre-programme, intitulé "Suska, a mi pénzünk" ("Suska, notre monnaie"), résume ce discours. Avec un salaire minimum local autour de 100 000 forints (330 euros), le concept, abordable, ne pouvait que fonctionner. La Hongrie compterait entre deux et trois mille "suskadeptes", y compris étrangers. Une section a même été ouverte à Szeged, grande ville universitaire du sud, à quelques encablures de la Serbie. L’équipe, qui vient de fêter son premier anniversaire, ne reçoit aucune instruction du "siège" budapestois.
D’autres monnaies comme le Kékfrank (du nom d’un vin de Sopron, à côté de  l’Autriche), le Rábaközi tallér ("écu" de Rábaköz, au nord-ouest), ou la Balatoni Korona (couronne du Balaton), réelles, circulent dans leurs régions respectives. "Mais, contrairement aux devises classiques, le suska n’a aucun superviseur élu, aucune banque centrale pour le contrôler, et aucune institution financière pour l’alimenter. Seuls ses usagers ont les rênes", précise Julianna Jánosi, économiste et co-initiatrice du suska.
Faut-il y voir là un pied de nez aux banques? Un acte de défiance envers une Hongrie capitaliste et mondialisée? "Nous ne faisons en aucun cas de la politique, tient à préciser Zsolt Szücs. Nous ne sommes pas un groupe de pression, un lobby. Juste une somme d’individus estimant que les interactions humaines peuvent naître au-delà de l’argent". Forint en chute libre, "prêts pourris", surtout en francs suisses, mettant des milliers de ménages au pied du mur, autant dire que dans ce contexte, le suska a de l’avenir.
Joël Le Pavous pour Challenges
Inflation Hongrie Banque centrale Bitcoin
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