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4 min
par Alice Dubot
Publié le 4 décembre 2013 à 15h11
Mis à jour le 4 décembre 2013 à 15h11
La queue devant le premier “ATM” de Bitcoin, à Vancouver au Canada (Reuters/Andy Clark)
A Vancouver, la crypto monnaie s’est matérialisée. Le premier distributeur de Bitcoin au monde vient d’être installé fin octobre dans un coffee shop au cœur de la ville. Enquête sur ce phénomène de société.
Incubateur d’une révolution économique libertaire, simple accélérateur de transaction ou vecteur de blanchiment d’argent ? Polémique, le Bitcoin ne finit pas de faire parler de lui. Cette monnaie virtuelle, délocalisée et anonyme reçoit doucement mais sûrement l’onction des autorités financières. S’en est suivi la flambée historique de son cours. Au moment de l’écriture de cet article, un Bitcoin équivaut à 790 euros, alors qu’il frôlait les 90 euros, un mois auparavant. La file d’attente ne se tarit pas devant le distributeur. « Chaque jour, ce sont en moyenne 160 personnes qui se rendent ici. Parfois, ils attendent jusqu’à une heure avant de pouvoir faire leur transaction », s’enflamme Allison, la représentante clientèle fraîchement débarquée chez les Bitcoiniacs.
« Ces types ont tout compris »
Cette compagnie, heureuse propriétaire du premier distributeur de Bitcoin au monde, ne sait plus où donner de la tête. « Ces types ont tout compris », balance Cameron, un adepte de la monnaie virtuelle, « ils viennent de se faire en moins d’un mois l’équivalent d’un million de dollars ». Le principe du distributeur Robocoin est simple : échanger des dollars canadiens contre des Bitcoins placés ensuite dans un portefeuille électronique et vice versa. Si le distributeur facilite grandement l’acquisition ou la vente de Bitcoins, les frais de transaction remplissent aussi allègrement les poches de la start-up. Avec en moyenne un équivalent de 100 000 dollars canadiens journaliers qui transitent dans leur machine, le taux de 7 % appliqué à chaque transaction leur assure un avenir radieux. « Nous ne nous arrêterons pas là, nous avons déjà en projet l’installation de plusieurs milliers de distributeurs dans le monde », annonce, l’œil pétillant, Jackson Warren, un des fondateurs de Bitcoiniacs.
Leur plus-value est ainsi remise en circulation afin de développer d’autres infrastructures et garantir la diffusion de la crypto monnaie. « Le cours du Bitcoin réagit aux principes de l’offre et de la demande. Plus il y a de gens impliqués sur le marché, plus le Bitcoin a de la valeur », renseigne Adam, un des piliers de la communauté de Vancouver. Pourtant avec de telles fluctuations, la tendance semble être à l’investissement plutôt qu’à la dépense. A l’instar de Bratt rencontré devant le distributeur : « Aujourd’hui je viens acheter des Bitcoins, car le cours est en constante augmentation. Je ne travaille pas et je viens de gagner 600 dollars en quelques jours. Tandis que nos potes sont en train de galérer pour rembourser leur prêt étudiant, nous on pense déjà aux vacances que l’on va pouvoir s’offrir à Cali. » John qui l’accompagne acquiesce : « tu peux perdre une plaque comme gagner le quintuple, ça vaut le coup de prendre le risque. »
Remplacer la carte bancaire ?
Savoir prendre des risques, c’est ce à quoi se consacre Adam. Fondateur de Bitcoin Coop, il démarche les commerçants, bars et autres clubs pour qu’ils acceptent les paiements en crypto monnaie. Son argumentaire convainc, en sus de la visibilité que le commerce gagne, les frais de transaction liés à la carte bancaire disparaissent. « C’est en percevant la répulsion des commerçants face aux cartes bancaires allant même jusqu’à la suppression de ce mode de paiement, que l’on a senti le potentiel de la monnaie virtuelle », explique-t-il. Sa coopérative garantit en temps réel la conversion des Bitcoins reçus en dollars canadiens. Mais désormais avec la flambée du cours, les commerçants perçoivent peu à peu l’intérêt qu’ils auraient à les garder. La plupart, sceptiques par rapport à la volatilité de la monnaie, préfèrent encore utiliser les services d’Adam.
Et son fond de commerce va au-delà. Dans le milieu, on l’appelle d’ailleurs l’ »évangéliste ». Adam cherche avant tout à faire connaître la crypto monnaie et à convertir les réticents. « Ce qui change avec le distributeur, c’est qu’il rend le Bitcoin tangible, on sort désormais du simple phénomène Internet. Les lieux de rencontre se multiplient et la confiance en la monnaie s’accroît ainsi. », avance-t-il. En deux sites, trois validations, il aide à créer les portefeuilles électroniques et verse aux novices leurs premiers Bitcoins contre de la monnaie fiat. Devenu millionnaire en l’espace de quelques mois, il joue le distributeur sur patte de la ville. Lors de l’entretien, c’est une valse continue de jeunes et de moins jeunes, en manque de Bitcoins, qui viennent interrompre la discussion pour des transactions de plusieurs milliers de dollars. Tout se fait en cash, dans un lieu public, le plus naturellement du monde. Soit dit en passant, Adam vient de quitter son job au gouvernement fédéral pour se consacrer entièrement à la révolution économique qui le transcende.
Parfum de romantisme
Des profits, oui ; mais le Bitcoin anime avant tout un mouvement, celui de la contre-économie. La monnaie a été créée en 2009 par un développeur connu sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto. Le mystère reste entier quant à l’identité de l’homme ou du groupe qui se cache derrière l’invention du logiciel. « Là réside aussi le romantisme de cette innovation », témoigne Freddie, un entrepreneur dont l’application accepte les Bitcoins afin de contourner les frais de 3 à 5 % liés aux cartes bancaires. La communauté Bitcoin prône ainsi une révolution contre le marché « blanc » officiel, régulé et taxé par les gouvernements. Leur bête noire : la mainmise des banques centrales qui, par la planche à billets, accroissent la masse monétaire en circulation, génèrent de l’inflation et réduisent le pouvoir d’achat. Quand on leur pose la question du risque lié à l’économie souterraine, ils répondent sans état d’âme que le marché noir relève d’une création purement étatique et que chacun devrait être libre de vendre et d’acheter ce que bon lui semble, sans avoir à se justifier ni être taxé par des institutions qu’ils jugent illégitimes et corrompues.
Flexible et rapide, la circulation de la crypto monnaie ne connaît ainsi pas de frontières. Et Colin, qui fait le pied de grue au distributeur de conclure : « quand on a voulu échanger de l’or contre un bout de papier, à l’époque, les gens pensaient que vous étiez totalement fou. J’imagine que l’on assiste aujourd’hui au même changement de paradigme. »
 
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