Les 10 tendances qui façonneront le secteur bancaire
Bob Vokes
ZONE EXPERTS – De nombreux moments décisifs de l’histoire – l’imprimerie, le moteur à vapeur, l’Internet – n’ont été reconnus comme changements majeurs qu’a posteriori. Cependant, dans le secteur bancaire, il est déjà établi que la pandémie a irrévocablement transformé le secteur.
Si 2020 et 2021 ont été les années où la COVID a forcé les banques à adopter le changement, 2022 voit ce changement institutionnalisé et l’émergence d’une nouvelle normalité. Pour la plupart des grandes banques mondiales, le penchant pré-COVID pour le changement progressif et l’expérimentation prudente a cédé la place à une évolution numérique plus rapide et à une volonté de remettre en question les modèles commerciaux conventionnels, même si ceux-ci cannibalisent les revenus traditionnels. Les clients autonomes deviennent plus exigeants dans de nombreux domaines, qu’il s’agisse des frais de service ou de la durabilité, et les acteurs nouvellement arrivés sur le marché se montrent plus ambitieux dans leur offre de services. En 2022, les meilleures banques du monde devront donc se montrer à la hauteur du défi.
Travaillant avec mon collègue Michael Abbott, qui dirige le secteur bancaire mondial chez Accenture, nous avons identifié 10 tendances qui, selon nous, entraîneront des changements et façonneront les décisions que prendront les principaux banquiers du monde en 2022.
De la même façon que le téléphone intelligent a regroupé nos besoins matériels au sein d’un seul appareil, les super-applications sont en train de regrouper un grand nombre de nos besoins commerciaux, sociaux et autres. La plupart des opérations bancaires numériques consistent à vérifier les soldes, à payer les factures et à effectuer des dépôts – des fonctionnalités que les grands acteurs technologiques intègrent de plus en plus dans des plateformes plus larges qui englobent d’autres services comme le commerce et les réseaux sociaux. Les super-app comme WeChat font disparaître les services financiers, qui se transforment en fonctionnalités permettant de faire des choses plus intéressantes, comme voyager, magasiner ou effectuer un travail d’appoint.
Comment les banques traditionnelles doivent-elles réagir face à l’expansion d’Amazon, Walmart, Meta et autres vers les services financiers?
Les banques disposent de plusieurs options, et chacune d’entre elles présente des avantages et des inconvénients. Elles peuvent essayer de greffer des fonctionnalités non bancaires à leurs propres services et se livrer à une concurrence frontale pour attirer l’attention des clients, mais c’est une entreprise coûteuse et sans garantie, qui ne sera probablement viable que dans une poignée de marchés.
Elles peuvent aussi s’associer à une super-app pour fournir des services sous une marque générique, mais il leur faudra accepter d’être un partenaire secondaire et d’être en concurrence avec leurs propres services de marque.
Leur troisième option consiste à se tenir à l’écart de la mêlée et à défendre leur modèle traditionnel. Mais cette différenciation pourrait s’avérer difficile, et elles devront accepter de voir leur part des transactions traditionnelles diminuer inévitablement à mesure que les super-applications domineront la vie financière de leurs clients.
À l’avenir, les investisseurs et les législateurs ne se contenteront pas de promesses environnementales vides lorsqu’ils demanderont aux institutions financières de devenir de meilleurs gestionnaires de la planète. La réglementation proposée nécessitera une vérification indépendante pour s’assurer que les banques respectent leurs engagements. Et, plus important encore, les banques seront soumises à une pression énorme pour réorienter les crédits des entreprises à forte émission de carbone vers les énergies durables. La détermination des banques sera mise à l’épreuve, car les sociétés pétrolières, gazières et autres producteurs de combustibles fossiles fournissent aux banques des revenus stables et prévisibles. Certaines d’entre elles accepteront le changement et adopteront une position plus stricte à l’égard de l’empreinte écologique de leurs clients. Une partie de ces mesures seront de purs signaux de vertu, mais nous constatons déjà que de nombreuses banques sont prêtes à sacrifier leurs résultats à court terme. D’autres essaieront de conserver une longueur d’avance sur les législateurs et les groupes environnementaux en opérant une transition plus prudente et mieux gérée.
La décennie qui a suivi la grande crise financière a été une période de repli, au cours de laquelle de nombreuses banques ont renoncé à lancer de nouveaux produits et se sont concentrées à bien gérer l’essentiel. Les start-ups et les concurrents numériques se sont infiltrés dans cette brèche, identifiant des domaines prometteurs pour la croissance que les institutions financières traditionnelles avaient ignorés. Pensez aux consommateurs qui risquent d’être à court de fonds juste avant le jour de paie et aux petites entreprises à la recherche de conseils. Grâce à l’improvisation provoquée par la COVID, les banques réagissent de manière créative. À l’échelle du secteur, nous assistons à des collaborations, comme celle qui a donné naissance à Zelle, pour s’attaquer à des applications de paiement comme Venmo.
Sur le plan institutionnel, les banques voient plus clairement quand il faut construire, quand il faut acheter et quand il faut s’associer. Deux des plus grandes banques au monde ont intégré leurs API (interfaces de programmation d’applications) de services de trésorerie à la plateforme de paiement Stripe, qui est elle-même intégrée à la plateforme de commerce électronique Shopify. Ces décisions sont motivées par la conviction que l’innovation des produits est ce qui va faire gagner des parts de marché avec le temps.
Au cours des dernières décennies, les frais bancaires sont passés de frais transparents pour des services comme la tenue de compte à des frais plus cachés pour des services comme les découverts. Puis les entreprises fintech sont arrivées, promettant toute une série de services pour la magique somme de la gratuité, pour constater ensuite que les revenus devaient bien venir de quelque part. Une fintech a simplement demandé aux clients de faire un « don » qui commençait à un dollar et augmentait ensuite. D’autres ont choisi d’imposer des frais punitifs si les clients ne respectaient pas les échéances d’achat et de paiement. Face au scepticisme croissant de leurs clients, les banques redécouvrent leurs racines empathiques et proposent des fonctionnalités qui rendent les utilisateurs responsables des décisions relatives aux frais. Elles n’ont désormais guère d’autre choix que d’être plus transparentes sur les frais. Et heureusement, les capacités du numérique, de l’IA et de l’infonuagique sont en train de converger pour constituer la plateforme parfaite pour offrir des conseils personnalisés qui contribueront réellement à renforcer la confiance et l’implication des consommateurs.
Les banques ont passé la pandémie et les années précédentes à investir massivement dans le numérique pour rendre les opérations bancaires plus faciles, plus rapides et plus efficaces. Malheureusement, les clients leur ont clairement fait savoir qu’une application, même bonne, ne suscite pas vraiment la loyauté. Entre 2018 et 2020, la proportion de consommateurs faisant « beaucoup » confiance à leur banque pour préserver leur bien-être financier à long terme a chuté de 43 % à 29 %.
Les banques réalisent maintenant qu’elles ont beaucoup à gagner en rétablissant une certaine empathie et des relations dans ce qui était devenu par ailleurs un secteur froid et impersonnel. Pour cela, il faudra apprendre à mieux comprendre la situation financière des clients et à y répondre, et mettre de côté une partie de la neutralité que les banques affichent souvent sur les questions qui préoccupent les clients. Il faut s’attendre à ce que l’IA et d’autres technologies aident les banques à prévoir les intentions des clients et à y répondre par des messages et des produits plus adaptés.
Jusqu’à présent, les monnaies numériques étaient les adolescents de l’argent : facilement influencées par un tweet égaré et prêtes à enfreindre les règles, juste pour s’amuser. Voici l’année où la monnaie numérique grandit et où les banques commencent à la prendre au sérieux. Un certain nombre de banques centrales lancent des monnaies numériques et beaucoup d’autres y réfléchissent. Ces évolutions s’accompagnent d’une réglementation mûre en matière de cryptomonnaies et de la reconnaissance du fait que, si la finance décentralisée (DeFi) est actuellement le « Far West » des services financiers, bon nombre des concepts fondamentaux de la confiance décentralisée garderont une valeur durable.
Il faut donc s’attendre à voir davantage d’institutions financières et d’agences gouvernementales partager des données et des idées sur la manière d’intégrer certains aspects de ce nouveau type de monnaie dans le système financier mondial.
En 2022, les banques appliqueront l’intelligence artificielle et l’apprentissage machine aux processus administratifs, permettant aux ordinateurs de surpasser les humains dans certaines tâches. Ainsi, les revenus des banques finiront par être découplés des effectifs. Nous constatons déjà que les meilleures banques virtuelles réduisent leurs effectifs en termes absolus et augmentent la productivité de leur personnel restant.
Jusqu’à présent, les banques ont fourni des efforts progressifs pour rationaliser leurs opérations. Ces nouvelles technologies, ainsi que l’utilisation de l’infonuagique et des API, peuvent leur permettre d’accélérer leurs efforts bien au-delà des petits gains d’efficacité, vers le rêve de longue date d’une « opération zéro » dans laquelle le gaspillage et les délais sont éliminés. Par exemple, certaines entreprises ont réduit de plus de la moitié le travail autrefois nécessaire pour traiter les demandes de prêts commerciaux. Elles y sont parvenues en utilisant la technologie pour synthétiser les comptes de résultat, les bilans et les notes de bas de page sous forme d’états unifiés et ajustés.
Grâce à Alipay, Venmo et autres applications du genre, il est désormais possible de se faire payer et d’envoyer de l’argent n’importe où et n’importe quand. La prochaine étape de cette révolution des paiements est le décloisonnement de ces réseaux.
Aujourd’hui, malgré leur ampleur et leur commodité, la plupart des réseaux sont fermés – il est impossible d’envoyer de l’argent via Venmo à quelqu’un qui utilise Zelle. Mais d’ici peu, ils permettront aux expéditeurs et aux destinataires d’interagir sur des réseaux différents. La Chine a déjà exigé que les sociétés du Web s’adaptent à des services de paiement rivaux, tandis que la législation proposée en Inde obligerait les portefeuilles numériques à se connecter les uns aux autres et à exiger que les commerçants acceptent les paiements de tous ces services. Les banques qui proposent des offres de paiement devront rivaliser et coopérer avec des banques concurrentes, des fintechs et d’autres acteurs lorsque le monde des réseaux s’ouvrira.
Tout comme les particuliers qui ne pensaient qu’à partir en voyage, une fois les restrictions liées à la pandémie levées, les banques vont elles aussi partir à la recherche de croissance, tant sur le marché domestique qu’à l’étranger. Les entreprises qui s’établiront à l’étranger seront sélectives et chercheront à acquérir des concurrents numériques qui pourront les aider à passer à l’offensive, comme JPMorgan Chase qui a acheté le conseiller virtuel britannique Nutmeg en 2021.
Sur le plan local, les banques américaines continueront à se regrouper en achetant leurs rivales pour consolider les marchés régionaux, tandis que les autorités européennes de réglementation encourageront la même démarche. C’est en Asie que les banques emploieront les stratégies de croissance les plus innovantes. C’est le cas de la Siam Commercial Bank de Thaïlande, qui s’est effectivement transformée en une société de gestion dont la banque génère les revenus du groupe à court et moyen terme, tout en investissant dans des fintechs régionales destinées à assurer sa croissance à long terme.
Alors que la technologie devenait un outil essentiel pour les banques, la pénurie très médiatisée de talents dans les domaines de l’ingénierie, des données et de la sécurité cachait une dure réalité : les banques ne sont plus aussi attrayantes qu’auparavant pour les candidats de toutes sortes.
Il est vrai que le manque de main-d’œuvre spécialisée pose un problème, mais ces postes ne représentent qu’une petite partie des talents dont les banques ont besoin. Les jeunes travailleurs, en particulier, veulent de la flexibilité et être valorisés dans leur travail. Pourtant, ils trouvent la culture bancaire rigide, hiérarchique et trop formelle, ce qui en pousse une grande partie à quitter le secteur. Les banques avant-gardistes dressent des plans d’action intégrés qui abordent de façon globale leurs problèmes relatifs au travail et aux talents. Elles identifient les compétences dont elles ont besoin aujourd’hui et dont elles pensent avoir besoin à l’avenir et utilisent diverses approches pour les recruter et les retenir. Elles réévaluent également leur structure, leur culture et leurs conditions de travail afin d’améliorer leur attrait en tant qu’employeuses.
Il est temps d’adopter une approche différente
Les banques comptaient autrefois sur leur taille et leur réglementation pour faire face aux perturbations. Dans l’environnement actuel, il est de plus en plus évident que ces facteurs peuvent également constituer des obstacles, et non pas seulement des atouts. Dans les décennies à venir, les banques qui navigueront avec succès dans ces eaux feront les choses différemment. Elles adapteront en permanence leurs activités aux besoins des clients, des employés et des autres parties prenantes.
Les banques devront offrir plus que le rendement des capitaux propres, et leur plus grand atout sera leur capacité à identifier les opportunités et à innover efficacement. Nous pensons qu’à mesure que la pandémie se résorbera, l’année 2022 marquera l’émergence de cette nouvelle normalité dans le secteur bancaire.
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Les modalités de compensation restent à venir.
ZONE EXPERTS – Selon l’avis d’un expert en la matière.
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