Nicolas de Rabaudy —
Temps de lecture: 8 min
C’était derrière le BHV, la cantine des cadres et employé·es du fameux magasin face à l’Hôtel de ville. C’est devenu à la mi-avril un gigantesque concept-store de 2.500 mètres carrés où sur quatre étages on mange, on achète et on apprend les secrets de la cucina italiana.
L’entrée d’Eataly Paris Marais. | Thibaut Voisin
De la pizza aux dix variétés, aux pâtes fraîches cuites al dente ou en sachets à emporter jusqu’aux cours de cuisine, on découvre 1.200 produits souvent inconnus et 1.500 vins de la Botte de 6 à 350 euros –un univers de plaisirs de bouche.
Sept points de restauration proposant 400 places assises, comptoirs, tables d’hôtes et restaurants sont répartis dans d’innombrables stands. Voilà un extraordinaire festival de spécialités et produits sélectionnés auprès de producteurs peu connus, sous l’égide du Slow Food, le mouvement culturel italien destiné à défendre des agriculteur·trices, des paysan·nes, des artisan·es (balsamique de Modène) de toutes régions, du Nord (Piémont) au Sud (Naples), d’un pays fou de la gueule dont le premier chef trois étoiles, le regretté Gualtiero Marchesi (1930-2017), restaurateur de légende, a fait évoluer grâce à son génie la cucina della mamma. Il y a cinq restaurants trois étoiles en Italie et une bonne vingtaine de deux étoiles.
Dieu quelle aventure mondiale! Ancien entrepreneur dans l’électroménager, Oscar Farinetti, piémontais gastronome, a inventé avec ses trois fils Eataly, cette méga grande surface où l’on se restaure sur le pouce ou à table et où l’on fait ses courses alimentaires et vineuses.
Le supermarché d’Eataly Paris Marais | Thibaut Voisin
Le premier concept store a été ouvert à Turin en 2007, suivi par des succursales très profitables à New York, à São Paulo, à Tokyo, à Moscou, à Dubaï, à Las Vegas et à Londres prochainement, en tout trente-neuf Eataly sur la planète.
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À Paris, c’est Nicolas Houzé, directeur général des Galeries Lafayette et du BHV Marais qui a obtenu la licence d’Eataly destinée «à promouvoir de nouvelles formes de production et de consommation».
À peine ouvert, ce quadrilatère de pierres blanches en lisière du Marais a été envahi par des hordes d’amoureux·euses des gourmandises salées et sucrées de la Botte, des Français·es élevé·es dans le goût des pâtes familiales à la tomate, du riz aux légumes et des glaces onctueuses. Oui, l’Italie est la seconde patrie de nombre de citoyen·nes de l’Hexagone.
«Le voyage en Italie fait partie de toute éducation européenne depuis la Renaissance», écrit l’académicien et romancier Jean-Marie Rouart dans le Dictionnaire amoureux de Jean d’Ormesson où il souligne combien le grand écrivain du Plaisir de Dieu était sensible aux plaisirs des trattorias, de la truffe blanche d’Alba et des cèpes.
Le stand Pasta d’Eataly Paris Marais | Thibaut Voisin
Il faut savoir que la pasta longue, les spaghetti, les linguine, les ravioli ont intégré l’imaginaire des Français·es côté assiettes et menus. Nombre de grand·es chef·fes de notre pays servent des pâtes en garniture de plats simples ou nobles. Paul Bocuse à Collonges au Mont d’Or, près de Lyon, avait retravaillé les filets de sole aux nouilles de Fernand Point, son maître à penser de Vienne (Isère). Le fameux critique gastronomique Henri Gault avait écrit que c’était le plus grand plat de la cuisine française –il est toujours à la carte du trois étoiles à 95 euros.
Le marché aux fruits et légumes d’Eataly Paris Marais | Thibaut Voisin
À la vérité, on mange partout dans ce temple piétonnier de la cucina italiana. Des tables sont dressées jusque dans la cour du marché aux fruits et légumes, choix remarquable de salades de Trévise (4 euros), de tomates de pleine terre (3,50 euros le kilo), de poires longues (1,80 euro), à côté de la Panetteria (boulangerie) et du comptoir aux fromages de chèvre, de brebis, de vache.
La Panetteria d’Eataly Paris Marais | Thibaut Voisin
La mozzarella est moulée chaque jour par le fromager Nanina à partir de lait français selon la technique italienne. Il faut goûter le stracciatella, ce fromage à base de mozzarella trempée dans la crème fraîche de texture crémeuse, un délice (12 euros). Et les trois fromages burrata, mozzarella, buffala sont à 26 euros. Superbes sandwiches bien garnis (6 euros). Pains maison sur place.
Les stands Salumeri e la Mozarrella d’Eataly Paris Maris | Thibaut Voisin
Organisée comme une vraie place italienne, c’est le lieu idéal pour se retrouver entre ami·es ou collègues de bureau. Au choix, des planches de charcuteries, de fromages, des assiettes variées (de 7 à 18 euros), des salades natures (7 euros), méditerranéennes aux olives et tomates (12 euros) et au poulet vinaigrette (12 euros).
La Piazza d’Eataly Paris Marais | Thibaut Voisin
Au cœur de ce forum envahi du matin au soir, voici des tagliatelles fraîches au parmigiano reggiano et truffe noire (14 euros l’assiette), les gnocchi frais sauce tomate Così Com’è, mozzarella, huile d’olive (13 euros). Et le fameux tartare de viande piémontaise, salade de fenouil, agrumes et olives (14 euros), le carpaccio de bœuf mariné au balsamique de Modène, roquette, parmesan (15 euros). Tiramisu délicieux à la crème de mascarpone au café Lavazza, cacao amer (6 euros). On sert jusqu’à 23h30 non-stop.
Toutes ces nourritures sont faites au moment par une armée de cuisinier·ères, elles sont dévorées dans une sorte de fête des sens, de symphonie de fourchettes et de vins italiens à des prix très vendeurs: les vins DOCG du domaine Fontanafredda piémontais, le blanc (6 euros) et le rouge 2014 (10 euros). Chianti Frescobaldi toscan 2015 (7 euros).
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Le mérite d’Eataly doit être diffusé au public français. La famille Farinetti des débuts, les inventeurs de cette phénoménale aventure gastronomique sont des passionnés du bon goût et des aliments d’une totale traçabilité. Les produits offerts dans les restaurants d’Eataly sont ceux qui sont vendus dans les étages. Le choix, l’accessibilité et la vérité des produits sont les atouts de cette foire ponctuelle des nourritures et des vins d’origine vérifiée. Le boucher parisien Yves-Marie Le Bourdonnec propose des viandes signées et pas données: on ne pouvait faire mieux.
Les stands i Salumi e i Formaggi | Thibaut Voisin
Il reste que l’offre sur ces quatre étages est d’une telle abondance, d’une telle profusion –pâtes, sauces, huiles, gâteries– que l’on a du mal à dénicher ce que l’on cherche. À côté de jambons emballés, il est difficile de trouver le Parme et le délicieux Culatello vendu au grand restaurant l’Osteria del Vino. 1.500 références, c’est trop. Où sont les glaces? De plus, on fait la queue partout, mais l’ambiance est plaisante et les personnels d’une grande chaleur, à l’italienne (300 employé·es).
Le stand Pizza d’Eataly Paris Marais | Thibaut Voisin
C’est le restaurant le plus fréquenté, mille couverts par jour, la queue obligatoire (une demi-heure). Au choix, voici:
Pizza au poivre et à la truffe | Eatalyparismarais
Desserts et vins:
L’auberge ancienne des Italiens. Au premier sous-sol, proche de la gigantesque cave à vins, voici le seul restaurant classique, quarante couverts sur réservation, cuisine apparente du chef Massimo Poli, milanais, formé par le maître Sergio Mei, le Ducasse italien.
La salle du restaurant l’Osteria del Vino d’Eataly Paris Marais | Thibaut Voisin
Une vingtaine de plats dont le jambon Culatello aux gnocchi et stracciatella de mozzarella, copieux et goûteux (14 euros), le millefeuille d’aubergine au pesto de basilic et burrata (14 euros), spécialité du chef.
Dans les primi piatti, l’admirable risotto alla milanese au riz carnaroli, safran, parmesan et jus de viande, à goûter (22 euros), les tagliatelles al ragu de viande et bœuf (18 euros), le spaghetto Afeltra de Gragnano, blé italien IGP, palourdes, courgettes (24 euros).
Et l’escalope milanaise, salade de tomate et basilic, le poulpe grillé à la burrata, navet sauté à l’ail, huile d’olive, piment (24 euros), la fameuse polenta blanche aux légumes (18 euros), grand plat de maïs italien.
Dolci moelleux au chocolat, tuile croustillante et crumble (12 euros), le baba au rhum, crème fouettée, à partager (16 euros). Café (2,50 euros).
Les stands Vineria et Cucina d’Eataly Paris Marais | Thibaut Voisin
De 6 à 320 euros la bouteille, la quasi-totalité des vignobles de la Botte sont représentés dans cette Enoteca pleine de caisses, de flacons, de magnums –et une sélection de très grands crus du Piémont, de Vénétie, de Trentin, de Toscane, des Pouilles, de Sicile et les vins d’Angelo Gaja, un des plus grands viticulteurs du nord du pays, mondialement connu. Des sommelier·ères sont là pour conseiller les œnophiles et mener les dégustations à venir. À coup sûr, une cave unique à Paris à des tarifs humains. Au Bar del Vino, des antipasti accompagnés de vins au verre. Au rez-de-chaussée, l’eau Lurisia (6 euros), très cher.
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Eataly Paris Marais
37, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie 75004 Paris. Derrière le BHV. Tél.: 01 83 65 81 00. De 8h à minuit du dimanche au mercredi et jusqu’à 2h du matin les jeudis, vendredis, et samedis. Osteria del Vino, au premier sous-sol. Carte de 45 à 60 euros. Vins à partir de 7 euros le verre. Réservations au 01 83 65 81 59. Pas de parking.
Quatre restaurants italiens étoilés à Paris:
Emporio Armani Caffè
Au premier étage de la trattoria à terrasse, la table très fréquentée le soir de Massimo Mori (Venice Bar à la Bourse). Des préparations superbes, jamais savourées à Paris, révélant une créativité maîtrisée et des émotions rares.
149, boulevard Saint-Germain 75006 Paris. Tél.: 01 45 48 62 15. Formules midi à 35 euros et le soir à 50 euros. Carte de 85 à 110 euros. Pas de fermeture.
Restaurant Le George
Dans un salon du Four Seasons George V, la cucina en petites portions de Simone Zanoni. Raviole de pintade et risotto al onda. Très beau décor.
31, avenue George V 75008 Paris. Tél.: 01 49 52 72 09. Menu au déjeuner à 65 euros. Carte de 90 à 120 euros. Pas de fermeture.
Il Carpaccio
À l’écart dans le Royal Monceau, un récital de grande cuisine italienne chère et goûteuse, carpaccio de gambas.
37, avenue Hoche 75008 Paris. Tél.: 01 42 99 88 12. Menus à 120 et 145 euros. Carte de 90 à 130 euros. Fermé dimanche et lundi.
Penati al Baretto
La partition travaillée d’un chef très savant, Alberico Penati, tradition et modernité, pasta napolitaine aux sardines, spécialité bienvenue, granité aux fruits, café mémorable.
9, rue Balzac 75008 Paris. Tél.: 01 42 99 80 00. Formule à 39 euros, menus au déjeuner à 45 et 55 euros. Carte de 65 à 100 euros. Fermé samedi midi et dimanche.
À lire: Italie en privé, un album de photos et de textes du voyageur Herbert Ypma, de Naples à Milan, Florence et Venise. Hôtels, récits très personnels et repas. Une lecture très plaisante. Éditions du Chêne. 352 pages. 29,90 euros.
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