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Alors que le mouvement anti-franc CFA s’essoufflait, empêtré plus dans une litanie que dans un projet alternatif, des bûchettes allaient s’échapper de la brouille franco-italienne sur la question migratoire avant d’aller raviver le débat sur la monnaie controversée. Fin janvier dernier, le landernau politique italien rattaché à la « large » droite s’en prend violemment à la politique de la France en Afrique. L’instrumentalisation est patente et rien ne lui échappe : « un passé colonial » ; une France qui « appauvrit » l’Afrique ; une France qui se sert du franc CFA pour maintenir la mainmise sur le Continent, …
Si elles fâchent côté français, les « accusations » des Liguistes italiens vont plutôt servir le débat sur le Franc CFA et revigorer le front de ses détracteurs qui souhaite la sortie ou la révision de la monnaie unique des pays d’Afrique centrale et de l’Ouest. Le 17 février à Bamako au Mali, et contre toute attente, se tiendront les Etats généraux de la monnaie commune, réunissant des universitaires, des acteurs de la société civile et des responsables politiques afin de plaider en faveur de la réforme du Fcfa.
Les débats allaient faire ressurgir les griefs et reproches à l’encontre du franc CFA. Pour ses détracteurs, la maîtrise de sa propre monnaie est d’abord une question de souveraineté, confisquée au pays de la zone franc CFA. « Reliquat du régime colonial », « frein à la prospérité économique », le franc CFA est jugé trop fort pour ces économies en développement. Ses détracteurs remettent en cause le taux de change à parité fixe avec l’euro, établi à 650 CFA pour un euro par la France. Il est présenté par le front anti-CFA comme un facteur défavorable à la croissance économique. En effet, l’objectif de maintenir l’inflation à environ 2 % par les banques centrales de la zone (BCEAO et BEAC) est considéré comme très restrictif et limitatif pour l’octroi des crédits nécessaires à la création d’une dynamique économique et d”emploi. Les experts économiques qui soutiennent la révision dénoncent également l’entêtement des pays membres à conserver la monnaie et s’interrogent sur les réelles motivations de la France à garantir sa convertibilité.
Plusieurs voix se sont soulevées au cours des dernières années pour inciter les décideurs politiques africains à créer un cadre de réforme, mais aussi à tirer des leçons de la dévaluation en 1994 de la monnaie que l’économiste bissau-guinéen Carlos Lopes avait taxée de « désuète » en 2016. « Aucun pays du monde ne peut avoir une politique monétaire immuable depuis 30 ans », avait-il déclaré. Une prise de position partagée notamment par l’économiste togolais Kako Nubukpo, le Camerounais Martial Ze Belinga, l’économiste ivoirien Mamadou Koulibaly, ou encore le Sénégalais Demba Moussa Dembélé.
En 2018, le PIB total des 14 pays membres de la zone Franc s’élevait à 222 milliards de dollars, soit l’équivalent de 8% du PIB de français.
Levées en 1980 par l’économiste camerounais Joseph Tchundjang dans son ouvrage Monnaie, diversité et liberté. Mais la déconstruction du mythe autour de la monnaie unique des pays d’Afrique centrale et de l’Ouest ne fait pas que des adeptes. Ces divers arguments sont à balayer d’un revers de main selon les défenseurs de la monnaie unique qui égrènent un ensemble de contre-arguments en faveur de son maintien.
Selon les chantres du CFA, celui-ci confère aux pays qui l’ont adopté, grâce à son lien fort avec l’euro, une crédibilité internationale que n’ont pas de nombreux autres pays, selon ses défenseurs. Une prise de position qui écarte toute idée que les accords soient figés, selon le bon vouloir de Paris, et dénonce la propagande qui assimile l’acronyme au Franc des Colonies Françaises d’Afrique (CFA) et tente d’établir un lien entre la monnaie et la forte croissance économique dans l’espace monétaire en Afrique de l’Ouest notamment
Le redressement économique de la Côte d’Ivoire, qui aurait bénéficié de la stabilité de la monnaie, est cité en exemple. Sans prendre explicitement parti, plusieurs hauts responsables du Continent dont des chefs d’Etat ont émis des arguments ou commentaires en faveur du franc CFA. Des prises de position proches de celles du gouverneur de la BCEAO (Tiemoko Meyliet Koné), de l’ex-gouverneur de la BEAC (Lucas Abaga Nchama), mais également du gouverneur de la banque centrale française (Villeroy de Galhan) qui a écarté toute idée de sous-évaluation du franc CFA.
La plupart des dirigeants africains se gardent encore aujourd’hui de prendre position dans ce débat. Mais la boîte de pandore est déjà ouverte et un cadre de réflexion a été amorcé par le rendez- vous de Bamako, où tous les pays membres de la zone CFA ont été représentés. Au terme de cette rencontre tenue en février, les organisateurs des Etats généraux ont décidé d’installer des comités de réflexion pour instaurer un débat citoyen sur la question. Celui-ci intervient alors que les pays membres de la CEDEAO se penchent sur l’élaboration des mécanismes de mise en place de la future monnaie commune de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest en 2020.
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