Des pièces d'un franc suisse et d'un euro posées sur un billet de 100 francs suisses.
afp.com/Fabrice Coffrini
La décision de la Banque Nationale Suisse (BNS) de laisser s’apprécier sa monnaie entraîne davantage de remous pour les investisseurs. Car l’acte de ce pays aura des répercussions sérieuses sur les performances futures de leurs portefeuilles. “Nous aurions aimé vous dire que nous l’avions prévu” avoue fataliste Marc Craquelin, le directeur de la gestion de la Financière de l’Echiquier. Cet autre gérant y voit également “une sortie de la zone euro par le haut que l’on doit scruter de près au Nord de ce pays, alors que la Grèce a décidé d’aller au bras de fer avec l’Allemagne”.
Car cette ‘réévaluation’ surprise du franc suisse (en un peu plus d’une semaine, il s’est apprécié de plus de 30 %) porte d’abord un coup d’arrêt sérieux à la croissance du pays. Economie Suisse, l’organisation du patronat helvétique, a plus que divisé par deux la croissance attendue cette année : fixée initialement à 1,8 % elle plafonnerait à 0,8 %. Un acte somme toute logique au regard de l’indicateur du commerce extérieur : 60 % des exportations du pays prennent la destination de la zone euro.
Outre les manufactures horlogères suisses assemblant leurs montres dans le canton du Jura, l’ascension du CHF handicape nombre d’entreprises très dynamiques. Swatch a littéralement dévissé dès le 15 janvier et perd plus de 26 %. Richemont, dont la marque phare Cartier a déjà augmenté ses tarifs de 5 %, n’est pas épargné : – 22 % sur la période ! “L’intérêt général commandait de s’alléger sur le luxe” poursuit Marc Craquelin.
Quid des autres fleurons industriels de la Confédération : Nestlé, ses laboratoires et ses banques, assureurs et réassureurs ? “Le marché a bien fait la discrimination entre les entreprises ayant une base de coûts en francs suisses et les autres, plus exposées au dollar” poursuit-il. Selon lui, Nestlé, certes déjà affectée par des matières premières et des produits semi-finis agricoles en incandescence, tel le lait et ses poudres, les beures ou le cacao, devrait préserver ses marges.
Les prochaines communications du géant de Vevey seront scrutées à la loupe. Tout comme celles de Novartis et des autres grandes valeurs pharmaceutiques de Bâle, pourtant épargnées par leur savoir-faire.
Cette poussée de fièvre du CHF contaminera aussi la finance helvétique. Déjà ébranlée par les coups de boutoir des états contre l’évasion et l’optimisation fiscale, la banque, l’assurance et la réassurance de la confédération doivent relever un nouveau défi. Certes, leur savoir-faire leur permet de conserver une longueur d’avance sur nombre de leurs concurrents. En revanche, nombre de ces établissements doivent désormais compter avec la montée en puissance d’autres places financières, au Moyen-Orient et en Asie tel Dubaï, Doha, Singapour ou le Luxembourg, qui conjuguent compétences, discrétion, efficacité, et environnement règlementaire favorable aux investisseurs… à des coûts défiants toute concurrence. Surtout, le contexte de taux faibles, et même négatifs en Europe, joue là-aussi contre leurs marges, et par ricochet leurs valorisations.
Surtout, avec une courbe des taux faibles, et même négative en Europe, joue là-aussi contre leurs valorisations. Le lancement imminent d’un vaste programme de Quantitative Easing, de rachats d’une partie des dettes d’états qu’elles détiennent, revigorera leurs marges. “Pourtant, note Marc Craquelin, l’annonce de la BCE n’a pas suscité de rally important sur leurs titres”.
Faut-il pour autant se détourner de la Bourse de Zurich ? Bien sûr que non ! Comme souvent, les salles de marché ont sur réagi. Nombre de valeurs ‘massacrées’ ces dernières semaines conservent de très beaux atours.
Richemont regagner une partie du terrain perdu, malgré d’autres mauvaises nouvelles à suivre du côté de la Russie et de son rouble dévalué. Marc Craquelin avoue avoir très peu touché aux positions sur Lindt et Barry Callebaut, fournisseur en caco et spécialités pâtissières. Et de conseiller les situations spéciales ou atypiques : Sica, un spécialiste de l’isolation, dans lequel Saint-Gobain a pris une participation, et DKSH, un distributeur spécialisé de l’Asie du Sud-Est, et qui n’a de Suisse que sa cotation dans la capitale Alémanique.
Et puis la flambée du CHF fait le malheur d’une centaine de villes et départements français. Christopge Greffet, vice-président du Cinseil Général de l’Ain et président de l’Association des Acteurs publics contre les Emprunts Toxiques, se trouve confronté à une équation plus qu’ardue : après avoir emprunté 10 millions d’euros en 2006, les charges financières de cet emprunt ont plus que doublé d’une année sur l’autre : en 2015, il devra décaisser près de deux millions pour le paiement de seuls intérêts. Et cette dette court sur plus de vingt ans…. “Les élus devront arbitrer dans leurs dépenses” prévient-il. Et augmenter les impôts à quelques semaines des Régionales prévues pour décembre ?
Cette sortie par le haut de la zone euro fait tout de même le bonheur de l’économie française. Conjuguéeà la baisse de l’euro face au dollar et du pétrole, il remet au goût du jour des secteurs jusque-là peu favorisés : la consommation, avec les gains de pouvoir d’achats à suivre pour les ménages et les fournisseurs de l’aéronautique, tels Zodiac Aerospace ou Safran, remis en selle face à leurs concurrents américains ou asiatiques. Reste, une dernière minorité de chanceux : les frontaliers et expatriés français autour du Léman : en deux ans, leur pouvoir d’achat a grimpé de plus de 30…

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