Glissée dans un tailleur bleu profond, un foulard noué autour du cou, ses cheveux bruns tirés en arrière, elle tourne son regard au-dessus des sièges vides, vers un hypothétique horizon… Depuis quelques semaines déjà, Cristiana Reali devient Simone Veil en montant sur la scène du théâtre Antoine, à Paris (Xe). Simone Veil, immense destin français, femme politique disparue en 2017 et entrée au Panthéon un an plus tard, qui devient personnage de théâtre sous la plume et les traits de la comédienne.
Elle signe, avec Antoine Mory l’adaptation pour les planches d’« Une vie », l’autobiographie de la grande dame. Survivante des camps où elle perd une partie de sa famille, magistrate et ministre, autrice de la loi autorisant l’IVG, mère de famille aussi, présidente du parlement européen, elle aura aussi siégé au Conseil constitutionnel… De son parcours hors norme, ils signent « Simone Veil, les combats d’une effrontée », spectacle créé ce mercredi au théâtre Antoine à 19 heures dans le cadre du festival Paroles Citoyennes. Pour 8,99 euros, on peut le découvrir en direct sur Facebook.
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« A la lecture du livre, j’ai trouvé le personnage théâtral, explique la comédienne. Son histoire peut être racontée et son charisme, sa façon d’être à la fois maîtrisée et très forte, intérieure et intense, m’intéressaient. » Elle se dit aussi touchée par « son côté simple malgré un destin incroyable » et, bien sûr, « son féminisme profond mais pas démonstratif ». « Il y avait quelque chose à faire exister chez cette dame qui peut apparaître classique mais qui était en fait très moderne », pointe-t-elle.
Du monologue imaginé au départ, l’adaptation a rapidement pris la voie d’une partition à deux. Aux côtés de Cristiana Reali, Noémie Develay-Ressiguier interprète Camille, spécialiste venue l’évoquer à la radio au soir de sa « panthéonisation ». Le personnage va alors s’incarner sur scène pour témoigner ou revivre ses grands engagements. Ainsi est mis l’accent sur « la transmission qui était très importante pour elle », souligne la comédienne, qui estimait important que différentes générations de femmes apparaissent.
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« Moi, je l’ai croisée, Simone Veil, mais pour les moins de 30 ans, elle appartient déjà aux livres d’histoire », souligne-t-elle. « Dans le spectacle, elle dit des jeunes générations qui nous surprennent parfois qu’elles ont raison. Le message qu’elle leur laisse, c’est allez-y les filles, on vous fait confiance. »
Un livre de 400 pages et des morceaux de vie puisés çà et là dans les documents d’archives, le tout à faire tenir en 1h15, il a fallu couper, choisir des axes. « Je me suis basée sur l’humanisme plus que sur la politique », souligne Cristiana Reali. « On voulait raconter ses principaux combats, pas livrer un théâtre documentaire ou une biographie complète, estime Pauline Susini, qui met en scène cette traversée d’une vie, portrait forcément emprunt d’admiration. Et derrière chacun de ses combats, plane l’ombre des camps, terrible épreuve dont elle tirera une force incroyable.
Une moquette grise, un bureau et un banc à cour, et en fond une rangée d’armoires d’archives formant un écran pour les quelques vidéos projetées, c’est l’écrin de l’incarnation de la grande dame. Mais l’incarne-t-elle ? Cristiana dit non, pirouette d’un « c’est plutôt Simone Reali ». Mais sa metteuse en scène l’affirme « oui, elle l’incarne vraiment, mais notre objectif n’était pas de faire un biopic dans lequel visuellement, il fallait que ce soit exactement elle, Cristiana s’est beaucoup inspirée en l’observant et en l’écoutant lors de la préparation, mais elle reste Cristiana. »
A ce moment, la comédienne, qui proteste faiblement, défait mécaniquement le chignon qui retient ses cheveux. Une coïncidence, nous souffle-t-elle. « Il y a une maîtrise chez cette femme que j’ai essayé d’avoir, moi qui suis plutôt quelqu’un d’expansif. » Et de cœur, qui tenait à ce projet. Au point de passer outre ses réticences vis-à-vis du théâtre filmé…
« Il y a encore un an, je ne l’aurais pas pour de multiples raisons, joué seulement devant des caméras, sans public… » Mais quand une lucarne du possible s’est ouverte avec le festival, elle n’a pas manqué s’y engouffrer. Même en ligne. « Avec l’envie de jouer, de le monter aussi pour qu’il soit prêt quand ça rouvrira, c’était plus par appétit théâtral qu’on s’est lancé. On avait les moyens, ce n’était pas la visio qui allait m’empêcher de le faire. » De fait, il est prêt. Et s’il n’a pas encore de date à Paris, il en compte déjà 80 en tournée à partir de janvier 2022.
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